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Une école en plein décrochage

Organisée ce 12 octobre par l’asbl «Plate-forme de concertation en santé mentale du Brabant wallon»1, la journée d’étude « J’ai malà mon école » se proposait d’approfondir la question du maintien des relations entre école, parents, intervenants et élèves lorsque ces derniers se retrouventen situation de décrochage scolaire. Un thème ambitieux qui a cependant vite dérivé vers un constat plus global : le système scolaire va mal.

19-10-2007 Alter Échos n° 238

Organisée ce 12 octobre par l’asbl «Plate-forme de concertation en santé mentale du Brabant wallon»1, la journée d’étude « J’ai malà mon école » se proposait d’approfondir la question du maintien des relations entre école, parents, intervenants et élèves lorsque ces derniers se retrouventen situation de décrochage scolaire. Un thème ambitieux qui a cependant vite dérivé vers un constat plus global : le système scolaire va mal.

Réunis à l’Institut Cardijn de Louvain-la-Neuve, les différents participants à la journée d’étude « J’ai mal à mon école » n’ontpu réprimer un sourire mi-triste mi-amusé lorsque, sur le coup de 16h00, Philippe Beague, président de l’association Françoise Dolto2, a conclu son interventionpar une phrase quelque peu ironique: « Finalement, vous et moi, nous ne sommes que des sparadraps ». Issus pour la plupart des secteurs de l’aide à la jeunesse, de la santémentale, de l’enseignement ou du social, les quelque 80 protagonistes présents avaient en effet jusqu’alors plutôt insisté, tout au long des débats et des ateliers, surleur envie de promouvoir une meilleure coordination des différents services et des différentes personnes impliqué(e)s dans le suivi du jeune en situation décrochagescolaire. « Je vous comprends lorsque vous dites qu’il y a trop d’intervenants, trop de services et que la coordination est quelques fois difficile ajoute encore Philippe Beague, mais ceque nous devons réaliser, vous et moi, c’est que nous sommes les symptômes d’une école qui va mal. Nous ne sommes que les tentatives d’ajustement d’un systèmedépassé, de petits sparadraps que l’on applique sur un malade qui est mal en point ».

Un besoin de réformes

Un peu plus tôt dans la journée, c’est Françoise Duesberg, coordinatrice de la « Plate-Forme de Concertation en Santé mentale du Brabant wallon » qui faisaità peu près le même constat lors de la présentation d’un document élaboré par l’asbl sur le thème du décrochage scolaire. Réaliséesuite à de nombreuses réunions organisées en présence de services tels que les hôpitaux, les AMO (services d’aide en milieu ouvert), les SAIE (services d’aide etd’intervention éducative), les SAJ (services d’aide à la jeunesse), les écoles de devoir ou encore les centres PMS (centres psycho-médicaux-sociaux), cette «synthèse des réunions sur le décrochage scolaire » pointe ainsi divers facteurs individuels (difficultés d’apprentissage liées aux ruptures vécues parl’enfants, remarques négatives, échec en entraînant d’autres) et collectifs (redoublement, classes trop nombreuses, obligation scolaire jusqu’à 18 ans) pouvant expliquer ledécrochage scolaire. Elle relève également un ensemble de bonnes pratiques (comprendre le sens du décrochage, restaurer l’estime de soi chez le jeune, association desparents au travail mené avec celui-ci, suivi du jeune par une personne référente) censées permettre de remédier au problème.

Mais, bien plus encore, elle cite la réflexion concernant le fonctionnement de l’école et la formation des enseignants comme autant de pistes qu’il faudrait explorer afin de diminuerles risques de décrochage scolaire. Une invitation à repenser un système qualifié de « complexe », « lourd », « dinosaure » ou «autiste » par l’ensemble des participants au cours des ateliers; une série de pistes ou de frustrations, aussi, dans lesquelles Philippe Beague s’est engouffré: « Noussommes en plein dans un basculement de société… Les enfants ont changé, les parents ont changé et l’école…n’a pas changé ! Et tout le monde est dans sabulle avec, au milieu, les intervenants tels que les services d’aide, les écoles de devoir, les AMO, etc. À l’heure actuelle les parents ont si peu d’enfants, tiennent tellementà eux, qu’ils n’osent plus leur dire non et qu’ils laissent donc à l’école le soin d’éduquer des jeunes qui sont très différents de ceux d’il y a 40 ans. Denos jours, avec internet, les enfants ont accès à tout, sont plus éveillés. Et les professeurs se retrouvent donc face à ces enfants nouveaux alors que leurformation n’est pas adaptée, n’a pas évolué. Aujourd’hui encore, alors que la situation a changé, on leur apprend à enseigner à des jeunesdes années 50 qui ne bronchaient pas parce qu’ils ne connaissaient rien d’autre. Mais les temps ont changé, les élèves ne sont plus comme ça et l’école estdépassée… Ce qu’il faudrait c’est qu’elle s’adapte, qu’elle accueille l’enfant comme un vrai sujet. »

Révolutionner l’école

Et Philippe Beague de plaider pour ce qu’il appelle une « Alliance éducative » où professeurs et parents se partageraient l’éducation. « Prenez l’exemple despuéricultrices. Leur statut a énormément progressé. Il y a 25 ans, elles se considéraient presque comme de simples ménagères pour enfants. Elles sontmaintenant des auxiliaires d’éducation… Elles accueillent les enfants ET les parents. C’est cela qu’il faudrait à l’école… Mais pour cela il faut tout changer, lesystème, la formation des professeurs. Ces derniers en sont très conscients et ils multiplient les appels du pied depuis des années. Mais il y a peu de réponses…Peut-être que vous, les intervenants, pourriez faire quelque chose…». Un appel entendu puisque Françoise Duesberg promet les conclusions de cette journée d’étudepour le 22 octobre et qu’il se chuchote que celles-ci pourraient servir à mettre sur pied un document à destination des responsables politiques de la Communautéfrançaise.

1. Plate-forme de concertation en santé mentale du Brabant wallon :
– adresse : rue de Mont-Saint-Guibert, 24 à 1340 Ottignies
– tél./fax : 010 45 49 09
– courriel: pfsmbw@skynet.be

2. Association Françoise Dolto asbl :
– adresse : rue du Trône, 214 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 731 95 72
– courriel.: fdolto@skynet.be
– site : http://www.associationfdolto.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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