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"DG Concurrence : vers une remise en question radicale des aides à l'emploi ciblées?"

04-10-2002 Alter Échos n° 128

La DG Concurrence de la Commission européenne est en train de préparer un nouveau règlement en matière d’aides à l’emploi. Son projet hypothéquerait,entre autres, les aides visant l’insertion de publics particuliers.
Guy Cox, directeur général de l’administration de l’Emploi au ministère fédéral de l’Emploi et du Travail1, remet le dossier en perspective. «Lestraités contiennent le principe de l’interdiction des aides d’État aux entreprises. Mais de nombreuses exceptions sont prévues. Pour les aides à l’emploi, on permet les“aides générales”, celles dont toutes les entreprises d’un pays peuvent bénéficier. Ou les aides ne dépassant pas 10.000 euros par entreprise en troisans. Etc. La procédure liée à ces règles consiste en une demande de feu vert a priori2 à la Commission par chaque État qui veut introduire une nouvelleaide.»
La Commission se prépare à la fois à refondre les critères qui délimitent ces exceptions et à modifier la procédure. Après une premièrecommunication informelle aux États membres fin 2001, le projet de «règlement d’exemptions» a été publié au Journal officiel le 12 „vril, et unappel public à réactions s’est ensuivi. C’est d’ici la fin octobre que la Commission devrait l’adopter définitivement.
Au niveau de la procédure, la Commission vise la simplification et la responsabilisation des États membres. Ils auraient désormais la possibilité de s’autocontrôler.La notification a priori devient supplétive, non plus obligatoire. La Commission exerce un contrôle a posteriori.
Restrictions en vue
Sur le fond, les modifications sont nombreuses. «Elles visent toutes, explique Guy Cox, à éviter les distorsions de concurrence – c’est en tout cas le discours de laCommission. Pour la Belgique, le projet de règlement pose deux problèmes généraux, qui concernent aussi plusieurs autres pays, et une série de problèmesspécifiques.
> Le caractère « général » des aides est redéfini comme l’égalité d’accès à toutes les entreprises d’un pays. Autrement dit, lesaides qui relèvent des compétences des Régions tombent dans le champ du principe général d’interdiction.
> Comme en matière de formation l’an dernier, la Commission assimile les aides des fonds sectoriels à des aides publiques.»
Pour ce qui est des problèmes spécifiques, nous ne retiendrons ici que ce qui a directement rapport avec l’insertion socioprofessionnelle. À savoir que les plafonds quidélimitent le régime des aides autorisées devraient être diminués. «Pour les groupes ýibles dans les PME, on ne pourrait plus dépasser des aideséquivalentes à 20% du coût salarial pendant deux ans, relève Guy Cox. Et dans les grandes entreprises, les aides liées à des publics cibles seraientcomplètement interdites, sauf quelques petites exceptions comme certains types de handicaps, ou le fait que les activités ne comportent pas d’impact sur les relations commerciales entreÉtats, etc.
Il est évident, conclut-il, qu’un tel cadre remettrait en cause nombre de politiques récentes, que ce soit en matière d’activation des allocations, d’aide àl’économie sociale d’insertion, etc.»
Réactions pour l’emploi
Depuis la fin de l’été, les voix ont commencé à s’élever alors que le débat débordait le cadre des instances strictement consacrées à larégulation du «marché intérieur». Le Parlement européen, le Comité de l’emploi, etc., ont, par divers moyens, tenté de faire pression sur laCommission. En Belgique, c’est surtout le monde syndical qui a jusqu’ici réagi, ainsi que l’associatif flamand, avec en particulier le réseau Vosec, le Vlaamse overlegplatform socialeeconomie en meerwaardeneconomie3. Le 20 décembre, celui-ci a émis un communiqué – bilingue – pour exiger une définition explicite des entreprises sociales dansle projet de règlement, et leur renvoi intégral sous le régime des exceptions.
Point commun de toutes les réactions : le projet de la DG Concurrence outrepasse le cadre strict de la régulation de la concurrence déloyale et ne tient aucun compte desspécificités ni du marché de l’emploi ni des politiques qui y sont menées… y compris celles promues par la DG Emploi et Affaires sociales de la Commission. Pour GuyCox, «la preuve qu’on n’a pas affaire à des risques de concurrence déloyale, c’est que, sans les aides en question, les entreprises n’engagent pratiquement pas ces demandeursd’emploi en difficultés. Mais dans le nouveau projet, l’emploi est uniquement conçu comme un instrument permettant de réaliser de la croissance économique». Etpour Vosec, «si l’Europe veut atteindre en 2010 un taux d’emploi de 70%, alors il faut que les institutions européennes s’engagent durablement à soutenir lesinitiatives d’économie sociale, entre autres à travers l’exemption (…) des mesures en vigueur sur la concurrence».
1 MET, rue Belliard 51 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 233 46 60, fax : 02 233 48 60.
2 Les avant-projets d’ordonnance bruxelloise et de décret wallon sur les entreprises d’insertion en sont à ce jour à ce stade de la procédure.
3 Vosec, rue du Progrès 333 bte 11 à 1030 Bruxelles, tél. : 02 274 14 49, fax : 02 205 17 39, e-mail : info@vosec.be

Thomas Lemaigre

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