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Regard critique · Justice sociale

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À la rencontre des publics éloignés de la lecture

Deux jours de colloque, les 26 et 27 avril 2003, pour réfléchir et échanger sur des actions entreprises avec des publics qui lisent peu ou pas et sont souvent exclus desprojets de lecture. La question des publics éloignés de la lecture, et donc de la culture, interroge le sens démocratique de nos sociétés, introduit Yvette Lecomte,directrice du Service de la lecture publique du ministère de la Communauté française, organisateur de la rencontre avec le Centre de Lecture publique1. La justicesociale et culturelle se construit dans des politiques culturelles avec des apports transversaux, différenciés, interculturels. Or, 10 à 15 % de la population belge estanalphabète, il existe une corrélation forte entre diplôme, classe sociale et pratique de la lecture, 50 % des élèves de l’enseignement technique etprofessionnel (30 % en général) possèdent moins de dix livres à la maison, seulement 19 % du public fréquentent les bibliothèques, et parmi celui-ci, lamoitié a moins de 18 ans2. Le théâtre attire 10 % du public, et l’opéra 2 %, complète Jean Hurstel, de « Banlieues d’Europe»3. Si nous connaissons les pourquoi, nous restons avec des interrogations sur les comment. Nous avons pourtant raison de continuer à nous battre pour contrer la menaced’une régression politique et sociale, poursuit Jean Hurstel. Les services publics de la lecture devraient être utilisés par tous, insiste Yvette Lecomte. Lesbibliothèques sont plus que des stocks de livres. Elles ont un rôle social à jouer et sont des lieux de vie et de communication. Les bibliothèques ne doivent pas devenir,après l’école, un autre lieu d’exclusion.

28-07-2005 Alter Échos n° 142

Deux jours de colloque, les 26 et 27 avril 2003, pour réfléchir et échanger sur des actions entreprises avec des publics qui lisent peu ou pas et sont souvent exclus desprojets de lecture. La question des publics éloignés de la lecture, et donc de la culture, interroge le sens démocratique de nos sociétés, introduit Yvette Lecomte,directrice du Service de la lecture publique du ministère de la Communauté française, organisateur de la rencontre avec le Centre de Lecture publique1. La justicesociale et culturelle se construit dans des politiques culturelles avec des apports transversaux, différenciés, interculturels. Or, 10 à 15 % de la population belge estanalphabète, il existe une corrélation forte entre diplôme, classe sociale et pratique de la lecture, 50 % des élèves de l’enseignement technique etprofessionnel (30 % en général) possèdent moins de dix livres à la maison, seulement 19 % du public fréquentent les bibliothèques, et parmi celui-ci, lamoitié a moins de 18 ans2. Le théâtre attire 10 % du public, et l’opéra 2 %, complète Jean Hurstel, de « Banlieues d’Europe»3. Si nous connaissons les pourquoi, nous restons avec des interrogations sur les comment. Nous avons pourtant raison de continuer à nous battre pour contrer la menaced’une régression politique et sociale, poursuit Jean Hurstel. Les services publics de la lecture devraient être utilisés par tous, insiste Yvette Lecomte. Lesbibliothèques sont plus que des stocks de livres. Elles ont un rôle social à jouer et sont des lieux de vie et de communication. Les bibliothèques ne doivent pas devenir,après l’école, un autre lieu d’exclusion.

La réconciliation par la marge

Comment réconcilier les « jetés de la lecture » avec l’écrit ? Le travail souterrain du contournement prouve que des publics démunis peuventpénétrer les arcanes de la science, de l’art, à condition de travailler avec des professionnels convaincus et qui s’impliquent. La voie empruntée sera alorscelle du théâtre, de la poésie urbaine, d’une conférence sur la taille des bonzaïs, de la nécessité d’une reconversion professionnelle.

Depuis 1997, le Service de la Lecture publique de proximité de la Ville de Liège déploie, dans trois quartiers, un programme expérimental « Nouveaux publics,nouveaux écrits »4. L’idée est d’amener les faibles lecteurs à développer leurs compétences langagières, et àfréquenter les bibliothèques, par l’organisation de rencontres, d’ateliers, de formations aux NTIC. « Elles sont venues cachées derrière leurbébé, et je les ai piégées, elles et leurs bébés car ils grandissent, ils me reconnaissent comme quelqu’un de sympa qui lit des histoires. Les livres,c’est bon pour les bébés, ils adorent ça. Arrangez-vous pour que ces femmes n’aient plus peur. Faites-leur du café. Faites confiance à vos livres», partage une bibliothécaire.

Des initiatives en France et au Portugal démontrent que des femmes peu scolarisées sont capables de créer un beau livre, de collaborer avec des écrivains etd’être ambassadrices de leur ouvrage. Elles mobilisent leur village et deviennent les interlocutrices des institutions locales. Le jusqu’ici impossible devient possible. Autretravail de démocratisation culturelle est celui mené avec les jeunes des milieux populaires et urbains. Des jeunes brouillés avec la langue et le savoir, explique Alain Lapiower,de la Fondation Jacques Gueux5. Une fondation qui collabore avec la Bibliothèque de St-Gilles6 pour mettre à disposition un centre de documentation sur les arts urbains. Nous formons deplus en plus d’enseignants paniqués devant une culture et des jeunes qu’ils ne comprennent pas, dit-il. Le rap, le slam (écriture poétique portée sur lascène), sont avant tout des textes écrits pour communiquer, briser les tabous, parler des ghettos. Les jeunes se posent des questions sur la vie, ils ont des choses à dire et ontbesoin d’être écoutés, témoigne Pitcho, animateur-artiste pour la Fondation. Les jeunes des cités ne connaissent pas l’art, qui permet des’exprimer, enchérit Georges Cyprien de l’association « Cultures urbaines » à Paris. Leur esprit et leur corps sont des prisons. Le slam est une ported’entrée. À l’expression peut succéder la création. Tout l’enjeu de la création artistique est de se dire par la symbolique et il est importantd’agir sur les divorces constants entre les différentes générations, affirme Yvette Lecomte.

1. Direction générale de la Culture, bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles, tél. : 02 413 30 01 – C.L.P.C.F., Secteur formation, rue Louvrex, 46B à4000 Liège, tél. : 04 232 40 10.
2. In « Pratiques et attitudes face à la lecture », Les cahiers du C.L.P.C.F. n°3, déc. 2002 et « Lire ou ne pas lire, état de la question », Lescahiers C.L.P.C.F. n°4, fév. 2003, tél. : 02 413 22 34 ou 04 232 40 15.
3. Réseau culturel européen, lieu de ressources de l’innovation culturelle et artistique, banlieues.deurope@wanadoo.fr, http://www.banlieues-europe.com (Strasbourg).

4.
5. Fondation Jacques Gueux, av. Paul Dejaer, 11A à 1060 Bruxelles, tél. : 02 538 15 12,
.
6. Bibliothèque de St-Gilles, rue de Rome, 24-28 à 1060 Bruxelles, tél. : 02 543 12 33.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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