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Regard critique · Justice sociale

Édito

Donner de la voix

C’était il y a bientôt 20 ans. Le 22 septembre 1998, Semira Adamu, jeune Nigériane, mourait étouffée par des gendarmes belges lors de son expulsion forcée. Vingt ans plus tard, c’est le décès de Mawda Shawri, Kurde irakienne de 2 ans, touchée par une balle policière, qui suscite l’indignation. Tout comme la détention, depuis le 14 août, de quatre enfants au 127bis, ce même centre où Semira Adama fut plusieurs fois enfermée. Que nous racontent ces drames, d’hier et aujourd’hui?…

© Flickrcc Simon Blackley

C’était il y a bientôt 20 ans. Le 22 septembre 1998, Semira Adamu, jeune Nigériane, mourait étouffée par des gendarmes belges lors de son expulsion forcée*. Vingt ans plus tard, c’est le décès de Mawda Shawri, Kurde irakienne de 2 ans, touchée par une balle policière, qui suscite l’indignation. Tout comme la détention, depuis le 14 août, de quatre enfants au 127bis, ce même centre où Semira Adama fut plusieurs fois enfermée.

Comme s’il manquait encore une raison d’avoir peur pour notre humanité, ce 9 septembre s’ouvre un procès inédit à Bruxelles. Douze personnes, femmes et hommes, hébergeurs, hébergés du parc Maximilien, risquent la prison. Leur tort? Avoir apporté leur aide à des migrants en transit. Elles sont accusées de trafic d’êtres humains et de participation à une organisation criminelle.

Interpellant dans un pays où les citoyens belges, contrairement à leurs voisins français, échappent au «délit de solidarité» grâce à l’exception humanitaire1. Cette exception humanitaire fut remise en question en 2006 par Patrick Dewael, alors ministre de l’Intérieur. À l’époque, un grand mouvement de solidarité aux sans-papiers qui occupaient l’église Saint-Boniface à Ixelles s’était mis en place. Le ministre de l’Intérieur avait mis en garde ceux qui apportaient leur aide à des étrangers en séjour illégal arguant qu’héberger ou aider ces personnes sans papiers constituaient un délit. Tollé dans le monde associatif – et une frange du monde politique – qui s’inquiétait d’«une criminalisation de la solidarité». Ce que dénonce actuellement le collectif de soutien audit «procès de la solidarité».

Que nous racontent ces drames, d’hier et aujourd’hui? Que migration rime tristement avec répression et criminalisation. Mais que citoyenneté (avec ou sans papiers) rime aussi avec indocilité. En décembre dernier, le tribunal de première instance de Bruxelles prononçait d’ailleurs l’acquittement de six personnes qui avaient tenté d’empêcher une expulsion dans un vol à destination du Cameroun.

À l’heure où nous bouclons ce numéro, nous apprenons que le projet de loi sur les visites domiciliaires – qui visait à autoriser des perquisitions aux domiciles de personnes ayant reçu un ordre de quitter le territoire – est enterré. «En Belgique francophone, cette loi est devenue ‘inaudible’ ou taboue. Donc il n’est pas évident que cette loi sera encore appliquée durant cette législature. […] Le gouvernement fédéral a reçu une motion de presque toutes les communes de Bruxelles ou de Wallonie de ne pas continuer avec cette loi», explique Koen Geens dans le Standaard. La voix citoyenne, ici relayée par les élus communaux, s’est donc fait entendre.

* Relisez notre édito d’il y a 20 ans:

 

(1) La loi prévoit des sanctions pénales pour les personnes qui aident des personnes à se maintenir illégalement sur le territoire, sauf lorsque cette aide est principalement motivée par des raisons humanitaires.

 

Agence Alter

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