Le 18 janvier, Pierre Galand, sénateur (PS)1, et Pierre Beauvois, coordinateur de l’asbl Espace Citoyen2, présentaient à la presse une «proposition de rénovation des centres-villes financée par des obligations émises par des fonds de pension garantis par les régions. » Ce document est le fruit dedeux ans de travail et de plusieurs rencontres. Ces dernières ont pris, entre autres, la forme de trois colloques organisés successivement à La Louvière (juin 2004),Bruxelles (octobre 2004) et Liège (février 2005), ainsi que d’une réunion plus restreinte à Charleroi (décembre 2005). Le choix de ces différents lieux n’estpas le fait du hasard.
Crise et acquis
« L’objectif, explique Pierre Galand, était d’aller à la rencontre des acteurs de terrain, sur place, pas seulement ceux du logement social, mais l’ensemble qui intervient dansle domaine du logement. » Le constat de la crise du logement est à l’origine de cette démarche. Pour le sénateur, il ne s’agit pas de critiquer les réponsespolitiques déjà apportées mais d’en suggérer de nouvelles.
Parmi les avancées, Pierre Galand note pour Bruxelles, le Code du logement, le programme de rénovation du logement social, ainsi que la construction de 5.000 nouveaux logementspublics (70 % de logement social). En ce qui concerne la Wallonie, il cite le Programme exceptionnel d’investissement (PEI) visant à la sécurisation et à la salubrité duparc social locatif wallon : un milliard d’euros. Étalée sur cinq ans, cette opération concerne le tiers des logements sociaux, soit 35.874 logements. Le sénateur pointeégalement comme opérations gagnantes la reconversion d’immeubles à l’abandon en logements sociaux, tels la piscine de Broucheterre à Charleroi, l’Hôtel desCélibataires à Clabecq, un orphelinat et un couvent à Boussu, une école à Boussu-Bois…
La piste des fonds de pension
Pour Pierre Galand, il faut envisager la question du logement comme un levier de la relance économique et de l’emploi. « Il faut être ambitieux, souligne-t-il. Il s’agit defaire plus qu’un effort substantiel. Il est question de rénover 70.000 logements sur dix ans en Wallonie et à Bruxelles, soit 7.000 par an au lieu de 1.000 actuellement. »
Encore faut-il que les pouvoirs publics en aient les moyens. « Pourquoi ne pas faire appel aux fonds de pension ?, suggère Pierre Galand. Les fonds de pension des entreprises de droitbelge représentent un montant de 14 milliards d’euros. La crise boursière des années 2000 a poussé les asbl gestionnaires de ces fonds à étudier laperspective de sécuriser leurs revenus, quitte à accepter des rendements moins élevés. » Lors des différents colloques, des intervenants issus de ces milieuxont adhéré pleinement à cette proposition. Ce fut le cas d’Olivier Poswick, gestionnaire financier du fonds de pension Suez-Tractebel. Des représentants de banquesdéfendant l’éthique des placements soutiennent également cette idée. On citera pour mémoire Nicolas Lemaire, de la banque Ethias, ou encore Philippe Maystadt,président de la Banque européenne d’investissement. À ces 14 milliards du privé, on pourrait ajouter 1,4 milliard d’euros des fonds de pension publiques des communes, desprovinces, des intercommunales et d’autres entreprises liées aux régions.
Ensuite, l’idée consisterait à proposer aux Régions wallonne et bruxelloise « d’émettre une obligation achetée par des organismes financiers garantissantun rendement de l’ordre de 4,1 % brut, à indexer ou non selon des négociations qui devraient suivre. »
Avantages du système
Bien entendu, il faudra des garanties… que les Régions ne sont pas en mesure d’assurer. Qu’à cela ne tienne! Les pouvoirs publics peuvent très bien confier laréalisation des opérations de rénovation à des sociétés mixtes. En procédant ainsi, on évitera de grever les budgets régionaux.
De plus, l’émission d’une telle obligation permettrait de relever l’endettement des régions. Ces dernières bénéficieront de recettes par le biais de lafiscalité cadastrale, de la relance de la consommation, des recettes locatives ou encore « la vente d’appartements, à terme, à certains locataires ». Enfin,l’immobilier reste une garantie en soi.
Par ailleurs, il y a de cela 20 ans, le Bureau du Plan a déjà chiffré « l’impact sur l’emploi d’un investissement de deux millions [de francs belges ; soit 49.579 euros] dansla construction. La création induite de plus d’un emploi en était une des conclusions. Par ailleurs, le passage d’un chômeur à l’activité dans ce secteur induitlui-même une recette de l’ordre de plus d’un million (24.789 euros) pour l’État fédéral ». Cette recette globale additionne les coûts en moins (allocations) et lesrecettes en plus (cotisations sociales, TVA, impôt direct vu le relèvement de revenu de l’intéressé). Ces recettes pour le fédéral pourraient êtrepartagées de manière égale (50-50) entre ce pouvoir et la Région, estime Pierre Galand. Ce qui permettrait aussi de financer l’augmentation des primes à larénovation. D’autant que la rénovation engendre un taux d’emploi plus élevé que la construction.
Une opération financière blanche
Bref, il s’agirait pour ainsi dire « d’une opération financière blanche » pour les divers pouvoirs publics, qui déboucherait de surcroît sur lacréation de quelque 7.000 emplois par an… pendant dix ans ! Naturellement, il faudra mener en parallèle une politique d’assainissement en matière de travail au noir.
La balle est désormais dans le camp des décideurs. « À eux de s’emparer de cette proposition », insiste le sénateur. Avant d’ajouter : « On comprendraitmal que le « plan Marshall wallon » fasse fi de la question du logement qui induit des emplois directement locaux. »
1. Pierre Galand, Groupe PS, Maison des parlementaires, rue de Louvain 21 à 1000 Bruxelles – Tél. : 02/501 76 98 – pgaland@senators.senate.be
2. Espace citoyen, rue du Midi 162 à 1000 Bruxelles – tél. : 02/503 35 80 – beauvois.rp@belgacom.net