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Regard critique · Justice sociale

Migrations

Qui a peur d'une politique migratoire ?

Le Centre pour l’égalité des chances publie son troisième rapport sur les migrations et plaide pour une politique migratoire au-delà de la gestion des urgences.

23-05-2010 Alter Échos n° 295

Le Centre pour l’égalité des chances publie son troisième rapport sur les migrations. Il plaide pour une politique migratoire au-delà de la gestion des urgences.

Ceci n’est pas une politique migratoire. Le titre du dernier rapport sur les migrations du Centre pour l’égalité des chances1 annonce d’emblée la couleur ! Ces deuxcents pages bien achalandées en chiffres et analyses se bornent toujours au même constat : l’action politique se limite à une gestion des « stocks »,là où il faudrait une vision globale des flux migratoires dans le temps et dans l’espace.

Alors que 2008 a vu se succéder les frustrations, 2009 a connu quelques avancées en termes de politique migratoire. À l’automne, la régul’ tant attendue par lessans-papiers et leurs défenseurs a enfin eu lieu. Mais « la migration continue à figurer comme un enjeu sur lequel on ne se penche que contraint et forcé »,critiquent les auteurs du rapport. Sans-papiers, mariages blancs, les politiques se concentrent sur les questions qui marquent l’opinion publique et les médias. Et en négligent tantd’autres.

Migrations en chiffres

« La politique migratoire doit reposer sur les chiffres les plus fiables possible », insistent les auteurs qui invitent à un débat dépassionné,sans populisme, ni angélisme. Des chiffres intéressants, ça tombe bien, le rapport n’en manque pas.

Premier constat, avec l’élargissement de l’Union, l’immigration est plus européenne que jamais. Sur les 93 345 étrangers enregistrés en 2007, 58 025 viennentdes 27 États membres. La communauté polonaise, en particulier, s’est considérablement agrandie. Avec 9 329 nouveaux arrivants en 2007, elle devient la troisièmenationalité d’immigrants en Belgique à la place des Marocains. Les deux premières nationalités restent toutefois les Français et les Néerlandais quireprésentent respectivement 13 % et 12 % des immigrants en 2007.

Parmi les demandeurs d’asile, les Tchétchènes, les Serbes, les Irakiens, les Ghanéens et les Rwandais sont les plus représentés. Mais il convient de lesouligner, les procédures d’asile ne concernent que 10 % de l’immigration légale. Cette tendance se confirme au niveau mondial. Selon un rapport du Pnud publié en 2009, troisquarts des 214 millions de migrants dans le monde partent librement vers des pays plus « développés ». Avant les conflits, ce sont surtout lesinégalités sociales et économiques qui provoquent les migrations.

Enfin, le rapport nous rappelle que, chaque année, 40 000 Belges partent vivre à l’étranger. Preuve qu’on est toujours l’immigrant de quelqu’un !

Cesser de faire l’autruche

Regroupement familial, mobilité européenne, augmentation des demandes d’asile, depuis le milieu des années ’80, on assiste pour plusieurs raisons à une augmentation desmigrations vers la Belgique. Rien n’indique que la tendance ne s’inversera dans les prochaines années. Une raison de plus, s’il en fallait encore, de mettre en place une politique digne de cenom.

La question de la migration économique a été gelée par la crise. « Pendant longtemps, les États d’accueil ont cru pouvoir trier les flux de migrantsen distinguant ceux qui avaient un droit fondamental à migrer en raison de la mise en danger de leur vie (…) et les profiteurs ne migrant « que » pour des motifs bassementéconomiques », pointe le texte, ironique entre les lignes. Quand l’économie reprendra dans notre Europe vieillissante, il faudra bien envisager d’ouvrir nosfrontières. « La définition d’une politique migratoire implique d’oser le débat dans une matière où ce que préconisent les experts est justementce que craint l’opinion », insiste Édouard Delruelle, directeur adjoint du Centre. Par ailleurs, souligne le rapport, les migrants doivent rentrer dans une série de casesprédéfinies (protection internationale, regroupement familial, études) alors qu’on migre rarement pour une seule raison. Notons ainsi que, début mai, le Ciréorganisait un débat pour attirer l’attention sur la question des réfugiés climatiques.

Familles et migrations

Dans son rapport, le Centre pointe 38 recommandations. Certaines concernent le droit de vivre en famille. Familles et migrations, c’est aussi le thème sur lequel la Coface2(confédération des organisations de familles dans l’UE) veut attirer l’attention. À l’occasion de la présidence belge, elle organise les 14 et 15 octobre au Palaisd’Egmont, une grande conférence sur l’inclusion sociale des familles, et appelle à renforcer le soutien aux parents migrants dans le cadre de l’éducationscolaire.

1. Centre pour l’égalité des chances :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 00
– courriel : epost@cntr.be
– télécharger le rapport : www.diversite.be/?action=publicatie_detail&id=117
2. Coface :
– site : www.coface-eu.org

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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