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"Habitat et participation met en lumière les difficultés que rencontrent les initiatives innovantes"

24-09-2001 Alter Échos n° 105

À la demande du ministre wallon des Affaires sociales et de la Santé Thierry Detienne, l’asbl Habitat et Participation a réalisé depuis le début del’année un inventaire de vingt initiatives innovantes en matière d’insertion dans le logement et dans l’emploi. Le tout était présenté au publicet aux représentants des initiatives rencontrées, le 17 septembre à Monceau-sur-Sambre.
1. Structurer l’échange d’expériences…
1.1. La “fiche d’expérience”, entre production de savoir et processus de changement
H&P1 a mis au point depuis quelques années une méthode de constitution de “fiches d’expérience” qui permet en quelques pages de décrire des projetsà caractère social au départ d’entretiens collectifs avec les différents types de personnes concernées (travailleurs, coordinateur, usagers, etc.). Ces fichesinsistent sur les dimensions de la participation, de l’innovation, et des obstacles juridiques rencontrés. L’ensemble des productions est versé dans – et est aussinourri par – un réseau international mobilisé autour de cette conception de l’échange d’expériences, le réseau Documents pour le progrès del’homme. On retrouve d’ailleurs dans le document remis au ministre onze fiches qui décrivent des initiatives à l’étranger.
Les vingt initiatives sont décrites comme fonctionnant avec peu de moyens, et/ou sans reconnaissance ni publicité, et/ou à la limite de la légalité. Tels sont lescritères d’innovation qui ont permis de les identifier et de les sélectionner. Le sens de la commande ministérielle était en effet d’identifier desdysfonctionnements de la législation, des limites des réglementations, des freins à l’innovation.
Le rapport livre en tout 31 descriptions brutes d’expériences, sans proposer d’éléments de réflexion transversaux. C’était aux participants de lajournée du 17 de caractériser plus avant les innovations en question, de débattre de la participation, et de mettre en évidence les éventuels obstacles juridiquesrécurrents. Le dialogue avec les pouvoirs publics pouvait alors se dérouler sur cette base.
1.2. Quelques exemples
> La rénovation de logements abandonnés pour 18 familles dans le quartier de l’Étoile à Jumet : opération pilotée par l’Aide locative deCharleroi et financée par le Fonds du logement, qui a permis la mise au travail de plusieurs dizaines de jeunes par le CPAS sous contrat “article 60”.
> Les opérations d’accompagnement des propriétaires-habitants dans la rénovation de leur logement par la maison de quartier Bonnevie à Molenbeek.
> Le service Convivial qui, à Bruxelles, récolte du mobilier et du matériel de première nécessité redistribué à des réfugiésen séjour autorisé qui ont trouvé un logement mais doivent l’équiper, qui développe aussi des activités d’accompagnement individuel et d’animationscollectives pour toutes les catégories de primo-arrivants en difficultés, y compris les illégaux.
> L’habitat kangourou développé par le foyer Dar el amal à Molenbeek qui consiste à faire vivre une ou plusieurs familles en difficultés financièresdans une maison qui leur est louée à prix réduit et où une personne âgée habite à côté d’elles.
> Le bail glissant pratiqué par Habitat service à Liège.
> La gestion participative de l’Entreprise de travail adapté La Lorraine à Arlon.
> Les logements de transit de la nouvelle asbl La Maison à Ougrée, créée par l’Entreprise de formation par le travail Le Cortil pour soutenir laréinsertion de ses stagiaires en formation.
> Le Collectif médiation paritaire issu du Conseil du logement de Charleroi qui propose depuis peu un mode alternatif de règlement des conflits locatifs beaucoup plus abordable queles tribunaux pour les locataires.
> etc.
1.3. Premiers éléments de lecture transversale
Pour Éric Cornille, qui a réalisé ces fiches pour H&P, les vingt initiatives ont été choisies un peu tous azimuts pour augmenter la valeur exemplative du tout.Leur examen confirme effectivement que la variété est énorme, ainsi que les potentialités qu’on peut imaginer dans la mesure où la plupart des initiativessont au moins partiellement reproductibles. En particulier le bail glissant, la médiation locative, l’habitat kangourou, l’accueil de personnes souffrant de problèmes desanté mentale dans des communautés africaines.
La variété se retrouve aussi dans les manières d’articuler emploi et logement, avec différentes possibilités de montage de partenariats telles que les offrentle bail à rénovation, les contrats “article 60”, les EFT du bâtiment, etc.
2. … pour préparer et illustrer un débat politique
C’est donc le lundi 17 septembre qu’Habitat et Participation a organisé une journée de travail et de débats sur le thème « Innovation sociale : Quand lesactions rencontrent les politiques ». Au cours de celle-ci, trois « carrefours » ont été mis sur pied : Øabitat et social, aspects juridiques et financiers, et participation et liensocial. Par ce biais, Habitat et Participation visait trois objectifs dans le prolongement de la constitution des “fiches d’expérience” :
> « échanger des informations sur des pratiques innovantes menées par les services;
> échanger des idées pour répondre à des obstacles rencontrés dans la mise en œuvre de projets innovants visant la réinsertion socioprofessionnelleet par le logement;
> formuler des propositions concrètes en termes de besoins au niveau juridique ou législatif soutenant l’amélioration de pratiques actuelles ou la mise en œuvre deprojets novateurs. »
2.1. L’habitat et le social
Au sein du premier carrefour, les discussions ont donc porté sur l’habitat et le social. Parmi les questions mises en avant, relevons les suivantes : « Quel intermédiaire social pouraccéder à un logement de qualité? Quelles sont les différentes formules d’aide pour l’accès au logement qui misent sur les capacités des gens?Quelles synergies possibles entre rénovation de logements à finalité sociale et des formations dans le secteur du bâtiment destinées à des personnesdéfavorisées (en général) et/ou à de futurs habitants (en particulier)? » Les participants à la discussion ont pointé une série de freins : ladivision des compétences entre les ministères (les briques d’une part, et l’accompagnement social d’autre part); le manque de moyens affectés aux logements durables et dequalité; l’absence de reconnaissance financière de l’accompagnement technico-social; la crainte d’une trop grande institutionnalisation
des actions de terrain qui entraînerait uneperte d’initiatives; la difficulté d’établir des critères quantitatifs pour évaluer les projets, hors pression et dans un but de progrès.
Afin de combattre ces freins, diverses propositions ont été avancées : considérer le logement comme un besoin essentiel et donner les moyens nécessaires;créer une coordination – transversalité sur le plan social – entre les différentes compétences (la question du « qui? » demeure); développer des contratsdurables entre les pouvoirs publics et l’associatif : impliquer davantage les habitants en tenant compte de leurs choix; quantifier l’apport social en concertation avec le terrain; laisser un espaceà l’innovation en tenant compte des nouvelles problématiques (Quelles seraient les possibilités de financements européens?); favoriser l’intégration sociale via lesdimensions interculturelle et intergénérationnelle; etc.
2.2. Les obstacles juridiques
Le deuxième carrefour concernait les aspects juridiques et financiers relatifs au logement. Ici, les participants ont mis à plat une série de mécanismes en train de sedévelopper. Le bail glissant, par exemple, permet d’éviter l’assistanat des locataires. Néanmoins, il ne trouverait guère sa place dans la législation actuelle, cequi serait la source d’une certaine insécurité juridique. Il faudrait donc envisager une complémentarité avec le système des AIS. Le bail àréhabilitation constitue un autre mécanisme. Il est cependant peu pratiqué sur la base de la législation existante. De plus, l’expérience a mis en évidencedes difficultés de mise en œuvre, entre autres par rapport à la formation du public – lequel est composé de “personnes plus déstructurées”.Au cours des discussions, des expériences étrangères ont également été abordées, telle la coopérative de propriété collectivepratiquée en Italie. Concrètement, les logements sont acquis par la coopérative et les locataires finissent la rénovation du logement. Toutefois, ce typed’opération implique de résoudre certaines questions telles celles du terrain et du crédit pour la réalisation de ces logements.
2.3. Participation des personnes en difficultés
Enfin, les participants du troisième carrefour (participation et lien social) ont posé la question de la place des populations fragilisées dans notre société et– par truchement – celle de l’associatif. Côté freins, ils ont pointé le cloisonnement, le manque d’évaluation, la nécessité d’identifier lesbesoins et les demandes, ainsi que les formes de subsidiation. Côté solutions, il a été question de synergies, de participation-processus, de formation, de supervision etde valorisation des compétences individuelles et collectives.
2.4. Les réponses des politiques
Ç la suite de ces réflexions et devant ces inquiétudes, les politiques wallons se sont positionnés. Du côté du ministère du Logement, Catherine Delid,membre de la cellule Logement du cabinet Daerden2, a tenu à préciser que la question du “quoi?” anime la transversalité entre logement et social étaiteffectivement confiée à la DIIS (Direction interdépartementale de l’intégration sociale). Et de signaler que cette « structure transversale ne concerne pas que le logement,car l’action sociale joue sur toutes les matières. Il n’est pas question de saucissonner le logement du social, s’il le faisait Michel Daerden serait alors en porte-à-faux par rapportaux directives du PS. » Catherine Delid ajoute que si le ministre Thierry Detienne, en charge de l’Action sociale, dispose de moins de budget, il n’en continue pas moins de subventionner les AIS (parexemple). Par ailleurs, elle a précisé qu’il n’y aurait pas de suppression de subventions existantes concernant certains systèmes.
De fait, la rumeur court depuis la rentrée que l’Administration ne pourra bientôt plus accepter de la part de l’associatif de nouveaux dossiers concernant desopérations de logement d’insertion ni de logement de transition. Tous les montages devraient passer par la SWL ou se faire en partenariat avec elle. Lors d’échanges avec desresponsables associatifs et des parlementaires, le cabinet n’a rien démenti. Néanmoins, affirmait Catherine Delid dans l’atelier auquel elle participait le 17 septembre,“des changements” sont à réaliser, dans une logique de guichet unique et de recentrage des financements, sans plus de précision. À la SWL, on nous indique quesi des changements doivent intervenir sur ce dossier, ce sera dans la “logique d’ancrage communal” de la politique du logement prévue dans le Code wallon du logement. Untrain de décisions doit être pris en la matière fin octobre par le gouvernement.
Pour sa part, Thierry Detienne3 s’interroge sur la manière d’offrir à l’associatif un cadre souple et innovant pour des projets durables et sécurisants sans pour autanttomber dans la sclérose. Il observe qu’aujourd’hui tout le monde fait de l’insertion, a un service d’aide sociale… « L’analyse à l’échelle du territoire montre l’importancedu lieu pour les gens. Il faut savoir comment utiliser au mieux l’ensemble des compétences des associations, des savoir-faire et des budgets pour le bénéfice de l’ensemble duterritoire. Une piste consiste aussi à décloisonner l’associatif », souligne le ministre. Concrètement, il faudrait que l’ensemble des acteurs du logement disposent d’un lieu deconcertation permanente.
Les participants ont fait remarquer que celui-ci existe sous la forme du Conseil supérieur du logement. Néanmoins, la question reste de savoir s’il serait possible d’utiliser ce lieupour débattre des questions abordées au cours de la journée.
1 Place des Peintres 1/4 à 1348 Louvain-la-Neuve, tél. : 010 45 06 04, fax : 010 45 65 64.
2 Cabinet : rue Kefer 2 à 5100 Jambes, tél. : 081 32 18 11, fax : 081 32 18 18.
3 Cabinet : rue des Brigades d’Irlande 4 à 5100 Jambes, tél. : 081 32 34 11, fax : 081 32 34 29.

Baudouin Massart

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