Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Foulard islamique toujours au cœur de la corrida

Le port du foulard à l’école déclenche depuis vingt ans les passions. Aujourd’hui, il agite d’autres sphères sans clore le débat.

27-04-2010 Alter Échos n° 293

Après plus de vingt ans de débat politico-médiatique quasi permanent autour du « port des signes religieux » (lire « foulard islamique ») dans lesétablissements scolaires, la polémique déchaîne toujours autant les passions.

Du côté francophone, la polémique a ressurgi pendant la campagne électorale régionale de 2009 suite à l’élection de la premièredéputée voilée (Mahinur Özdemir – CDH) au parlement bruxellois. Plus récemment, la nomination par Écolo de Fatima Zibouh, chercheuse universitaireportant le foulard islamique, au poste de membre suppléant du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) a relancé la polémique.Vivement critiquée par des députés MR et du Vlaams Belang, cette nomination a forcé Écolo (dans l’opposition au fédéral) à venir en aideà Joëlle Milquet, présidente du CDH et vice-première fédérale en charge de l’Égalité des chances, pour soutenir la candidature de FatimaZibouh. Dans sa réponse aux parlementaires, Joëlle Milquet rappellera que « aucune loi ni aucun règlement n’empêche une personne portant un foulard desiéger dans un conseil d’administration », tout en ajoutant que « la société belge est multiculturelle et la liberté religieuse est reconnue par laConstitution. Il faut arrêter de stigmatiser les jeunes qui choisissent de porter le foulard ».

Discours dissonants au Sud comme au Nord

Cette position de Joëlle Milquet contraste avec la position de son parti tant au niveau communautaire qu’au niveau communal. En effet, la ministre de la Communautéfrançaise Marie-Dominique Simonet (CDH), en charge de l’Enseignement obligatoire, a rapidement fait savoir qu’il y avait un consensus politique pour interdire le port du foulardislamique jusqu’en troisième année secondaire et a rappelé son opposition au port de signes religieux par des membres du personnel de l’enseignement officiel. Cettedernière remarque fait référence à la saga judiciaire d’une professeure de mathématique portant le voile (depuis plus de deux ans) dans une école de laVille de Charleroi – dont le bourgmestre, Jean-Jacques Viseur, est également CDH. Contrainte par la direction d’école d’ôter son foulard, l’enseignante aété en justice face à la Ville de Charleroi qui soutient la direction et a gagné en instance d’appel, où la Cour a rappelé lanécessité d’un texte précis pour déroger au principe de la liberté d’expression tout en condamnant la Ville à réintégrerl’enseignante. S’adaptant à l’arrêt, la Ville de Charleroi a rapidement adopté un règlement communal interdisant le port des signes religieux, tandis queles instances politiques communautaires discutent de l’éventualité d’un nouveau décret interdisant clairement le port du foulard islamique tout en réaffirmantle principe de neutralité.

En Flandre, c’est au niveau local que les débats continuent au fur et à mesure que le Vlaams Belang propose dans les conseils communaux ou au CPAS l’adoption derèglements précisant cette interdiction. Le dernier épisode en date concerne la présence d’assistantes sociales et d’employées de bibliothèquesportant un foulard islamique dans la commune de Sint-Niklaas, mais la proposition n’est pas passée. D’autres localités flamandes, dont Anvers dirigée par un socialiste, ontpar contre adopté une telle interdiction en invoquant le principe de neutralité des agents communaux.

Au niveau régional, dans la foulée de l’interdiction anversoise, les écoles dépendant du pouvoir communautaire flamand ont adopté une interdictiongénéralisée du port du voile dans leurs établissements. Elle faisait suite à une interdiction spécifique dans les athénées d’Anvers et deHoboken ayant conduit à des plaintes de jeunes filles portant le voile. Début avril 2010, le Conseil d’État a annulé cette mesure, estimant qu’il n’yavait pas de décret régional autorisant une telle mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Le Conseil d’État a renvoyé la question vers lesmagistrats de la Cour constitutionnelle et au ministre flamand de l’Enseignement pour qu’ils tranchent cette épineuse question.

Étant donné que le sujet divise l’ensemble des familles politiques et provoque d’intenses débats passionnels dans l’opinion publique, le port du foulard islamique feraprobablement partie des thèmes de campagne lors des prochaines élections en Belgique.

Mehmet Koksal

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)