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Regard critique · Justice sociale

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Freak Houses for Freak People

Les circuits d’hébergement classiques et d’accompagnement des sans-abri ne sont pas toujours adaptés au noyau le plus dur de ce public et aussi le plus vulnérable.Une initiative a été lancée au Danemark qui s’adresse spécifiquement à celui-ci en partant du principe qu’un logement est le point de départ detout travail social.

20-06-2008 Alter Échos n° 254

Les circuits d’hébergement classiques et d’accompagnement des sans-abri ne sont pas toujours adaptés au noyau le plus dur de ce public et aussi le plus vulnérable.Une initiative a été lancée au Danemark qui s’adresse spécifiquement à celui-ci en partant du principe qu’un logement est le point de départ detout travail social.

Le manque chronique de logements conduit à la déstructuration sociale et psychologique des sans-abri. Dns ces conditions, pPar quel biais entamer un travail d’accompagnementsocial ? Cette question, des travailleurs sociaux danois se la sont posée et sont arrivés à la conclusion que le logement devait être le point de départ.N’importe quel logement en réalité, puisque la particularité de ce projet baptisé « Freak houses for freak people »1 est de n’imposeraucun critère de qualité à ce logement. Ainsi une roulotte, une cabane, un abri peuvent être reconnus comme un domicile et faire l’objet d’un bail tout àfait classique. Cette reconnaissance ouvre alors une série de droits sociaux liés à la domiciliation (soins de santé, revenus d’intégration, etc.). Lelogement devient le point de départ ou d’arrivée du travail social.

La pratique danoise offre de nouvelles formes de logement au sein de petites communautés et tient compte des besoins spécifiques des personnes sans domicile fixe ayant des modes devie différents. L’objectif est d’offrir aux sans-abri chroniques des conditions de vie décentes, au sein de logements parfois rudimentaires, leur permettant de se soigner,d’être abrités du froid, de retrouver une certaine vie privée. L’idée est de rompre le cercle infernal de la nuit passée dans un centre de nuit suiviepar le retour inéluctable à la rue. Une fois un toit au-dessus de leur tête, il devient possible d’entamer un travail d’accompagnement social. Possible mais pasobligatoire, puisque dans certains cas, les travailleurs sociaux acceptent qu’ils ne peuvent pas pousser la démarche plus loin que la phase de stabilisation dans le logement.

Les habitants ne sont pas tenus de participer aux activités. Ils ne sont pas non plus obligés d’intégrer un quelconque programme de réinsertion mais lapossibilité leur en est offerte. Les habitants sont considérés comme des individus avec leur vécu propre et particulier et non pas comme relevant d’unecatégorie prédéfinie (femmes, clandestins, jeunes, familles, etc.).

Lancé en 1999, ce projet était subsidié par le gouvernement danois dans sa phase de mise en route. Les associations impliquées devaient ensuite en assurerelles-mêmes le financement en faisant appel à des subsides auprès de sociétés de logements, des pouvoirs publics, des municipalités ou encore d’acteursprivés. Mais en 2003, le gouvernement danois reconduisait son soutien pour quatre ans.

Ce projet a fait l’objet d’une évaluation par des ONG et des associations qui travaillent avec des sans-abri dans d’autres pays européens et réunies au seinde la Feantsa2. L’idée était d’estimer s’il était applicable à d’autres pays.

Un projet exportable ?

Les observateurs européens ont estimé que ce projet permettait d’aborder de manière différente le travail de réintégration des sans-abri qui, sinon,n’auraient jamais adhéré à un travail d’accompagnement social. Certains observateurs estiment ainsi qu’un logement aussi vétuste ou inhabituel soit-ilest déjà un premier pas vers une stabilisation et la récupération de certains droits administratifs et sociaux. Mais d’autres redoutent que le projet ne conduise lesparticipants à s’enfermer dans « un ghetto de sans-abri » et que cette solution devienne permanente. Dans l’ensemble, ils estiment la démarcheintéressante mais seulement applicable en dernier recours, quand aucune autre politique d’accompagnement n’est possible. Sur le terrain, les travailleurs sociaux danoisreconnaissent qu’il s’agit d’un travail difficile, dans lequel ils se sentent parfois isolés face à des situations de violence, de décompensation psychiquequ’ils doivent gérer seuls.

Malgré ces bémols, un groupe d’architectes néerlandais3 annonçait en juillet 2007 un projet de construction de maisons pour des sans-abri,inspiré de la philosophie des Freak Houses. Ces maisons seront petites et simples. Elles pourront héberger une personne mais elles seront construites par groupes de 5 à 15logements sous la forme d’une petite communauté avec des espaces collectifs. Progressivement l’idée fait donc son chemin et inspire d’autres projets, d’autresdémarches pour réinventer un logement adapté à la personne et non l’inverse.

1. Freak est un terme anglais lourdement connoté qui signifie : étrange, bizarre mais également monstrueux. Provocateur, le titre est pourtant reconnu par legouvernement danois sous la formule « Skaeve huse til skaeve existenser ». La Commission européenne qui a repris le projet dans les bonnes pratiques en matièred’inclusion sociale l’a traduit en français par « maisons atypiques pour existences atypiques ».
2. La Feantsa est la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri. Elle regroupe des organisations à but non lucratif qui luttentcontre l’exclusion liée au logement en Europe. Ses bureaux sont situés sur la chaussée de Louvain, 194 à 1210 Bruxelles – site : http://www.feantsa.org.
3. Pour en savoir plus, le projet des architectes du Studio Schaeffer à La Haye est accessible sur leur site web : http://www.studioschaeffer.nl/proj/0638-daklozen/0638-01.html
Le projet s’appelle « Daklozenhuisvesting » à Leyden. Les informations ne sont malheureusement disponibles qu’en néerlandais.

nathalieD

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