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Eric Guyot : « Dans les titres-services, les entreprises maîtrisent peu de paramètres »

Dans le champ de l’économie sociale, Éric Guyot ne passe pas inaperçu. Roulant en voiture de sport, « achetée d’occasion », précise-t-il comme pours’excuser, il a développé en huit ans à peine, une des plus importantes entreprises d’économie sociale de la Région wallonne avant d’investir Bruxellesl’année passée. Dopée par des campagnes publicitaires dignes des entreprises les plus lucratives et par le succès des titres-services, son entreprise d’insertion,Âge d’Or Services1, emploie désormais 804 travailleurs, pour un nombre d’heures équivalant à 552 temps-plein.

22-01-2007 Alter Échos n° 221

Dans le champ de l’économie sociale, Éric Guyot ne passe pas inaperçu. Roulant en voiture de sport, « achetée d’occasion », précise-t-il comme pours’excuser, il a développé en huit ans à peine, une des plus importantes entreprises d’économie sociale de la Région wallonne avant d’investir Bruxellesl’année passée. Dopée par des campagnes publicitaires dignes des entreprises les plus lucratives et par le succès des titres-services, son entreprise d’insertion,Âge d’Or Services1, emploie désormais 804 travailleurs, pour un nombre d’heures équivalant à 552 temps-plein.

Décrivez-nous l’état de vos activités à l’entame de cette nouvelle année…

En termes d’emplois, nos 804 travailleurs se décomposent en 625 aides ménagères, 95 techniciennes en repassage, 10 accompagnateurs polyvalents, 64 administratifs, et 10indépendants. Ces derniers gèrent nos 16 implantations : 14 en Wallonie et 2 à Bruxelles. Quand on ventile les quelque 515 000 heures prestées pour nos clients l’andernier, on s’aperçoit que 88 % d’entre elles ont concerné l’aide ménagère, 10 % le repassage et 2 % pour la mobilité des seniors. Notre grande réussite en2006 a été de lancer une nouvelle marque et un concept innovant de Centrale de Repassage en drive-in.

Nous avons non seulement ouvert une nouvelle niche d’emplois pour des personnes en grande exclusion du marché du travail mais également été renduséligibles au Fonds fédéral d’économie sociale et durable en décrochant un crédit d’investissement de 1 million d’euros, pour créer dixcentres d’activités sur le pays d’ici à fin 2007. À ce jour, Mons, Nivelles, Binche, Mouscron, Charleroi et Libramont tournent à plein régime. Parailleurs, les activités de repassage sont intéressantes pour les travailleuses car elles évitent les déplacements et permettent un meilleur encadrement pour celles qui enont besoin. De plus, en termes d’activités, je pense que sur la Région wallonne, nous avons bien balisé le territoire pour les aides ménagères, mais qu’il resteencore un marché pour les centrales de repassage.

Quelle est la principale des difficultés rencontrées dans cette expansion?

La difficulté principale est de recruter du personnel de qualité. La preuve de cette difficulté, c’est que le Forem a constaté que la profession d’aideménagère était la cinquième des professions les plus demandées dans ses offres d’emploi en 2006. Une autre des difficultés consiste à contournercertaines exigences inacceptables émanant de notre clientèle. Il n’est pas rare en effet que celle-ci nous demande des « Belges ». Il s’agit alors de leur rappeler quel’ensemble de nos travailleurs font l’objet de formations continues et d’encadrement. C’est aussi sur le plan symbolique qu’il faut agir pour essayer de revaloriser la profession. Contrairementà ce qu’on croit trop souvent, elle n’est pas accessible au premier venu. Nous recevons fréquemment des candidates, poussées dans le dos par les contrôles de l’Onem, maisque nous avons beaucoup de mal à former et à intégrer dans les équipes. Pour contribuer à cette revalorisation symbolique, nous avons par exemple publié un« Guide de référence de l’entretien ménager » qui dresse la liste des tâches exigibles et non exigibles d’une aide ménagère, histoire de sortir del’image de la « bonne à tout faire ».

On vous a vu en pointe de la contestation à la fin de 2006, lorsque le fédéral a décidé de diminuer d’un euro son remboursement aux entreprises « t-s ». Vousaviez lancé un blog (http://titre-service.over-blog.com) et exprimé des risques de pertes d’emploi. Qu’enest-il maintenant?

Nous n’avons rien obtenu du fédéral, et du côté régional rien d’autre qu’une promesse un peu légère du type « Si jamais vous allez dans lemur, ne vous en faites pas, on vous en sortira ». Pour le moment, les conséquences demeurent limitées : nous avons rationalisé notre service d’accompagnement deseniors en nous séparant de deux personnes, nous avons sabré dans nos frais de communication et de salons nationaux (les folders publicitaires sont par exemple passés au noir etblanc, NDLR). Nous avons réduit notre encadrement hebdomadaire du personnel de deux heures à une heure par semaine, sachant que même avec cette réduction, nous restons lesseuls à offrir un tel suivi de formation et d’écoute continues. Au-delà, cette première désaffection politique démontre toute la fragilité de cenouveau métier. Nos entreprises n’ont aucune marge de manœuvre en termes de rentabilité et, en même temps, nous devons nous plier à une commission paritairesous diktat du monde de l’intérim… et où nous ne pouvons pas nous faire représenter! Le gouvernement a fait le choix de déforcer les employeurs éthiques enlieu et place, par exemple, d’une suppression de l’incitant fiscal dans le chef du client. 2007 sera une année charnière d’un point de vue managérial et 2008 et2009 démontreront si les choix stratégiques de gestion ont été judicieux ou destructeurs!

Quelles sont les perspectives d’Âge d’Or pour 2007?

Outre l’approfondissement de l’existant, le développement de nouvelles centrales de repassage en Wallonie et de nouvelles agences d’aide ménagère à Bruxelles , nousallons entrer dans d’autres dispositifs, dont le projet Pericles de la Région wallonne (Partenariat économique pour le redéploiement industriel et les clusters parl’économie sociale – voir Alter Échos n° 201 Les titres-services en pleine ascension). Notre activité « L’esthéticien automobile » consistera à proposer aux personnes qui laissent leur voiture chezle garagiste de procéder à un nettoyage de l’habitacle – une diversification de l’activité qui devrait aller de pair avec une diversification du personnel puisqu’elle nouspermettra d’engager un peu plus d’hommes qu’actuellement. Nous allons également nous inscrire dans le futur décret wallon sur les services de proximité à finalitésociale. Nous devrions proposer des travaux de bricolage et de jardinage, ce qui sera en quelque sorte un retour aux sources pour Âge d’Or. Cette diversification est évidemmentintéressante d’un point de vue entrepreneurial dans la mesure où elle nous permet de mutualiser nos frais fixes.

Comment réagissez-vous aux critiques concernant votre style entrepreneurial, et votre marketing parfois qualifié d’agressif, qui n’est en tout cas pas dans le ton habituel del’économie sociale?

Tout d’abord que nous ne sommes pas sur le secteur par opportunisme vis-à-vis de la législation, mais bien suite à quatre années de projet pilote au niveaurégional en tant que pionnier de ce qui allait devenir le titre-services. Que, de plus, nous n’avons, à notre échelle de structure, aucun concurrent qui s’estrisqué à une telle manœuvre, et que j’ai pris des risques personnels importants, en couvrant l’entreprise de mes biens propres. Autre élément non lié auhasard, le 26 octobre dernier, l’Onem et le SPF Emploi fédéral nous rendaient visite avec une délégation de douze pays européens pour nous montrer en exempled’acteur seul prestataire, à ce jour, sur les trois secteurs éligibles du titre-services. Et, encore, que nous faisons également avancer l’ensemble du secteur del’économie sociale en termes de notoriété. Ça peut déplaire, mais en même temps, il faut bien se rendre compte que de l’autre côté, il y a Daoustet l’ensemble des sociétés d’intérim qui ne demandent qu’à investir le secteur mais en travaillant avec des publics plus faciles à placer que les nôtres et engarantissant peu de contrats à durée indéterminée. Je n’ai fait qu’appliquer les règles de bonne gouvernance de toute entreprise classique à unsecteur qui, en 1999, était encore considéré comme un sous-secteur misérabiliste. Les différents prix que nous avons reçus tendent à démontrerque nous participons, à notre échelle, à la valorisation de l’image d’une économie différente et qu’il est encore possibled’équilibrer rentabilité économique et rentabilité sociale.

1. Âge d’Or Services Belgique SCRLfs ei, rue du Travail, 63 à 7000 Mons (Cuesmes) – tél. : 0800 95 105 – courriel : info@agedorservices.info – site : http://www.agedorservices.be/

Edgar Szoc

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