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"Trois rencontres européennes sur le logement : entre accessibilité, cohésion sociale et droit au log"

08-10-2001 Alter Échos n° 106

Dans le cadre de la présidence belge de l’Union européenne, un colloque européen a été organisé à Liège, les 24 et 25 septembre, surle thème « le logement : outil de cohésion sociale ». Organisée sous l’égide du ministre wallon du Logement1, Michel Daerden, et en collaboration avec le Forumeuropéen du Logement, cette rencontre avait pour objectif de « fournir l’occasion aux acteurs du logement, aux responsables politiques, aux représentants des milieux associatifs etscientifiques d’engager des échanges sur des expériences novatrices, originales ou efficaces en matière d’accès au logement et de renforcement de lacohésion sociale. » Ce Colloque devait servir de base de réflexion à la réunion informelle des ministres européens de Logement, qui s’est tenue les 1er et 2octobre. En “off” s’était aussi tenu une rencontre européenne des sans-abri et des mal logés.
1. Un colloque européen sur tous les aspects de l’accès au logement
Trois ateliers de travail ont été mis sur pied dans le cadre du colloque liégeois. Les axes de ceux-ci ont porté sur l’accès au logement, surl’intégration économique et sociale, et sur la restauration ou le maintien des liens sociaux. Par accès au logement, les organisateurs entendent « la capacitédonnée à un ménage de se loger dans des conditions décentes (…) Il peut se décliner soit par une augmentation de l’offre de logements abordables, soitpar des dispositifs ou des mesures réglementaires visant à solvabiliser la demande des ménages à faibles revenus. » Les réflexions devaient être axéessur les points suivants : « l’importance qu’acquiert l’action (publique-privée) sur le logement pour lutter contre les processus d’exclusion sociale ; lanécessité éventuelle de mieux adapter les dispositifs ou réglementations en faveur de l’accès au logement, compte tenu de l’émergence denouvelles demandes, de nouveaux types de besoins (à identifier) ; la nécessité de créer de nouveaux produits-logement ; l’utilité de la mise en commund’expériences innovantes dans ce domaine, entre les différents pays, afin d’évaluer les difficultés communes et les possibilités de transposer desexpériences efficaces dans d’autres pays. »
Au sein du second atelier, centré sur l’accès au logement et à l’intégration économique et sociale, les travaux reposaient sur le constat suivant : « Lesdifficultés d’accès au logement se cumulent avec les difficultés d’accès aux ressources économiques (précarité économique) et auxressources sociales (activités civiles, services sociaux, etc.). En conséquence, les discussions ont porté sur les actions transversales ayant pour but de‘réinsérer économiquement des populations au travers de l’accès au logement ou à l’habitat’ : programmes logement-emploi, auto-construction,régies de quartier… Autant de pratiques reposant sur la participation avec les habitants. L’objectif ici était de dégager des pistes sur les possibilitésoffertes par les actions transversales et les partenariats, de vérifier les effets durables de ces actions dans le temps par rapport aux publics concernés, et de voir en dans quellesmesures elles sont reproductibles. »
Enfin, le troisième atelier a mis l’accent sur l’accompagnement social des personnes en état de précarité. Les dispositifs d’accès au logementdoivent effectivement veiller au maintien du lien, souvent extrêmement fragile, qui existe entre les personnes précarisées et la structure sociale. « C’est souvent àcette condition que le maintien dans les lieux peut être garanti », soulignent les organisateurs. Côté institutionnel, les pratiques de restauration ou de maintien de liens sociauxmenées en faveur des occupants de logements sociaux ou privés sont les suivantes : guidance sociale, services de médiation des dettes, pratiques se développant autour denouveaux produits-logements (logement d’insertion, d’urgence, etc.), pédagogie de l’habiter, etc. Côté officieux, une série de pratiques se sontdéveloppées : habitat communautaire, co-location, hébergement, etc. Parmi les questions développées, certaines concernaient les objectifs, les limites et lesrésultats de l’accompagnement social des ménages précarisés ; ou encore le réalisme de la mixité sociale dans des lieux de vie communs à desgroupes socialement différents.
2. Conseil informel : réagir au rétrécissement de l’offre de logements à bon marché
Ces 1er et 2 octobre, les villes de Bruxelles et de Charleroi ont accueilli la 13e Conférence annuelle des ministres en charge du Logement de l’Union européenne. Depuis son lancement,cette réunion a été qualifiée d’informelle. Cette année, le thème en était « l’accès au logement et les manières d’assurer unecohésion sociale dans les cités de logements. » Dans un communiqué, le porte-parole de la réunion, Alain Hutchinson, secrétaire d’État bruxellois auLogement2, spécifiait que cette thématique s’inscrivait dans « un contexte partagé par la plupart des pays européens, celui de la difficulté croissante desménages à accéder au logement tant public que privé. » En effet, l’offre de logements, en particulier à bon marché, tend à diminuer. Cettetendance touche tant le secteur de la location que celui de la vente. Les ménages les plus démunis sont les premiers touchés par ce phénomène.
Les conséquences de cette évolution se traduisent par la création de « ghettos sociaux » regroupant les habitants victimes de « pauvreté multiple » ; l’augmentation dunombre de ménages sans-abri, le développement de l’habitat précaire, etc. La cohésion sociale urbaine en pâtit. Aussi est-il primordial pour les ministreseuropéens du Logement de restaurer celle-ci en rendant effectif le droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale, inscrit dans la Charte socialeeuropéenne.
Dans les différents États membres de l’Union européenne, des correctifs ont été élaborés : aide au logement, aide à l’accèsà la propriété, etc. En Belgique, on assiste ainsi à « une certaine socialisation du parc privé » : les Agences immobilières sociales (AIS), les programmeslogement-emploi, les pratiques intervenant sur le logement, l’habitat en participation avec les habitants (participation à la conception des logements, participation des locataires dans lagestion des logements…), l’accompagnement social, etc.
Cette 13e réunion informelle visait à favoriser l’échange de bonnes pratiques, fruits des politiques publiques et/ou des initiatives de terrain. Dans cette optique, lesreprésentants de l’Union eur
opéenne en matière de logement ont pris les décisions suivantes :
> « Leurs prochaines rencontres prendront attitude sur les initiatives et décisions de l’Union européenne ayant des incidences sur les politiques nationales du Logement ;
> Leurs rencontres feront régulièrement le point sur les instruments permettant de réguler les marchés et de développer les politiques du Logement ;
> Leurs prochaines rencontres étudieront une approche stratégique commune, évaluée par leurs rapports annuels, pour garantir l’accès à des logements dequalité en faveur de la demande sociale et pour lutter contre l’insalubrité et les mauvaises conditions de logement ;
> Ils assureront en leur sein l’analyse, l’évaluation et la promotion commune de l’agenda Habitat par tous les partenaires concernés à travers une meilleure coordination desdifférentes plate-formes existantes ;
> Une réunion de fonctionnaires est utile dans le but, d’une part, d’échanger des informations sur un thème précis choisi et préparé par l’Etat assurantla présidence de l’Union européenne durant cette période et, d’autre part, pour faire ressortir les thèmes émergents souhaités par les Etats membres afin depermettre à la rencontre des ministres du Logement de se concentrer sur les thèmes requérant une approche stratégique commune. « 
Enfin, les ministres européens du Logement demandent « qu’un conseil des ministres approprié accueille la réunion des ministres du Logement et intègre lespréoccupations de ceux-ci dans les conclusions et les décisions prises à l’occasion de ses travaux et ce, à partir de 2003. »
3. Rencontre européenne des associations de sans-abri : pour le droit au logement
Le dimanche 30 septembre, soit la veille de la réunion informelle des ministres européens du logement, différentes associations de défense des sans-abri et des mallogés ont organisé une rencontre sur la problématique du droit européen au logement. Au nombre de celles-ci figuraient Solidarités nouvelles3 , le Front communSDF4, Daklozen actie Komite, Worhüm Für Alle, le DAL (Paris-Lille), ainsi que des représentants d’Italie et d’Allemagne d’Habitat International Coalition. Au coursd’un colloque, ils ont partagé leurs différentes expériences : « Qu’est-ce qui se vit en Belgique, en France ou en Italie par rapport à l’auto-logement,auto-rénovation ? Quelles sont les réglementations qui existent dans les différentes régions et pays en Europe, que font les gouvernements pour lutter contre les logementsvides ? Comment se gère le conflit entre la propriété privée et le droit au logement, qu’est-ce qui devrait changer ? »
L’objectif était de rédiger un mémorandum pour le remettre aux ministres européens, ainsi qu’une pétition reprenant l’essentiel desrevendications. D’entrée de jeu, ce dernier document annonçait que « dans l’Union européenne, plus de 3 millions de personnes sont sans logis, 18 millions sont mallogées, 60 millions vivent en-dessous du seuil de pauvreté, des centaines de milliers de familles sont expulsées « et » 10 millions de logements sont vacants. Aussi, lesorganisations ont-elles exigé comme priorité première que « le droit au logement soit reconnu par l’Union européenne comme un droit fondamental. » Sur ce point, lesministres européens anglais et néerlandais ont refusé de céder, préférant « assurer ‘l’accessibilité’ au logement » qu’accorderun « droit au logement ».
Néanmoins, les associations de défense des sans-abri estiment que  » la rencontre fut positive dans le sens où les ministres belges se sont engagés à faire rapportle lendemain (le 2 octobre, ndlr) en assemblée générale. « Ils ont pris en compte la revendication du droit à un logement décent dans tous les pays de l’Unioneuropéenne. Les ministres « ont proposé également que la problématique des logements abandonnés et de la possibilité de réquisitionner soit miseà l’ordre du jour de la prochaine réunion ‘européenne sur le logement’. La Belgique va d’ailleurs demander la création d’un Observatoireeuropéen sur le logement. » Enfin, Alain Hutchinson, porte-parole du Conseil informel, a signalé qu’il prévoyait des aménagements dans le nouveau Code du logementbruxellois pour lutter contre l’inoccupation d’immeubles. Au lieu de réquisition, les logements abandonnés feraient l’objet d’une gestion sociale assuréepar des opérateurs tels les sociétés de logements sociaux. En pratique, le propriétaire resterait propriétaire, mais les opérateurs pourraientacquérir un droit leur permettant de mettre en location un immeuble laissé abandonné, après que le propriétaire ait été incité, en vain,à remettre son bien sur le marché locatif.
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Revendications des associations de lutte pour le droit au logement
> La mobilisation des logements vacants – via la réquisition – en faveur des exclus du logement ;
> Une offre suffisante de choix de logements à prix adapté ; la facilité d’accès de ces logements aux équipements collectifs (commerces, transports,administrations, écoles…) ;
> Le maintien des logements sociaux dans la sphère du secteur public ; la garantie de moyens financiers suffisants aux personnes et familles les plus démunies, afin qu’ellespuissent accéder et se maintenir dans le logement locatif ;
> La mise en place et le respect de normes minimales de confort et de salubrité ;
> L’assurance que soient relogées les personnes ou familles avant même que leur expulsion soit effective ;
> La protection des personnes ou familles qui n’ont d’autre choix qu’occuper des logements vides.
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1 Rue Kefer 2 à 5100 Namur, tél. : 081 32 18 11, fax : 081 32 18 18.
2 Bld du Régent 21-23 à 1000 Bruxelles, tél. 02 506 34 11 ; fax : 02 511 88 59. À noter que la préparation scientifique du Conseil avait étéconfiée à la sociologue Françoise Noël (voir dans ce numéro l’article sur son étude sur pauvreté et la polarisation urbaine à Bruxelles).
3 Rue de Montigny 29 à 6000 Charleroi, tél. : 071 30 36 77, fax : 071 30 69 50.
4 Rue d’Aarschot 56 à 1030 Bruxelles, tél. : 0479 68 60 20 ; fax : 02 218 20 97.

Baudouin Massart

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