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Regard critique · Justice sociale

Sans-abri : les dangers de la rue

Les sans-abri sont victimes d’agressions de plus en plus violentes. Flic à la fibre sociale, Nico Lauwers s’inquiète pour leur sécurité.

09-10-2011 Alter Échos n° 324

Les sans-abri sont victimes d’agressions de plus en plus violentes. Le co-fondateur d’Herscham – une cellule de la police locale de Bruxelles qui assure un travail de terrainpréventif auprès d’eux – nous emmène dans sa tournée quotidienne.

Il est 17 heures. Une nuée de piétons traverse la place d’Espagne entre la gare Centrale et le centre-ville. Absorbés par leurs pensées, ils ne semblent pasremarquer les cartons dissimulés dans les buissons. Plusieurs sans-abri ont installé leur campement de fortune ici, dans les parterres de l’hôtel Méridien. Ils ontpris soin de briser les branches pour se soustraire au regard indiscret des passants. N’auraient-ils pas pris cette peine, les aurait-on vus pour autant ?

Nico Lauwers connaît bien cet univers invisible. Depuis huit ans qu’il patrouille, il a appris à gagner la confiance des sans-abri. « C’est un monde parallèle.L’objectif en créant la cellule Herscham1 était d’apprendre à le connaître et s’en faire accepter. » Ce qui permet d’anticiper biendes problèmes. Pablo Alonso, directeur de la prévention à la police de Bruxelles : « Imaginons que monsieur Sarkozy débarque demain à l’hôtelAmigo. Il suffit que nos policiers passent la veille de son arrivée pour expliquer aux sans-abri qu’il faudra quitter les lieux. Tout se passe en confiance. Alors que dans d’autres villes, ilfaudra déployer de nombreux effectifs pour obtenir le même résultat. »

La sécurité des plus humbles

Le travail d’Herscham est loin de se limiter au maintien de l’ordre public. Nico Lauwers et ses trois collègues aident les sans-abri à remettre leurs documents d’identité enordre et orientent ceux qui le souhaitent vers un service social. Une de leurs missions est aussi d’assurer la sécurité des plus humbles, car les agressions sont fréquentesenvers et entre les sans-abri. « En particulier, le jour de la « Sainte-touche », quand ils reçoivent leur argent du CPAS », note Nico Lauwers. Mais les plaintes sontplutôt rares. Il faut dire que ces victimes ne sont pas toujours très bien reçues quand elles se pointent dans un commissariat de police avec des fripes mal odorantes. Et puis,passer pour un délateur dans ce milieu interlope n’est pas sans danger. Surtout quand on est une femme. « Je me souviens d’une affaire de viol il y a quelques années et decette femme qui a pleuré dans mes bras. Elle m’a dit « Nico, je ne peux pas porter plainte. Demain, je serais toujours à la rue et je dois bien continuer à ysurvivre » », confie le policier, visiblement ému.

Les informations circulent vite dans le petit monde des sans-abri. L’inconvénient peut dans certains cas se transformer en avantage. Ainsi, il n’est pas rare que des sans-abritémoins d’une agression alertent la police. « Parce qu’ils craignent d’être eux-mêmes accusés. Ou tout simplement parce qu’ils veulent nous faire part de leursinquiétudes comme n’importe quel citoyen. »

Sous la surface

Nico poursuit sa tournée sans se presser. Quelques femmes roms profitent des derniers rayons du soleil avec leurs gamins qui jouent dans leurs jupes. Un homme passablementéméché entretient un long monologue avec son chien. Le policier serre des mains, échange quelques blagues avec « ses lascars », comme il les surnommeaffectueusement. Tout en bavardant, il se renseigne sur la situation, évalue les tensions potentielles.

La présence d’un groupe de jeunes autour d’une fontaine semble le préoccuper. Ces derniers temps, plusieurs sans-abri se sont fait racketter par des bandes. Ces agressions sont deplus en plus violentes. « Avant, les agresseurs attendaient que leur victime se soit endormie et ils coupaient dans son sac à dos avec une lame de cutter. Aujourd’hui, on voitdes bandes de jeunes se livrer à véritables expéditions punitives. Voler ne leur suffit pas. »

Nous quittons la place d’Espagne pour rejoindre la gare Centrale. En passant devant le parking sous terrain, le policier d’Herscham m’explique que plusieurs sans-abri y dorment chaque nuit. Bienà l’abri sous le regard des caméras de surveillance.

1. Cellule Herscham, police de Bruxelles :
– adresse : rue Marché au Charbon, 30 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 279 74 60
– courriel : herscham@herscham.be
-site : www.herscham.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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