À la suite du blocage du 19 juillet, le gouvernement a revu et corrigé le projet de réforme du minimex qu’il dépose devant le Parlement. Selon la Ligue des droitsde l’homme (LDH), le nouveau texte a certes changé de vocabulaire mais pas de philosophie : «Sous couvert d' »activer » les passifs qui encombrent notre société et de »responsabiliser » par plus d’obligations ceux dont on considère qu’ils ont trop de droits, l’État social actif appliqué traîne trop souvent avec lui un cortège deviolations des droits fondamentaux. Ici encore, ce sont le droit à la vie privée, le droit au travail librement choisi et ultimement le droit à mener une vie conforme à ladignité humaine qui font les frais de cette nouvelle idéologie sociale. On passe d’une conception des droits fondamentaux garantis comme inhérents à la personne humaine(droits reconnus comme tels par des pactes, conventions et traités internationaux qui obligent les États parties, dont la Belgique) à une conception méritocrate etcaritative du droit conféré, mérité; conception qui s’accompagne de son cortège de contrôles, illustrant une fois de plus, si nécessaire, lavolonté de mettre la précarité sous surveillance». La LDH a donc élaboré une contre-proposition : «Pour redonner au texte du ministre cetéquilibre essentiel qui lui manque dans sa version actuelle, outre les corrections qu’imposent les critiques fondamentales déjà soulevées, la Ligue des droits de l’hommepropose d’apporter l’amendement suivant à l’article premier du projet afin qu’il consacre « le droit pour toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes et n’est pas en mesure dese les procurer par ses efforts personnels, à un revenu de participation sociale. Le revenu institué par la présente loi est la condition de la participation sociale. Laparticipation sociale peut consister en un engagement de la personne dans un emploi convenable, de qualité et qui ouvre le droit à une couverture complète desécurité sociale. Elle peut, le cas échéant, consister en une formation ou en toute autre activité sociale qui ne contrevient pas à l’ordre public et auxbonnes mœurs. Le libre choix de l’intéressé devant être respecté en toutes circonstances, la participation sociale ne conditionne pas l’octroi du revenu departicipation sociale ».»
Droits pour tous et Écolo continuent la fronde
La LDH et la cohorte d’associations qui contestent cette réforme ont été reçues mais guère entendues, à leur grand dam! La plate-forme «Droitspour tous» qui regroupe la contestation poursuit son action de mobilisation contre le projet de loi, pour l’instant au Conseil d’État et qui doit encore êtredébattu au Parlement.
Écolo, pourtant au gouvernement, s’est associé au panel des contestataires du projet désormais conjoint Vande Lanotte-Onkelinx et «approuve le fait que plusieurspoints du projet de loi soient ouverts à une seconde lecture, qu’une concertation coordonnéeýpar le Centre pour l’égalité des chances sera mise en place et que letravail parlementaire, saisi du résultat de cette concertation, permettra des amendements, les écologistes restent insatisfaits du projet tel que transmis au Conseild’État». Écolo s’indigne d’abord du renvoi à la table ronde de la seconde augmentation (6%) de l’allocation sociale et ensuite du maintien, dans le texte issu de lanégociation en gouvernement, de conditions à l’octroi d’un revenu minimum d’existence, alors que l’inconditionnalité de ce revenu constituait une des plus grandes avancéesde la loi du minimex de 1974 et enfin du refus d’inscrire clairement dans la loi la notion « d’emploi convenable » alors même que les personnes sans emploi se voient reconnaître le droit den’accepter un emploi qu’à condition qu’il soit convenable.
Pour les associations, les principales critiques du projet demeurent :
> la conditionnalité du revenu d’intégration sociale à l’engagement des personnes, particulièrement les moins de 25 ans, de tout mettre en œuvre pourêtre mis au travail rapidement, voire d’y être contraint par le CPAS.
> L’abolition du droit résiduaire à un revenu pour vivre dans la dignité.
> Les atteintes à la liberté de choix des bénéficiaires, qui est une continuité de la réforme précédente menée par L. Onkelinx alors,datant de 1993.
> La contractualisation (héritée aussi de 1993) du rapport entre le bénéficiaire et le CPAS comme si les deux parties étaient à égalité.Même le contrat de travail entre employeur et travailleur ne recèle pas cette vision égalitariste et indique clairement que la relation nouée est une relation de«subordination».
> Le contrat d’intégration présuppose que le bénéficiaire est le seul responsable de sa situation et des moyens de la changer. Quid des employeurs qui refusentd’embaucher des minimexés?
> Le refus de liaison des allocations au bien-être. Prévue dans la loi de 74, l’indexation du minimex n’a jamais été mise en œuvre!
> üe projet de loi supprime le taux ménage (équivalent à deux fois le taux cohabitant) pour le remplacer par le taux cohabitant pour chacun des deux conjoints.Financièrement parlant pour les couples, l’opération sera «blanche». Il est toutefois à craindre que cette mesure soit plus restrictive que positive. En effet,des personnes ouvrent actuellement le droit au taux chef de ménage parce qu’elles sont mariées avec une personne qui n’est pas dans les conditions d’âge ou denationalité pour bénéficier du minimex. Avec la suppression de la catégorie « conjoint(e)s », le couple se verra dorénavant octroyer un seul taux cohabitant, ce quin’est pas le cas actuellement.
> Le minimex est entièrement saisissable pour arriérés de pension alimentaire non payée. Raison de plus pour donner aux bénéficiaires du revenu minimum lapossibilité de respecter leurs obligations alimentaires.
> Le projet de loi n’apporte aucune amélioration sur la question de la cohabitation. Au contraire, la notion de cohabitation risque même d’être étendue :«Il faut entendre par cohabitation le fait que des personnes vivent sous le même toit et règlent principalement en commun les questions ménagères». Cettedéfinition élaborée par la Cour de cassation a permis les contrôles abusifs des chômeurs par l’ONEM. Les violations de la vie privée desbénéficiaires de minimex sont donc loin d’être finies!
> Les nouvelles dispositions accentueront le recours aux débiteurs alimentaires.
> L’information du bénéficiaire de manière générale et son droit d’être entendu sur la décision du CPAS qui est pris à sonendroit laissent à désirer gravement dans la nouvelle mouture.
> Le projet de loi apporte de nouvelles modifications dans le financement
des CPAS. Une des plus importantes concerne le remboursement de l’aide accordée aux étudiants.À quel prix? Une obligation accrue pour l’étudiant de réclamer une pension alimentaire, la désignation comme CPAS compétent d’un CPAS distinct de celuide la commune de résidence effective. Le plan de répartition des demandeurs d’asile a apporté à ces derniers beaucoup de désagréments, sinon dedénis de droits. Les étudiants risquent d’être confrontés à la même réalité, et d’autres catégories de population aprèseux.
1 Sources : Contribution au débat, analyse du projet de loi Vande Lanotte par Bernadette Schaeck (syndicaliste et assistante sociale de CPAS à Liège) e-mail : mouchi@swing.be,cabinet Vande Lanotte online : http://www.begroting.be/f/defaultf.htm, parti ÉCOLO : http://www.ecolo.be/, LDH : http://www.liguedh.org/home2.htm
Archives
"Projet de loi sur le revenu d'intégration : la contestation continue"
Agence Alter
08-10-2001
Alter Échos n° 106
Agence Alter
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