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Commissions paritaires locatives : où en est-on?

Le 1er juillet dernier, le gouvernement fédéral lançait trois projets pilotes de commissions paritaires locatives (CPL) à Bruxelles-Ville, Charleroi et Gand.Composées de représentants à la fois des locataires et des propriétaires, ces CPL ont pour mission de mettre en place, au niveau local, un outil de concertation et demédiation pour le règlement des conflits locatifs sur une base volontaire. Il s’agit d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse pour les parties. Parailleurs, ces commissions devront également déterminer des critères objectifs pour la fixation des loyers, en vue de mettre au point une grille indicative de fixation des loyers.Elles élaboreront aussi un projet de bail-type. Les trois villes pilotes ont été choisies parce qu’elles comptent une proportion élevée de locataires :respectivement 67 %, 47 % et 41 % de locataires. Un comité d’accompagnement assurera le suivi de ces expériences, lesquelles feront l’objet d’un suivi scientifique. Au terme de cesexpériences, des recommandations seront formulées en vue d’une généralisation optimale des CPL. Petit tour de la question.

14-11-2005 Alter Échos n° 197

Le 1er juillet dernier, le gouvernement fédéral lançait trois projets pilotes de commissions paritaires locatives (CPL) à Bruxelles-Ville, Charleroi et Gand.Composées de représentants à la fois des locataires et des propriétaires, ces CPL ont pour mission de mettre en place, au niveau local, un outil de concertation et demédiation pour le règlement des conflits locatifs sur une base volontaire. Il s’agit d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse pour les parties. Parailleurs, ces commissions devront également déterminer des critères objectifs pour la fixation des loyers, en vue de mettre au point une grille indicative de fixation des loyers.Elles élaboreront aussi un projet de bail-type. Les trois villes pilotes ont été choisies parce qu’elles comptent une proportion élevée de locataires :respectivement 67 %, 47 % et 41 % de locataires. Un comité d’accompagnement assurera le suivi de ces expériences, lesquelles feront l’objet d’un suivi scientifique. Au terme de cesexpériences, des recommandations seront formulées en vue d’une généralisation optimale des CPL. Petit tour de la question.

L’acquis de Charleroi

Depuis juin 2001, un système de « médiation paritaire du logement » a été mis sur pied à Charleroi par différents acteurs : le Syndicat national despropriétaires (SNP) de la région de Charleroi, l’agence immobilière sociale, le secteur « aide locative » du Fonds du logement, le CPAS de Charleroi, le Juge de Paix de Jumet,l’échevin du Logement de Charleroi et Solidarités nouvelles, qui représente les intérêts des locataires. Ce dispositif visait surtout à offrir une solutionalternative au recours à la justice en matière de conflits locatifs.

Tout se fait sur une base volontaire, approche qui s’inscrit en porte-à-faux par rapport à l’article 1344 septies du Code judiciaire instaurant une procédure rendantobligatoire une tentative de conciliation concernant l’adaptation du prix des loyers, le recouvrement des arriérés de loyers ou l’expulsion. Pour Pol Trigalet de Solidaritésnouvelles1, « l’obligation décrédibilise la conciliation ». Michel Henry, du SNP Charleroi2, constate que la conciliation obligatoire a un effetpervers : « Les propriétaires recourent plus rapidement à la justice. » En fait, pour les acteurs du projet carolo, il est plus intéressant et plus efficace deprendre des dispositions pour favoriser la conciliation (ex. : accorder des moyens financiers), que de l’obliger.

« Ce qui est intéressant avec ces projets pilotes, explique Pol Trigalet, c’est que le politique a perçu qu’il ne pouvait s’occuper seul du logement et devait impliquer lesassociations actives sur le terrain. En même temps, on reconnaît le travail fait à Charleroi. Des conflits peuvent être réglés en dehors des cours de justice,car il y a de fortes réticences pour s’y rendre, tant de la part des locataires que des propriétaires. » Il précise encore que, « contrairement à cequ’affirment certains juristes, ce dispositif ne va pas les priver de travail ». La médiation incite même parfois certaines personnes à aller en justice, ce qu’ellesn’auraient sans doute pas fait.

Néanmoins, constate-t-on à Charleroi, la médiation paritaire permet de régler bien des conflits. Des gens ont construit leur solution, du lien social aété recréé entre locataires et propriétaires, avec à la clé le rétablissement d’une relation de confiance. Depuis le 1er septembre2005, le SNP gère entre 6 à 10 dossiers par mois. Dans le seul 1er canton judiciaire de Charleroi (Charleroi-Damprémy-Montigny-sur-Sambre), sur 100 nouvelles affairespar mois, le SNP s’occupe de 2 à 3 dossiers. Il ne peut faire plus, faute de moyens. A Solidarités nouvelles et du côté de l’AIS de Charleroi, on ne fait pas trop depublicité non plus, pour les mêmes raisons. L’argent du lancement du projet a essentiellement servi à rétribuer le médiateur, tous les autres acteurs(représentant les locataires ou les propriétaires) travaillent bénévolement.

Par ailleurs, Michel Henry tient à préciser que les conflits ne portent pas forcément des arriérés de loyers. Un constat que partagent les autres acteurs. Lesautres conflits concernent : des travaux qui ne se font pas, des garanties locatives à récupérer, des problèmes de voisinage quand le propriétaire est trop prochedu locataire, surpopulation de logements, animaux, drogue (alcool), destruction du logement et aussi longueur du renon du bail. Ce dernier point pose problème lorsque le locataire se retrouveau chômage, qu’il a la possibilité d’accéder au logement social (sinon, il lui passe sous le nez), qu’un ménage se sépare (celui qui reste doit assumer tout leloyer). « Il faut éviter d’aggraver le déficit de la personne, nous dit Michel Henry. Un propriétaire préférera d’ailleurs éviter que le locataire nereste, s’endette et pèse sur le passif du propriétaire. »

Concernant l’établissement d’une grille objective des loyers, le SNP redoute un contrôle des loyers. Il veut bien participer aux CPL, mais refuse de cautionner un système quideviendrait obligatoire et déboucherait sur un tel contrôle. Pour Pol Trigalet, « il faut plutôt avoir une référence qui permettrait des recours auprèsd’une commission paritaire qui rendrait un avis qui serait – et j’insiste sur le terme – « indicatif ». » Michel Henry déclare que « pour le locataire, ce n’est pas le loyer qui estimportant, ce sont le loyer et les charges. Un autre problème est la faiblesse des revenus des locataires. Il y a de nombreux locataires à bas revenus qui sont dans le parc privéparce qu’on les refuse dans le logement social ».

Bruxelles-Ville et Gand

A Bruxelles-Ville, le projet pilote de CPL est encore en gestation. «Nous sommes occupés à discuter du document fondateur de la CPL expérimentale, préciseBéatrice Laloux directrice au SNP3. Il porte essentiellement sur l’organe de médiation et les principes d’une réflexion sur l’examen du marché locatif et de ceque pourrait être, éventuellement, un bail type. » La CPL devrait voir le jour sous l’égide du bourgmestre, par le biais de l’asbl communale Bravvo4. EtienneLambert, qui s’occupe du projet pilote CPL au sein de celle-ci, confirme que les discussions sont toujours en cours. Et d’ajouter: « Pour la Ville, nous ne partirons qu’avec des partenairesprêts à jouer le jeu de la médiation locative.» Il faisait référence à un récent article du Cri (revue des membres du SNP) mettant engarde par rapport aux CPL. Du côté des associations de locataires, la Ville a l’intention de travailler avec le RBDH (Rassemblement bruxellois pour l’habitat), le Syndicat deslocataires, l’Union des locataires du Quartier Nord et Convivences.

Enfin, à Gand, la CPL existe déjà sur papier et le recrutement d’un médiateur est en cours. La Ville de Gand a décidé de faire de sa CPL un service dedeuxième ligne, qu’elle héberge dans ses locaux, sans l’externaliser vers l’associatif.

1. Solidarités nouvelles, rue Léopold, 36A à 6000 Charleroi – tél. : 071 30 36 77.
2. Michel Henry, Sepi, bld Audent, 45 à 6000 Charleroi – tél. : 071 33 15 00 – fax : 071 32 30 96 ; SNP-Charleroi, av. Meurée, 106 à 6001 Marcinelle – tél. : 071 4791 92 – fax : 071 36 43 08.
3. SNP – Bruxelles, rue du Lombard, 76 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 512 62 87 – fax : 02 512 44 61.
4. Cellule de coordination Bravvo, bld Anspach, 11 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 279 21 50 – fax : 02 279 21 59 – courriel :prev@brucity.be

Baudouin Massart

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