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Regard critique · Justice sociale

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"Alain de Wasseige sur la créativité : "Aujourd'hui, on ne peut plus dire, 'le social c'est ça'!""

02-04-2002 Alter Échos n° 117

Le Service de la Formation du ministère de la Communauté française organisait, les 21 et 22 mars, deux journées intitulées « Les enjeux de lacréativité »1 au centre de congrès de Dampremy (Charleroi). L’objectif était de « mieux faire connaître les enjeux et les fonctions de la créativité », deréunir des artistes, des représentants des pouvoirs publics, des associations, des opérateurs culturels, éducatifs et sociaux, de faire le point sur les pratiques et deproposer une réflexion sur les enjeux qui les sous-tendent à travers un éventail « de disciplines dans des cadres institutionnels les plus divers ». Sur les deux jours, unequarantaine d’ateliers ont été organisés à partir de pratiques de créativité dans les champs scolaire, culturel, jeunesse, éducation permanente,insertion socioprofessionnelle.
Retour sur les enjeux et les objectifs de ces deux Journées avec Alain de Wasseige, responsable du Service de Formation.
Alter Échos – Quels étaient les objectifs de ces deux journées?
Alain de Wasseige – Elles sont nées du constat que dans toute une série de secteurs (enseignement, culture, insertion socioprofessionnelle, social, voire même lasanté) des initiatives sont prises. Elles visent à ce que les gens s’expriment à travers un langage artistique, une diversité de langages. Qu’ils se mettent à direles choses qu’ils n’arrivent pas à se dire autrement, à avoir un regard sur le monde, à nommer, à maîtriser les mots pour le dire. Avec tout ce potentiel-là,qu’est ce qu’on fait? La question qui se pose est de savoir s’il n’est pas important que des professionnels, qui travaillent dans des secteurs aussi différents, au-delà des pouvoirspublics qui les subventionnent, se rencontrent, échangent leurs pratiques et voient le plus loin possible.
AE – Qu’est-ce qui émerge de ces deux journées?
AdW – Comme toujours, les gens disent qu’ils ont besoin de se rencontrer. Ensuite, beaucoup de colloques et de rencontres ne mettent pas en avant les pratiques mais les analyseurs. Ici,à côté d’une introduction qui fixait le cadre et les conclusions des débats, on s’est arrêté sur les pratiques, avec 40 ateliers qui mettaient les acteurs deterrain en avant à partir de ce qu’ils font. À côté, on trouvait une expo, des bornes vidéo, une librairie où l’on pouvait aussi voir, pas seulementréfléchir et comprendre.
AE – En lisant le programme, on pouvait être étonné de retrouver des secteurs qui sont rarement mis ensemble au niveau institutionnel…
AdW – Mon idée, c’est que le ministère qui a en charge la culture n’a pas à avoir un propos sur l’insertion mais peut prendre des initiatives sur la partie culturelle dansle social et l’insertion. Et ça, c’est impossible à faire comprendre à un ministère. Est-ce qu’on reste dans la logique du financement par catégoried’opérateur ou est-ce qu’on intègre des formes de financement par objectif quelle que soit la catégorie à laquelle on appartient? Est-ce qu’on a, par exemple, une paroleen termes d’objectifs culturels, de niveau de qualité, de formation des intervenants lorsque des professionnels du secteur de l’alphabétisation, soutenus par les Régions,suscitent une parole auprès de leur public? Ensuite, est-ce qu’on a un dispositif spécifique à proposer, ou bien est-ce qu’on considère que la culture est du ressortuniquement des institutions qui ont une dominante culturelle?
AE – Comment expliquez-vous cette difficulté à concevoir la globalité et la complexité des enjeux sociaux?
AdW – Il y a des compétences principales et des compétences complémentaires, entre lesquelles il peut y avoir des relations. Cette difficulté d’articulation desniveaux de pouvoir relève d’un manque de vision de la manière dont les matières évoluent. Aujourd’hui, on ne peut plus dire, « le social c’est ça », « l’insertionc’est ça », « la culture c’est ça », etc. C’est beaucoup plus complexe et nuancé. Il faut donc réunir les gens qui travaillent avec des dispositifs différents mais quiconcourent de façon complémentaire à un objectif d’action globale. La difficulté vient du fait que l’on se trouve dans une structure inspirée de la logiqued’après-guerre, organisée selon des matières, doublée à partir des années 80 d’une logique de division en niveaux de pouvoir. Ça fait quand mêmebeaucoup de vieilles logiques pour une volonté d’approche globale. Les acteurs de terrain ont pourtant bien compris les enjeux, ils travaillent à de multiples financements pour leursprojets, mais au niveau de leur référent institutionnel, cela ne fonctionne pas, créant une série de blocages. D’autant que toute une série de ministères ontentre eux de longs contentieux historiques qui ne sont jamais complètement liquidés. La culture s’est construite contre l’enseignement, par exemple. En restant dans cette logique, alorsque l’on se situe dans une société où la culture est de plus en plus présente, on risquerait de ne pas comprendre comment la société évolue, d’oublierqu’elle se culturalise à tous les niveaux. On peut alors financer principalement des organismes culturels et on peut aussi, par des dispositifs complémentaires, avoir un rôled’acteur et de coordinateur avec d’autres opérateurs.
1 Alain de Wasseige, Formation des cadres culturels, DG de la Culture et de la Communication, bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles, tél. : 02 413 24 73

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