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"Fécri : table ronde sur les conséquences et perspectives de la régularisation en Wallonie"

19-11-2001 Alter Échos n° 109

C’est à l’invitation du cabinet du ministre des Affaires sociales et de la Santé de la Région wallonne1 et de la Fécri2 que s’est tenue le 23 octobre à Namur unetable ronde sur « Régularisation, conséquences et perspectives ». Trois rapporteurs présentaient la synthèse des tables rondes locales organisées avec les six Centresrégionaux d’intégration en vue d’évaluer l’évolution des besoins en matière d’intégration éprouvés par les personnes engagées dansla voie de la régularisation. Quatre thématiques furent développées: « Emploi », « Aide sociale », « Santé mentale » et « Citoyenneté » devant un panelde spécialistes et en présence du ministre.
1) Emploi professionnelle
Selon la loi du 30/04/1999, les conditions d’accès au travail des étrangers non ressortissants de l’UE soumettent ces derniers à la condition préalable de posséderun permis de travail, et obligeaient l’employeur à obtenir une autorisation d’occupation (valable 12 mois avec renouvellement possible). Pour les ressortissants d’un pays de l’UE, lesréfugiés reconnus et les régularisés, cette condition n’existe pas. Le travailleur dont le permis est refusé ou retiré de même que l’employeurà qui l’autorisation d’occupation est retirée ou refusée peuvent toujours introduire un recours.
À la suite de la récente procédure de régularisation, une autorisation provisoire de travail « qui ne correspondait pas aux besoins urgents de travailler desrégularisables » pouvait être accordée aux candidats à la régularisation ainsi qu’aux régularisés (circulaire du ministère fédéralde l’Emploi et du Travail du 6/04/2000). Cette demande d’autorisation introduite par le candidat employeur était accordée pour un an au maximum avec possibilité derenouvellement. L’autorisation prenait fin dès que la demande de régularisation était statuée (dans un sens positif ou négatif). Le travailleur ne pouvaitêtre mis au travail qu’après délivrance de cette autorisation.
Une nouvelle circulaire entra en vigueur en février 2001 pour accélérer la mise au travail des candidats à la régularisation qui devenait effective dèsl’introduction de la demande d’autorisation provisoire d’occupation (auprès du Forem pour la Wallonie) à la condition pour l’employeur de fournir un dossier complet transmis ensuiteauprès de la Division de l’Emploi et de la Formation professionnelle, direction de l’Emploi et Immigration de la RW. L’autorisation est automatiquement accordée à défautde décision négative de la RW dans les trois mois. Une fois la régularisation obtenue, dispense totale est accordée tant d’autorisation provisoire que de permis de travailpour tout employeur et dans toute profession.
Pour les étrangers travailleurs indépendants, la loi a été modifiée (02/02/01) dans le sens où le droit au travail indépendant, lucratif ou non, estassorti de la possession d’une carte professionnelle délivrée par le ministère des Classes moyennes (maximum cinq ans). Dispense possible pour les ressortissants de l’UE et lesréfugiés reconnus.
L’accès à la formation professionnelle des candidats à la régularisation. Ceux-ci sont invités à s’inscrire comme demandeurs d’emploi libres etinoccupés auprès du Forem. Cette inscription ne leur ouvre pas le droit aux allocations de chômage, mais leur donne accès aux formations organisées ou reconnues parle Forem (pour autant qu’il n’y ait pas de stage en entreprise qui exige une demande préalable). Un fois la régularisation obtenue, les personnes ont accès àl’ensemble des formations proposées par le Forem
Le droit aux allocations de chômage est ouvert pour le régularisé reconnu chômeur indemnisé. Les périodes de travail que le régularisé auraprestées pendant la régularisation seront comptabilisées pour son taux d’indemnisation et pour lui donner accès aux mesures pour l’emploi (pour autant qu’il remplisse lesconditions de la législation chômage).
La table ronde constate les manquements suivants :
> « que la réglementation belge sur le droit au travail des personnes étrangères fait état d’un protectionnisme certain du marché du travail et est liéeà la notion de séjour régulier et donc de séjour légal. L’accès au travail ne donne pas droit au séjour. »
> L’enchevêtrement des arcanes administratifs devant la multiplicité des catégories d’étrangers ne facilite pas l’accompagnement et l’orientation des personnes. En yajoutant « la complexité des compétences fédérales, régionales, communautaires et européennes qui crée le désarroi chez les intervenantseux-mêmes… Il s’avère nécessaire que les politiques menées à quelque niveau que ce soit soient en accord les unes avec les autres dans un soucid’efficacité transparente au bénéfice des intéressés. » Les intervenants éprouvent un besoin d’information.
> Et de regretter le délai d’attente de 11 mois avant d’avoir pu mettre au travail directement les candidats à la régularisation. Et d’insister sur les pratiquesdifférentes en Flandre et en Wallonie (10.000 autorisations accordées en Flandre pour 600 en Wallonie), ce qui a pour conséquence de compliquer la vie des régularisablesqui ne connaissent pas le paysage institutionnel et administratif de notre pays et qui ont une mobilité restreinte de par leur situation de précarité.
> Quant aux employeurs, ils n’ont aucun incitant à engager un étranger (en attente de régularisation) et même, prennent des risques devant un avis qui s’avéreraitnégatif. De plus, la lourdeur des démarches freine les employeurs.
> Le travail étant vecteur d’intégration, la table ronde insiste sur le problème d’équivalence des diplômes qui cantonne des personnes qualifiées etparfois hautement qualifiées dans des postes qui ne leur correspondent pas. Une difficulté d’accès aux sociétés d’intérim et même aux emplois ouvertspar les CPAS est également constatée.
> En matière de formation, on insiste sur « la nécessité d’une coordination au niveau des opérateurs de formation à la fois pour mieux gérer l’offre et lademande et pour pouvoir proposer un véritable parcours d’insertion socioprofessionelle en continuité. » Fut relevée également la nécessité d’intensifierl’offre de formation en langue française.
2) Aide sociale
Le rapport relève que les sans-papiers en attente d’être régularisés sont poussés à la précarité devant le refus par les CPAS de leur octroyerl’aide sociale. En cause, la querelle juridique qui oppose le gouvernement aux ONG, et à la Ligue des droits de l’homme. D’après la loi, l’introduction d’une demande derégularisation n’ouvre pas le droit à l’aide sociale. Jusqu’à présent,
les tribunaux du travail ont suivi l’interprétation des ONG qui contestent le refus de l’aidesociale en se basant sur le fait que l’introduction d’une demande de régularisation empêche le demandeur d’être éloigné du territoire. En attendant, les personnes endemande de régularisation doivent se débattre dans une situation bloquée et réagir au cas par cas en déposant des recours contre les refus des CPAS de leur octroyerl’aide sociale. La situation juridique était jusqu’ici freinée parce que les tribunaux du travail attendaient l’arrêt de la Cour d’arbitrage sur le fond avant de se prononcer surles recours sur lesquels ils devaient statuer. L’arrêt, défavorable pour les candidats à la régularisation, est tombé ce 30 octobre 2001 (cf. encadré).
Se pose également le problème du logement : les CPAS interviennent ou pas, c’est selon, en avançant la garantie locative pour les logements privés. Les prix des loyerssont dissuasifs de même que l’état d’insalubrité des logements proposés. Les logements sociaux sont inaccessibles du fait de listes d’attente démesurées. Estregrettée l’absence d’une politique globale en matière de logement. En matière de santé, l’aide médicale urgente est accordée par les CPAS mais leproblème se pose dans la définition de cette aide.
Il ressort un besoin manifeste d’informations tant chez les opérateurs de première ligne que chez les intervenants sociaux des CPAS, conseillers CPAS et conseillers communaux. Lesopérateurs éprouvent un besoin global de soutien dans leur travail d’insertion. En conclusion, il fut exprimé « que lorsqu’il y a violence institutionnelle, il y a peu, voire pasde place pour la concertation, pour la citoyenneté participative ou pour la mise en œuvre de principes structurels visant au consensus social ».
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Aide sociale : un arrêt de la Cour d’arbitrage extrêmement défavorable
Dans un arrêt rendu ce 30 octobre 2001, la Cour d’arbitrage juge que la loi sur les CPAS ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu’elle a pour conséquence qu’unétranger en séjour illégal qui a introduit une demande de régularisation ne bénéficie que d’une aide sociale limitée à l’aide médicaled’urgence. La Cour est d’avis que la situation d’illégaux qui ont introduit une demande de régularisation est différente de celles de personnes qui avaient obtenu un statut deséjour ou de celles dont la demande d’asile était encore pendante. La Cour insiste sur le fait que le législateur n’a pas opté pour une régularisation automatique.De plus, le législateur peut adopter des mesures visant à combattre les abus de procédure et faire des choix politiques pour des raisons budgétaires.
Une décision qui risque d’empêcher pour les candidats à la régularisation tout recours ultérieur aux tribunaux du travail pour obtenir l’aide sociale des CPAS.
Qunat à la proposition de loi déposée conjointement par Yvan Mayeur et Colette Burgeon, députés socialistes, Michèle Gilkinet et Joos Wauters,députés Ecolo/Agalev, et Jan Peeters, député SP, et qui visait à garantir le droit à l’aide sociale pour les candidats à la régularisation enétat de besoin qui en font la demande, elle s’est vue postposer plusieurs fois à la suite de l’intervention du gouvernement, arguant de la fin rapide de l’opération derégularisation. Les députés ont accepté de ranger leur proposition au frigo jusqu’au 31 octobre, date à laquelle l’opération de régularisation devaitêtre terminée. Or, à la mi-novembre, la procédure de régularisation n’est toujours pas terminée. « La proposition de loi sera à nouvau en discussionprochainement, nous assure Yvan Mayeur, député PS, puisque la Commission de la santé publique et de l’Intégration sociale de la Chambre devrait entendre un rapport desministres concernés par la régularisation et son état d’avancement. J’ai d’ailleurs demandé à la présidente de la Commission de mettre ce point àl’ordre du jour. » On attend donc…
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3) Citoyenneté
Est mis en avant « l’excellent travail des chambres de la Commission de régularisation, malgré des conditions de travail épouvantables causées par la pressionmédiatique, le manque de temps, les contrats précaires du personnel tournant », etc. (36.833 dossiers traités par la Commission de régularisation dont 89% ont reçuun avis positif). Face au droit pour tout étranger à être accompagné, informé, entendu et assisté, il serait souhaitable de traiter la demande dans undélai raisonnable, d’informer la personne sur l’évolution de son dossier, de l’entendre (seul ou assisté), de lui procurer l’assistance d’un interprète.
Sur les nouvelles demandes de régularisation, il est souhaité qu’elles soient analysées sous la compétence d’un auditorat (composé de juges sociaux). Propositionest faite du parrainage d’une famille d’accueil accompagnée par des associations d’éducation permanente et indemnisée.
À propos de l’Office des étrangers « au-dessus des lois », la table ronde propose la mise en fonction d’un médiateur interne. Sont soulignées les difficultés decollaborations entre les consulats belges et étrangers notamment pour obtenir des documents du pays d’origine. Problèmes cruciaux des apatrides (gens du voyage) renvoyés dansleur pays d’origine d’où ils sont à nouveau remballés.
À propos des intervenants des services publics, une absence cruelle de formation et d’information en leur chef se fait sentir.
Parmi les spécialistes, Georges Demanet, procureur général honoraire, a surenchéri en regrettant « l’absence d’auditorat et souhaiterait un auditorat indépendant quiinstruirait en faveur et défaveur pour éviter les errements et lenteurs de procédure. Les tribunaux du travail seraient compétents en la matière etreprésenteraient une économie budgétaire. »
4) Santé mentale
Ayant vécu une expérience traumatique conjuguée à un problème culturel, les personnes d’origine étrangère vivent une souffrance supplémentairedans la non-reconnaissance de leurs souffrances. Souffrance qui peut se transformer en crise aiguë ou pathologie. Le rapporteur souligne la quasi-absence de prise en considération desquestions de santé mentale et de réponse structurelle, excepté les centres de santé mentale, par ailleurs saturés et non formés auxspécificités culturelles et qui sont inaccessibles pour le public concerné. Et excepté les initiatives telles Exil à Bruxelles et Clinique d’Exil à Namur(voir AE n° 99).
Une nécessité de formation continue dans le domaine se fait sentir auprès des intervenants de première ligne ainsi que d’un répertoire de personnes ressources.D’autre part, l’école est identifiée comme un lieu clef de socialisation et de reconstruction pour la famille, lieu où les enfants pourr
aient exprimer leurs vécus.
1 Cabinet du ministre des Affaires sociales et de la Santé de la Région wallonne, rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes – tél. : 081 32 14 11 – fax. : 081 32 3429.
2 Fédération des centres régionaux pour l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère, 500, route de Gembloux à 5002Namur (Saint-Servais), tél. : 081 73 22 40, fax : 081 73 60 01, e-mail : fecri@swing.be. Rapporteurs: Patricia Targosz, Kally Ikalulu, Vincent Fretto.

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