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Regard critique · Justice sociale

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"Deux expériences pilotes de médiation interculturelle à Namur"

15-01-2001 Alter Échos n° 89

Poussée dans le dos par le Centre d’action interculturelle1, Namur se veut à la pointe en matière de médiation interculturelle. C’est ainsi qu’un service demédiation interculturelle s’est ouvert voici déjà deux ans aux Affaires sociales de la Ville2 ainsi qu’au Centre hospitalier régional3. « Les populationsétrangères ont des problèmes spécifiques pour lesquels il s’agit de trouver des solutions adaptées. Nous interpellons les différents niveaux de pouvoir dansce but. En ce qui concerne l’ensemble de la province, nous ne sommes pas très loin dans la structuration des services. Il y a de nombreux besoins non rencontrés »lexpliquaitBenoîte Dessicy, directrice du CAI, lors d’une matinée de rencontre sur le sujet organisée le 15 décembre par le Service d’Études et de Documentation sociales de laProvince4 (avec le CAI).
C’est à l’occasion d’une maladie ou d’un problème administratif qu’un besoin se fait sentir et que le médiateur intervient. Ahmed Ahkim, formateur en communicationinterculturelle, affirme : « Le médiateur n’est pas un simple interprète. Il sert de traducteur d’un niveau de langage à un autre, pas simplement d’une langue à une autre. »Le médiateur améliore la communication entre les patients ou clients, les professionnels et la famille. Il fournit une information au personnel de l’hôpital, aux soignants, maisaussi aux patients sur la culture de l’institution. En surplus, il servira d’interprète au sens strict. Pour A. Ahkim, la médiation s’inscrit dans l’espace public : « La parole dumédiateur n’a pas de valeur en soi. Il ne parle jamais en son nom propre. Sa parole n’a de valeur que s’il est mandaté soit par les professionnels, soit par les clients. C’est lepouvoir du non-pouvoir. » Le médiateur a pour fonction de rendre le conflit plus transparent : conflit de cultures, de valeurs mais dont la portée est très réelle comme desproblèmes de factures, de sexe du médecin, de rites funéraires, etc. « Le médiateur n’étouffe pas le conflit, il rétablit un équilibre dans la relationface à un déséquilibre du fait du peu de scolarité de l’étranger ou de la différence de culture. Les demandes des patients sont souvent ignoréesinvolontairement. »
La médiation interculturelle en hôpital permet ainsi de résoudre les obstacles de langues. Saïda Hodaïbi, médiatrice au CHR et d’origine marocaine, explique : »Sans le médiateur, c’est la famille élargie ou les enfants qui servent de traducteurs. Que fait-on de la confidentialité ? »ýAu-delà de la langue, lemédiateur aide l’institution à respecter les rites de la personne étrangère. Ainsi S. Hodaïbi raconte le problème du rite funéraire musulman qui demandede laver le corps du mort à grande eau, problème résolu en réservant à cetýeffet une salle d’autopsie. Même chose pour la présence intempestivede crucifix dans la mortuaire pour les musulmans ou le régime alimentaire en période de ramadan. Il s’agit aussi d’informer, au point de vue administratif, de la possibilité depayer ýes factures en plusieurs mensualités. Au CHR de Namur, la personne d’origine étrangère est prise en charge dès le hall d’accueil. De plus, la brochured’information du CHR comporte des textes en turc et en arabe pour aiguiller les personnes vers les médiatrices.
Igbale Bajraktari, elle, est médiatrice à la Ville. D’origine albanaise, elle sert de lien entre les instances administratives (CPAS, Office des étrangers, CGRA) et lesdemandeurs d’asile kosovars et albanais. Elle insiste également sur le point de vue scolaire : « Que ressentent ces enfants qui entendent parler français toute la journée sans enconnaître la langue ? »
« Être porteur de plusieurs cultures, c’est une richesse »Q raconte Erol Aktas, d’origine turque et né en Belgique, médiateur à la Ville : « Mon héritage culturel mevient de mes parents. Mais je suis aussi porteur des valeurs de la société dans laquelle je vis. Le médiateur a la sensibilité de sa population de référence.Il doit lui-même reconnaître son propre vécu. Il doit appréhender les difficultés dans la logique des intervenants tout en inspirant la confiance. »
Quant à Giovanni Pagano, chef du Service des Affaires sociales de la Ville de Namur, il fait remarquer que la présence de médiateurs à la Ville n’est pas le signe d’unegrosse proportion d’étrangers à Namur : il n’y a que 7% de population étrangère, y compris les ressortissants européens, sur le territoire de la Ville. « Mais, parcontre, certains quartiers comme les cités sociales des Balances et de Plomcot, détiennent 25% de personnes d’origine étrangère hors CEE, ce qui crée desproblèmes de communication avec les institutions namuroises. » Il fait également remarquer que c’est le Fonds d’impulsion de la politique d’immigration et la Région wallonne quisubventionnent les médiateurs de la Ville, celle-ci ne prenant le relais que lorsque les subsides ne suivent pas. Quant aux contrats des médiateurs du CHR, c’est le fonds Maribel quiles subventionne.
En ce qui concerne l’apprentissage de ce nouveau métier, c’est l’École des cadres5 qui dispense la formation continuée un jour par semaine pendant un an, et assure unaccompagnement sur les lieux de stage.
1 Centre d’action interculturelle, rue Docteur Haibe, 2 à 5002 St Servais, tél. : 081 73 71 76, fax : 081 73 04 41, e-mail : cscin@skynet.be
2 Service de médiation interculturelle des Affaires sociales, hôtel de ville, 1er étage, à 5000 Namur, tél. : 081 24 65 73, 081 24 65 65, fax : 081 24 63 99.
3 CHR Ste-Camille, av. Albert 1er, 185 à 5000 Namur, tél. : 081 72 61 00.
4 Service d’Études et de Documentation sociales, rue Martine Bourtonbourt, 2 à 5000 Namur, tél. : 081 72 95 23, fax : 081 73 53 43, e-mail : seds.direction@province.namur.be
5 École provinciale de cadres, rue Henri Blès, 190 à 5000 Namur, tél. : 081 72 97 40.

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