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Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

GT6 : prêter la main au partenariat local

Le groupe de travail 6 a planché sur l’intersectorialité. Quelles sont ses recommandations ?

Comment favoriser le travail en réseau, les rencontres entre secteurs, les projets menés en commun ? L’intersectorialité : un leitmotiv dont on entend parler depuis des années déjà, que l’on essaye de pousser tous azimuts, mais qui demeure difficile à pratiquer. Question de temps, de manque de ressources, mais aussi de cultures de travail différentes qui empêchent le déclic du « travailler ensemble » de se produire. Le sixième groupe de travail du Plan jeunesse (GT6) s’est penché sur la question. Petit plongeon, sans trop de jargon, dans ses réflexions et propositions.

Le processus tout d’abord. Le GT6, présidé par Nadia Achbany (Fédération des centres d’information et de documentation pour jeunes, CIDJ) et composé de personnes issues d’administrations diverses (Jeunesse, Aide à la jeunesse, Culture, Enseignement), d’acteurs de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse, s’est appuyé sur l’écoute et l’analyse d’une douzaine d’initiatives locales pour mener à bien son travail. L’objectif : une approche « bottom-up », afin de faire remonter les problèmes, les difficultés vécues par les acteurs. En bref, aux prises avec les réalités de terrain. Le groupe de travail, animé par Daniel Burnotte (Tr@me), avec le soutien des sociologues Jean-François Guillaume et Bernard Fournier, avait pour objectif d’aboutir à des recommandations politiques. Passons en revue les principales d’entre elles (voir aussi l’article qui suit : « Faut-il un pilote dans l’avion ? »).

Recommandations : les grandes lignes

1. Favoriser les « dynamiques d’alliance éducative ». En d’autres mots, il s’agit de faciliter l’émergence de projets intersectoriels issus du terrain, notamment via un processus de reconnaissance de ces dynamiques, mais aussi en soutenant leur pilotage. Le GT recommande aussi d’appuyer ces initiatives financièrement, par le biais d’une enveloppe budgétaire spécifique ou par des appels à projets. Un soutien financier qui doit permettre une certaine souplesse dans les actions menées tout en prenant en compte la question de leur pérennisation.

2. Activer les dispositifs de concertation existants. Il existe déjà, à l’heure actuelle, un grand nombre d’espaces de concertation. Qu’ils soient spécifiques aux secteurs jeunesse (Conseils d’arrondissement de l’Aide à la jeunesse par exemple) ou en dehors de ceux-ci (plans de cohésion sociale, comités subrégionaux de l’emploi et de la formation…). Le GT6 recommande de s’appuyer sur ces dispositifs : il ne s’agit pas de rajouter une couche à la lasagne. Ces espaces de concertation pourraient s’approprier les objectifs et défis du Plan jeunesse et les disséminer sur le terrain. À une condition cependant, que les acteurs qui s’en saisissent puissent conserver leurs marges de manœuvre et leur liberté méthodologique.

3. Piloter, accompagner et analyser les dynamiques intersectorielles. Un préliminaire : puisque le Plan jeunesse a bien pour objectif de « mettre en place un référentiel commun » pour assurer plus de cohérence entre les politiques Jeunesse, alors l’intersectorialité doit à tout le moins être pratiquée par les niveaux supérieurs. C’est-à-dire par nos ministres. C’est d’ailleurs bien là le but de la Conférence interministérielle (CIM) Jeunesse mise sur pied en 2010. Encore faudra-t-il que la sauce prenne sur le long terme. Le principal élément du rapport du GT6 à retenir consiste en la proposition suivante : mettre sur pied un nouvel organe (tiens, une nouvelle couche à la lasagne cette fois ?), une espèce de plate-forme intersectorielle et interadministrative, qui aurait pour mission « d’identifier et d’activer des dispositifs ou programmes de concertation et de coordination territoriaux », de faciliter la mise en place de ces dynamiques et de les accompagner.

 

L’école, le mauvais élève ?

« C’est difficile d’ouvrir l’école aux projets sociaux », « le secteur de l’enseignement est très hermétique », « il faut élargir le champ de l’enseignement pour y intégrer une dynamique de réseau »… Tel est le sempiternel refrain que l’on entend lorsque l’on assiste aux rencontres qui réunissent les travailleurs sociaux des secteurs de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse. Les institutions « mammouths », telles que l’école mais aussi le Forem, sont régulièrement pointées du doigt pour leur lenteur et leurs résistances quand il s’agit de travailler avec d’autres.

« Lors de la dernière réunion [NDLR du GT6], j’ai voulu apporter un bémol à cette image, réagit Isabelle Polain, de la DG de l’Enseignement obligatoire. Cela dépend vraiment des établissements. On peut entrer dans l’école, à condition de construire le projet de l’intérieur, avec les acteurs scolaires. Si on veut qu’un projet perdure dans l’école, cela doit se faire à partir de la base et les jeunes doivent intervenir dans le dispositif. »

Pour favoriser le développement de relations harmonieuses entre l’école et les autres acteurs des politiques Jeunesse, le GT6 a lancé trois pistes, tout en privilégiant la dernière d’entre elles :

Utiliser les lieux de formation des directions et des enseignants pour sensibiliser davantage à l’ouverture ;

s’appuyer sur le décret Aide à la jeunesse/Enseignement en préparation pour mettre à la même table les acteurs des deux secteurs ;

exploiter davantage les cellules « Bien-être » [NDLR dispositif pilote de sensibilisation, d’éducation et de prévention mis en place pour les années 2011-2012 et 2012-2013 dans les établissements scolaires qui le souhaitent, afin de promouvoir la santé et le bien-être] des écoles comme porte ouverte sur l’extérieur. Et, pourquoi pas, créer au sein des écoles une nouvelle fonction dont la mission serait d’accompagner cette démarche d’ouverture ?

« La proposition du GT6 de s’appuyer sur les cellules « Bien-être » ou un projet similaire me tient particulièrement à cœur, se satisfait Isabelle Polain. 80 écoles sont actuellement inscrites dans ce dispositif et ce qui en sort est très positif. Nous espérons que cela fera tache d’huile… »

Et après ?

Le processus, s’il a été chronophage, s’est révélé productif. C’est en tout cas les retours que nous avons eus de quelques-uns des participants. La méthode utilisée a eu le mérite de mettre en lumière la richesse de ce qui se fait sur le terrain, souligne Pierre Evrard (de la Fédération de centres de jeunes en milieu populaire, FCJMP) : « Il existe déjà une multitude d’initiatives, qui se coordonnent à des niveaux divers, de manière géographique ou thématique, et qui fonctionnent plus ou moins bien. Tous ces projets ont un intérêt et la diversité des associations qui y participent démontre que l’intersectorialité, ça se pratique déjà ! »

Confronter théorie et réalité, un autre point positif souligné par Catherine Demonty, du Conseil de la Jeunesse : « Cela nous a permis de partir d’expériences concrètes, dans toutes leurs dimensions et toute leur complexité et d’en tirer des enseignements en vue d’améliorer les politiques. Ce qui à mon sens ne se fait pas assez de nos jours… » Réfléchir à l’intersectorialité tout en l’expérimentant a été une vraie richesse, a quant à elle ajouté Christine Fayt, de l’Interfédé de l’Aide à la jeunesse.

Un bémol, cependant, touche aux moyens mis en œuvre pour arriver à construire des propositions collectives. « La faille, souligne François Beckers (du Réseau Idée), c’est que dès qu’une proposition sortait, c’était très vite pris comme étant une piste finale, sans qu’il y ait de prise de recul et d’analyse. Mais les résultats obtenus sont intéressants », tempère-t-il aussitôt. Pas de vote, mais une recherche du consensus un peu discutable, aux yeux d’un autre de nos interlocuteurs : « Il y a des choses qu’on n’a jamais vraiment demandées. Ce ne sont jamais que des pistes de propositions dont une équipe d’animateurs et de chercheurs se sont emparés. Ces gens ont été payés pour écrire ce qu’ils devaient écrire… »

Les recommandations du GT6 font néanmoins globalement l’objet d’un accord. Elles devraient être intégrées au Plan jeunesse. À moins qu’il ne soit déjà trop tard et que ce dernier ne soit déjà ficelé, s’inquiète-t-on. À moins que le manque de moyens ambiant, crise oblige, ne permette pas d’être très ambitieux. À moins, tout simplement, qu’il n’y ait pas la volonté politique d’aller plus loin. Les conclusions du groupe de travail et les perspectives que l’on pourrait en tirer devraient être présentées en octobre prochain par la ministre de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse. Affaire à suivre…

Où sont les jeunes ?

On sent poindre un regret chez les chercheurs qui ont analysé les initiatives de terrain : l’absence des jeunes dans le pilotage de ces dispositifs « en réseau », qui sont avant tout des plates-formes de professionnels.

Pourtant tous les acteurs semblent souligner l’importance de partir des jeunes et de leurs projets de vie. À cet égard le rapport du GT6 stipule que « la participation des jeunes est à considérer comme objectif final et comme modalité même de l’action dans l’animation territoriale et dans l’articulation des politiques. C’est un des défis majeurs du Plan jeunesse ». Un point de vue que partage Catherine Demonty : « Il faut remettre les jeunes au centre de la dynamique du Plan jeunesse. […] Le travail intersectoriel doit vraiment permettre de remettre le jeune et son intérêt au centre des préoccupations de tous les acteurs de terrain, peu importe le secteur dont ils sont issus. »

Pierre Evrard nuance le constat : « On ne peut pas constamment mélanger les jeunes et les professionnels de la jeunesse pour réfléchir aux pratiques professionnelles de ces derniers… » Une façon d’accorder les violons serait de « mobiliser davantage les jeunes dans la première phase des projets, celle du diagnostic, propose Jean-François Guillaume. Car les réalités se transforment très vite… », précise-t-il.

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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