Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Saute-frontière pour jeunes déficients mentaux légers

Dans la région de Tournai, les jeunes belges déficients mentaux légers peinent à trouver une place dans les structures socio-éducatives pour personneshandicapées ou jeunes en difficultés.

10-07-2011 Alter Échos n° 319

La région frontalière tournaisienne compte de nombreuses structures socio-éducatives destinées aux personnes handicapées ou aux jeunes en difficultés. Cephénomène est né de la séparation de l’Etat et de la religion en France qui poussa de nombreux homes et orphelinats religieux à se réfugier en Belgique,à la frontière franco-belge. Aujourd’hui, le succès de ses institutions fait que beaucoup de résidents belges n’y trouvent plus de place. Les responsabilités et lescauses de ce manque de place et de prise en charge en Belgique, mais surtout en France, sont multiples. Côté belge, on pense à ouvrir les structures, à varier les offresd’accompagnement. En France, on tente de combler le déficit, mais l’effet de retard persiste et les priorités politiques posent question.

Chez nous, la priorité est donnée à la prise en charge éducative et au projet individuel, alors qu’en France, on parle plutôt de soins, nous précise AliceBaudine, administratrice générale de l’Awiph (Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées)1. Car c’est bien cette fameuse « chaleurhumaine » qui caractérise les institutions belges. Xavier Jonnaert est directeur du Centre Cerfontaine2, qui compte plus d’une vingtaine de sites adaptés dans larégion de Tournai. Selon lui, il est faux de penser qu’il est plus avantageux d’accueillir des bénéficiaires français plutôt que belges. « Il y a plus devingt ans, les quotas de places d’accueil ont été fixés pour les bénéficiaires belges. Par contre, on peut toujours accueillir des Français en surplus !Ce système vaut pour les institutions agréées et subventionnées par l’Awiph. Après, il existe les APC (Autonomie de prise en charge) qui sont subventionnéespartiellement et qui, elles, accueillent beaucoup de Français. » Ainsi, les institutions belges sont subventionnées par forfait annuel auquel on ajoute des frais« spécifiques », ajustés par trimestre alors que les Français accueillis en Belgique sont subventionnés par la France en « taux àla journée ». « Les taux à la journée sont élevés, mais quand la personne ne vient pas, on ne reçoit rien…, se défend XavierJonnaert. Mais il est vrai que beaucoup de proches sont harassés de ne pas trouver… Il y a alors parfois des associations de parents qui créent eux-mêmes leur centre d’accueil.Ces institutions sont reconnues par l’Awiph, mais ne sont pas conventionnées et se débrouillent avec les allocations d’aides aux personnes handicapées. »

Des budgets serrés, des solutions…

Alice Baudine de l’Awiph, explique ces carences d’hébergements par la question des limites budgétaires. « Notre budget total représente 5 à 6 % dubudget de la Région wallonne. Ce budget n’est pas extensible à l’infini. Il faut à la fois répondre aux exigences de la convention de l’ONU sur l’intégration despersonnes handicapées dans la société et à la fois tenir compte de budgets limités. La réponse est de favoriser les prises en charge pluslégères. Les SRT (services de résidence de transition) ont été créés il y a cinq ans. Ils ressemblent à des logements privés, mais sontsupervisés par une institution. En 2010, on a également lancé les “Logements encadrés novateurs”, sept projets pilotes ont été lancés pourune durée de trois ans. »

En France, le système évolue également. Xavier Jonnaert, du centre Cerfontaine, constate que de nombreux résidents retournent en France au fur et à mesure ques’y ouvrent des institutions. « Les jeunes en filière professionnelle, par exemple, ne viennent plus, car des solutions sont trouvées en France, tout comme ducôté des services pour déficiences mentales légères. Par contre, la volonté d’individualiser les projets et l’accent porté à l’éducationfait toujours cruellement défaut. Les jeunes présentant des troubles du comportement aigus ou des troubles psychiatriques sont trop souvent envoyés vers des structures purementpsychiatriques. »

« Beaucoup de mineurs délinquants, qui passent à l’acte, auraient besoin de soins pédopsychiatriques, mais les possibilités de prise en charge manquentcruellement », précise également Unicef France qui s’inquiète des orientations françaises en matière de prise en charge. « Aprèsl’assouplissement de l’usage des centres éducatifs fermés, c’est la loi relative à « la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et lejugement des mineurs » qui vient d’être votée ce 6 juillet à l’Assemblée nationale. Tout cela alors que les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)ont baissé de quatre cents personnes en deux ans. »

1. Awiph :
– adresse : rue de la Rivelaine, 21 à 6061 Charleroi
– tél. : 071 20 57 11
– site : www.awiph.be
2. Centre de Cerfontaine :
– adresse : rue de la Loquette, 39 à 7600 Péruwelz
– tél. : 069 77 99 99
– site : www.centredecerfontaine.be

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