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Regard critique · Justice sociale

8 mars : ma semaine d’avant les femmes

À la veille du 8 mars, journée internationale de la femme, personne ne peut ignorer que celle-ci, partout dans le monde, est plus pauvre et plus « fragile » économiquement quel’homme. Quant aux solutions…

12-03-2010 Alter Échos n° 291

À la veille du 8 mars, journée internationale de la femme, personne ne peut ignorer que celle-ci, partout dans le monde, est plus pauvre et plus « fragile » économiquement quel’homme. Quant aux solutions…

Lundi 1er mars, l’heure des constats. En conférence de presse, des journalistes de périodiques féminins présentent une grande enquête sur lesfemmes et l’argent, menée auprès de leur lectorat. Commandée par Comeva, la plate-forme des rédactions belges du groupe de presse finlandais Sanoma1, encollaboration cette fois-ci avec la Fondation Roi Baudouin, cette enquête est la cinquième du genre. Elle est aussi l’une de celles qui ont recueilli le moins de témoignagesavec 2 313 participantes (pour 12 000 sur les stéréotypes sexistes en 2005). Premier enseignement donc, l’argent reste un tabou énorme. Le fait que près de lamoitié des répondantes affirment que leur entourage ne sait rien de leurs difficultés confirme cette observation. Il aura fallu aux enquêtrices passer par des entretiensindividuels menés avec l’aide d’associations de terrain pour atteindre un seuil critique de témoignages.

La précarité des femmes s’étend

Qu’en ressort-il ? Qu’un cinquième (22 %) des femmes interrogées déclarent « avoir du mal à joindre les deux bouts » ; 7 % disant « ne paspouvoir s’en sortir du tout » avec leurs revenus. Bien qu’elle ne réponde pas aux standards de validité scientifique, cette grande enquête vient confirmer unesérie de phénomènes désormais bien documentés : que la précarité déborde les groupes socio-culturels défavorisés puisque 38 % desfemmes éprouvant des difficultés disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur ; que la séparation des couples – pour 31 % des femmes endifficultés – et le célibat – pour 60 % d’entre elles – est à l’origine de ou va de pair avec leur fragilisation financière ; pire : 11 % desfemmes interrogées déclarent rester avec leur compagnon parce qu’elles ne pourraient pas s’en sortir seules financièrement !

Vie personnelle n’égale pas vie de famille !

Où est la nouveauté ? Dans l’appréciation de la crise : elles sont plus de deux fois plus nombreuses parmi les femmes en difficulté (73 % d’entre elles) queparmi les femmes qui s’en sortent (30 % d’entre elles) à déclarer avoir encore plus de mal à nouer les deux bouts depuis la crise.

Mais aussi dans ce commentaire de Rosette van Rossem, responsable du projet Comeva : « La première enquête, en 2005, révélait qu’un tout gros problèmeréside dans l’équilibre entre vie personnelle et vie en couple avec enfants. » Alors que traditionnellement, les enquêtes distinguent vie privée (y comprisfamiliale avec enfants, le cas échéant) et vie professionnelle ! Cette nouvelle distinction permet de mettre en évidence que « ce n’est qu’une fois la famillefondée que les jeunes femmes, à l’abord de la trentaine, prennent conscience des charges et des risques encourus au niveau professionnel et au niveau personnel en cas deséparation », analyse Rosette van Rossem.

D’où l’initiative des magazines belges du groupe Sanoma, dans la foulée de l’enquête, de diffuser dans leurs éditions du début mars, ainsiqu’aux guichets de la Banque de la Poste, un guide à l’usage des femmes et de leur argent, Check. On y trouve une série d’adresses utiles, comme oùs’adresser en cas de dettes devenues insurmontables. Il y a surtout des conseils, « peut-être pas très glamour mais extrêmement importants » sur les piègesà déjouer lorsqu’en couple, on choisit de se marier, de cohabiter légalement ou de tenter l’union libre. Trois autres chapitres abordent les questionsfinancières liées aux enfants (pension alimentaire, frais déductibles…), au travail (comment obtenir une augmentation…) et à la pension (implications dutemps partiel, pensions complémentaires…).

Les vraies questions ?

Mardi 2 mars, à peine le temps de regretter de ne pouvoir aller écouter Martine Ngo Nyemb Wisman, doctorante à l’UCL et Carmela Chung, du Fonds de développement desNations Unies pour la femme (Unifem), présenter des stratégies utilisées par des femmes camerounaises et sud-américaines pour sortir de la pauvreté2.

Mercredi et jeudi, j’expérimente la paternité active, toutes affaires cessantes. À un certain stade, la fatigue provoquée par un nouveau-né qui n’apas d’horaire est moins difficile à dépasser quand elle est équitablement partagée, mon statut de freelance me le permet. L’occasion néanmoins deméditer sur la relative générosité de la sécu belge en faveur des jeunes parents et sur le mauvais débat public lancé suite à la sortie dudernier ouvrage d’Élisabeth Badinter. L’allaitement contre l’émancipation des femmes ? Pourquoi pas l’inverse tant qu’on y est !? Un vrai congé depaternité ne contribuerait-il pas plus à l’émancipation des femmes et à une égalisation des parcours professionnels ?

Vendredi 5, retour à la case départ. 17h25, un communiqué de presse du Crioc tombe : « Les femmes toujours moins bien payées que les hommes » …Sic transit gloria mundi, mulieres ! « Ainsi passe la gloire du monde, Mesdames ! » Une question, curieusement, n’a été que peu posée dans cet avant 8mars : à quand l’individualisation effective de tous les droits ?

1 Libelle, Flair, Feeling, Glam*it, Vitaya Magazine, Femmes d’aujourd’hui et Gael qui, ensemble, toucheraient près de 2 millions de femmes en Belgique.
2 Lors d’un colloque international organisé par le Collectif des femmes asbl (www.collectifdesfemmes.be) etle Réseau wallon de lutte contre la pauvreté ( rue des Relis Namurwès 1 à 5000 Namur, tél : 081 31 21 17)

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