Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Social

Épelez « waterzooi »

À Bruxelles, les cours d’alpha peinent à rencontrer le public belge. Lire et écrire lance un cycle de concertation pour changer la donne.

10-05-2010 Alter Échos n° 294

À Bruxelles, les cours d’alpha peinent à rencontrer le public belge. Lire et écrire lance un cycle de concertation pour changer la donne.

Les cours d’alpha à Bruxelles rencontrent un grand succès auprès des personnes issues de l’immigration. La « population d’origine belge », enrevanche, occupe à peine 1,5 % des places. Malheureusement, cela ne signifie pas que tous les Belges savent bien lire et écrire dans la langue d’Amélie Nothomb. EnWallonie, ils représentent d’ailleurs un bon quart des apprenants en alpha. Bien que des statistiques précises fassent défaut, les acteurs de terrain constatent que tropd’élèves passent entre les mailles du système scolaire. « L’école produit toujours des illettrés », déplore Anne-Chantal Denis,directrice de la coordination Lire et écrire Bruxelles1.

Mais alors, où sont-ils donc passés ? Voilà bien ce qui inquiète. « L’alphabétisation est un droit pour tous, atteignons-nous tout notre public ? Laréponse est non », lançait la directrice en introduction d’une matinée de conférence à l’Université populaire de Bruxelles. Uneconférence ouvrant un cycle de concertation intersectorielle, devant à son tour déboucher sur un plan d’action2.

Made in Belgium

Avant de pousser la réflexion plus loin, il convient de s’arrêter quelques instants sur la notion de « public d’origine belge ». Par cette expression, Lire etécrire cible les personnes nées avec la nationalité belge. Si l’on tient compte des naturalisés, le nombre de Belges inscrits en alpha à Bruxelles grimpeà 28 %.

Comment justifier cette distinction ? « D’un point de vue social et politique, la distinction est choquante. Les gens sont belges, un point c’est tout. Mais d’un pointde vue pédagogique, former des personnes d’origine étrangère n’implique pas la même façon de travailler sur le terrain », souligne CatherineBastyn, chargée de mission. Les Belges qui sont nés ici maîtrisent l’oral et attendront d’une formation qu’elle s’axe sur l’écrit. L’offre actuellerépond peu à cette attente.

Surmonter la honte

Dans le cadre d’une recherche-action menée par Lire et écrire3, les associations pointent le manque d’information, l’inadéquation de l’offre et lapeur de la différence culturelle comme autant de facteurs expliquant l’absence du public belge.

« En faisant la recherche, on a constaté aussi que les associations avaient une image assez négative de ce public, qu’elles associent au quart-monde. Mais enréalité, les associations connaissent mal ce public », regrette Charles Duchène, co-auteur de l’étude.

Après avoir écouté attentivement cet exposé, une apprenante venue de Wallonie demande courageusement le micro. Pendant des années, elle a caché sesdifficultés à son employeur avant d’oser pousser la porte d’un cours d’alpha. « C’est pas la peur des étrangers, mais la honte qui nous empêche devenir, tient-elle à préciser. On a peur que les étrangers se demandent pourquoi on est là, alors qu’on a été à l’école en Belgique. »

Sold-out

Le Collectif alpha4, qui copilote le cycle de concertation, mène de longue date une réflexion sur la façon d’adapter sa pédagogie auxspécificités du public belge. La première année, des ateliers réservés aux Belges ont été proposés. « Mais ça faisaitun peu ghetto », juge Anne Loontjens, coordinatrice. L’année suivante, des groupes mixtes francophones ont pris le relais. Une belle réussite, aujourd’hui menacéefaute de participants. « La sensibilisation reste essentielle. »

« Il faut changer l’image des cours d’alpha », note pour sa part Catherine Stercq, co-présidente de Lire et écrire en Communauté française.À commencer auprès des travailleurs sociaux eux-mêmes. « Chez Actiris, par exemple, on oriente les migrants vers les cours d’alpha, quel que soit leur niveaud’études, mais jamais les Belges. »

L’invitation au cycle de concertation est lancée. Seront-ils nombreux à y répondre ? En 2008, les statistiques montraient que 3 000 personnes n’ont pastrouvé de place dans les cours d’alpha à Bruxelles. « Les organismes sont bondés, il faut une démarche particulièrement volontariste pour aller chercher toutnotre public quand on est déjà sold-out », remarque Catherine Bastyn en présentant ces chiffres.

1. Lire et écrire Bruxelles
– Crystal Palace, rue de la Borne, 14 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 412 56 10
– site : http://bruxelles.lire-et-ecrire.be
2. Information et inscription au cycle de concertation
– contact : Hélène Marcelle
– tél. : 02 533 21 76
– courriel : helene.marcelle@lire-et-ecrire.be
3. La p lace et la participation effectives des populations d’origine belge aux formations d’alphabétisation en Région bruxelloise, Charles Duchène et CatherineStarcq, édition Lire et écrire, 2007-2008
4. Collectif Alpha :
– adresse : rue de Rome, 12 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 538 36 57
– courriel : info@collectif-alpha.be
– site : www.collectif-alpha.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)