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Regard critique · Justice sociale

Aux côtés des familles de Péruwelz, le Galion innove

Le Galion est un service d’éducation familiale mis sur pied par le CPAS de Péruwelz. Il souhaite réduire les inégalités scolaires.

19-09-2010 Alter Échos n° 301

Le service d’éducation familiale du CPAS de Péruwelz, Le Galion, est étudié sous toutes les coutures dans le Cahier Labiso 112 1, rédigépar l’Agence Alter. L’occasion de se pencher sur le « projet langage » dont l’objectif est de réduire les inégalités scolaires dès la maternelle.

À Péruwelz, la cellule d’éducation familiale du CPAS, Le Galion, a lancé il y a quelques mois le « projet langage ». Ce projet novateur, qui viseà réduire les inégalités scolaires dès la maternelle, en stimulant le langage, est né d’une relation féconde entre le Ceris2 del’Université de Mons et le Galion3, entre recherche universitaire et action sociale. Comme souvent lorsque l’on est précurseur, le succès se fait un peu attendre.

Le 21 avril, jour du lancement officiel du projet langage, le public ne fut pas au rendez-vous. Malgré la soixantaine d’invitations envoyées aux familles bénéficiairesdu CPAS, seules quelques-unes avaient fait le déplacement. Les quatre co-équipiers de la cellule d’éducation familiale n’avaient pas pour autant l’intention de baisser les bras.Quelques mois plus tard, un peu plus d’une dizaine de familles ont été touchées, notamment grâce à un partenariat avec la Traverse, la maison d’accueil poursans-abri du CPAS.

Péruwelz, terrain de recherche-action

Bruno Humbeeck est psychopédagogue et chercheur au Ceris à Mons, où il travaille avec les professeurs Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet. Il fait le lien entrel’université et le CPAS de Péruwelz, son terrain de recherche-action. Vu son implication dans le projet langage, qu’il a initié, l’idée de se laisser abattre ne lui a pastraversé la tête. Au contraire, à l’époque du lancement du projet, il savait qu’une relative désaffection parentale était possible : « Lapremière réunion est compliquée. Les parents se demandent ce qu’on leur veut et puis il y a du travail à faire, car beaucoup pensent que l’école maternelle n’estpas vraiment de l’école, donc on doit convaincre les parents. »

Convaincre et espérer que le bouche-à-oreille fonctionne à Péruwelz, que les parents qui ont adhéré au projet en parlent à d’autres et qu’ainsi, lanouvelle essaime à travers les rues de cette ville de Wallonie picarde. « Nous avons besoin de parents relais, qui iront expliquer le projet à d’autres parents et ainsi desuite, il faut que ce projet concerne beaucoup d’enfants », affirme, enthousiaste, Bruno Humbeeck.

Le Galion

Le CPAS de Péruwelz dispose depuis 2003 d’une cellule d’éducation familiale qui permet de mettre, dans une optique individuelle (entretiens familiaux) ou communautaire (groupes deparole), à la disposition de personnes de milieu précaire un espace d’écoute et de parole au sein duquel des travailleurs psychosociaux abordent le lien familial et l’ensemble deses composantes. Selon Marie-Anne Jottard, la responsable du Galion, il s’agit du seul CPAS de Belgique à proposer un tel service.

L’éducation familiale qui est au centre des activités du Galion peut se résumer par une idée simple : travailler le lien familial comme facteur d’insertion socialeet de prévention de la maltraitance. Pour consacrer du temps à un accompagnement psycho-social des familles, l’idée du Galion est de bien séparer les questionsliées à l’argent (suivies par les services du CPAS) des enjeux propres à la famille (travail du Galion).

Ce travail sur le lien familial se traduit par des entretiens individuels, en famille ou par une action communautaire.

Afin de rendre son action la plus efficace possible, le Galion travaille avec de très nombreux acteurs. Les autres services du CPAS, bien sûr, mais aussi, à l’extérieurdu CPAS avec les services qui gravitent autour des populations précaires. C’est pourquoi le Galion coordonne le soutien aux familles de Péruwelz.

L’expérimentation qui se mène à Péruwelz n’est pas la première. Le Ceris a développé des projets assez similaires à Charleroi et àEtterbeek dont les objectifs sont simples : agir dès le plus jeune âge, lorsque les inégalités scolaires se créent. Selon Bruno Humbeeck, il faut travailler auxcôtés des familles précarisées pour qu’elles ne se laissent pas d’emblée distancer, car très vite, les écarts se creusent : « Àl’entrée à l’école primaire, certains enfants ont 1 500 mots à leur actif, d’autres n’en ont que 600, cela crée des inégalités au toutdébut de la scolarité. On cherche donc à égaliser les connaissances des enfants avant d’entrer en primaire. » Pour réduire cet écart, le Galioncherche à ce que les enfants acquièrent la langue formelle, celle de l’école, qui dans certains milieux défavorisés est comme une langueétrangère.

L’idée générale qui sous-tend l’action menée à Péruwelz est celle de la « co-éducation ». Un concept universitaire que BrunoHumbeeck met à notre portée : « La co-éducation, ça veut dire simplement que plus personne n’élève seul son enfant. C’est à partir de cetteidée centrale que l’on peut poser les balises pour éviter le repli sur soi, car dans les familles en difficulté, le premier facteur de maltraitance, c’estl’isolement. »

Un compagnon : Polo le lapin

À Péruwelz, le projet – qui à terme est destiné à toutes les familles – s’est focalisé, via le Galion, sur les famillesdéfavorisées. On peut dire qu’il s’agit de corriger le tir des expériences précédentes, et notamment celle de Charleroi. La plupart des famillesprécarisées n’avaient pas répondu aux sollicitations et étaient de fait exclues du programme, ce qui est paradoxal pour un projet qui vise à réduire lesinégalités.

Mais concrètement, quelle est la méthode de travail que prône le Ceris, et qu’applique le Galion ?

Tout d’abord, il est proposé aux familles qu’elles soient accompagnées durant leur apprentissage des rudiments du langage, par un sympathique compagnon. Un lapin, facilementidentifiable, qui répond au doux prénom de « Polo ». Polo est présent sur les différents supports du projet, essentiellement un petit livret ainsiqu’un DVD. Selon les chercheurs, on cherche à stimuler dans les familles des milieux très défavorisés, des pratiques éducatives favorables à l’acquisition dulangage. Il y a les réunions collectives, le travail en famille, à la maison, autour de mots simples, et des réunions avec les services du Galion, pour discuter du programme etde son avancement.

« Ne pas attendre qu’un jeune ait de
s problèmes »

Plusieurs étapes du projet langage ont été imaginées par nos chercheurs. La première étape consiste à diffuser et informer les parents surl’initiative, à chercher des « parents relais ». Lors de cette première étape, le Galion tentera de faire prendre conscience aux parents que l’écolematernelle sert à quelque chose, car beaucoup de parents lui vouent une certaine méfiance. Elle sert à quelque chose, c’est certain, et notamment au développement desenfants, comme l’affirme Bruno Humbeeck : « On va leur expliquer que, certes, l’école maternelle est une école où l’on joue, mais c’est une école où l’onjoue pour apprendre et où l’on apprend pour jouer. » Deuxième étape : rendre les parents actifs, les convaincre d’être partie prenante au projet. Enfin, ladernière étape est plus ambitieuse. Les promoteurs du projet espèrent diffuser un programme d’éducation familiale, c’est à dire des repèresgénéraux concernant l’éducation des enfants et ayant trait à la communication, à l’attachement, à la considération et à d’autres besoins, queBruno Humbeeck qualifie de « neuf besoins fondamentaux des enfants ».

Toutes ces étapes nécessitent une participation active des familles, et le jeu en vaut la chandelle, car l’équipe du Galion, en travaillant sur l’éducation et laréduction des inégalités sociales, mise sur l’avenir. C’est en tout cas l’idée de Bruno Humbeeck : « Nous voulons diffuser ce matériel, faire du liensocial dans un but de prévention, de plus en plus tôt, pour ne pas attendre qu’un jeune ait des problèmes et soit en contact avec les services de protection de lajeunesse. »

Bien sûr, certains pourront objecter qu’un tel travail sur le langage ne devrait pas être mené par un CPAS, mais bien par l’école. Ce à quoi Bruno Humbeeckrétorque que « le projet langage se fait avec l’école, pas contre elle. Nous avons un fascicule à destination des enseignants qui leur explique nos objectifs. Leprojet devrait être étendu à toutes les écoles ». Pour asseoir la légitimité du projet, il tient à préciser que le matérielutilisé a été mis au point avec des enseignants.

Quoi qu’il en soit, ceux qui font vivre cette initiative ne sont pas sourds aux critiques et rappellent qu’un tel projet n’est pas figé. D’importantes évaluations auront lieu. L’unequalitative menée par le Galion auprès des parents pour voir s’ils se sont sentis soutenus, l’autre quantitative, sera réalisée par le Ceris qui se penchera plusspécifiquement sur les aspects « langage » du projet.

1. www.labiso.be
2. Centre de recherche et d’innovation en sociopédagogie familiale et scolaire :
– adresse : place du Parc, 18 à 7000 Mons
– tél. : 065 37 31 10  
– site : http://w3.umh.ac.be/~pourtois/ceris/
3. Le Galion :
– adresse : CPAS de Péruwelz, rue de Roucourt, 87 à 7600 Péruwelz
– tél. 069 77 90 33
– courriel : galion.peruwelz@publilink.be

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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