ýe 18 décembre, les éditions Luc Pire présentaient à la presse deux volumes de leur première réelle collection : « Détournement de fond ».Elle est dirigée par Jean Blairon et Émile Servais, formateurs d’adultes, anciens chargés d’enseignement à la FOPA de l’UCL et férus d' »analyse institutionnelle »,et entend s’attaquer aux nouveaux défis et aux nouvelles contraintes qui traversent les institutions sociales et éducatives (écoles, institutions d’hébergement, servicesd’aide en milieu ouvert, CPAS, etc.) en décrivant les résistances et innovations qui s’y déploient. « Doutant des modèles du passé, bousculées par despolitiques de modernisation parfois peu cohérentes, (elles) tentent de résister à la déstructuration. »
« Il s’agira, explique Emile Servais, de publier des études de situations, où les intervenants concernés participent à la construction de l’analyse et où il existetoujours une dimension de critique sociale. » L’un des deux ouvrages déjà parus, Contrainte sous contrôle, est ainsi élaboré au départ d’un travail deplusieurs années de Jean Blairon avec le Service de protection judiciaire de Liège et son directeur Pierre Hannecart.
Mais les auteurs vont plus loin : ils n’hésitent pas à livrer par le menu leurs grilles d’analyse des situations et leurs méthodes d’intervention. Ce qui est d’autant plus rarequ’on est loin d’avoir affaire ici à des petits manuels du parfait manager du changement organisationnel.
Le second ouvrage publié, L’institution recomposée.1 Petites luttes entre amis, est le premier de trois tomes de portée plus générale rédigés par lesdeux responsables de la collection. Leur ambition est de dresser un tableau général des logiques de changement institutionnel. Ils montrent comment des mutations sociales comme lamarchandisation de la culture, les nouvelles formes de pouvoir et de contrôle, ou le déploiement mondial d’un capitalisme de plus en plus intégré, fragilisent lesinstitutions. Ce faisant, ils réactualisent les outils et les concepts de l’analyse institutionnelle qui, apparue au début des années 70 pour « rendre aux acteurs le travaild’institution », travail qui était systématiquement objet de contestation a priori, doivent aujourd’hui d’abord permettre aux gens de simplement participer à la recomposition deleurs institutions menacées.
Les ouvrages sont rédigés de manière relativement claire et synthétique pour ce type de matières, truffés d’exemples parlants tirés tout droit de lapratique d’intervention des auteurs, et de moments de décadrage. L’initiative remplit donc un vide dans le paysage intellectuel. Elle est aussi un travail en mouvement qui s’attaque àun champ de questionnements gigantesque. Ainsi, après la lecture du livre de Blairon et Servais, on reste avec de très nombreuses questions sur le bord des lèvres : l’institutionpeut-elle être comprise tantôt comme la victime de mutations sociales qui la dépassent et la « désinstitutionnalisent », tantôt comme le bourreau de ses acteurs porteursde changement ? Ces attaques systématiques qui ont décrédibilisé les institutions pendant 20 ans ne sont-elles pas au moins autant le fait de leur environnement –comme le décrivent les auteurs – que de leurs acteurs internes, toujours prêts à les soupçonner de fonctionner comme des machines à scléroser lesrelations et à aliéner les usagers ? Peut-on analyser de la même manière l’action collective des acteurs d’une institution et l’action politique ? Les institutionsont-elles une valeur en elles-mêmes ? Cinq nouveaux ouvrages sont en préparation1.
1 Les deux premiers ouvrages – de Blairon et Servais et de Blairon et Hannecart – sont distribués en librairie. Rens. Éd. Luc Pire, quai aux Pierres de Taille 37 à1000 Bruxelles, tél. : 02 210 89 50, fax : 02 210 89 59.
Archives
"Blairon et Servais : "Les institutions participent à la construction politique de la société""
Thomas Lemaigre
26-02-2001
Alter Échos n° 92
Thomas Lemaigre
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