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Regard critique · Justice sociale

Logement

Premium, la tour de luxe qui divise

Malgré les vives protestations d’Inter-environnement Bruxelles (IEB), Atenor est à deux doigts d’obtenir un permis pour construire la plus haute tour de logements de Bruxelles sur lesite de Tour et Taxis.

27-04-2010 Alter Échos n° 293

Malgré les vives protestations d’Inter-environnement Bruxelles (IEB)1, Atenor2 devrait obtenir son permis pour construire la plus haute tour de logements de Bruxellessur le site de Tour et Taxis. Dynamisation du quartier portuaire pour les uns, ghetto de riches pour les autres, le débat ne manque pas de piment.

Un nouveau gratte-ciel devrait chatouiller l’horizon bruxellois d’ici 2013. Baptisé Premium, le projet immobilier d’Atenor prévoit, outre la construction de villas, commerces etbureaux sur les rives du canal, l’édification d’une tour de 140 mètres. Au total, presque 30 000 m2. de bureaux et 50 000 m2. de logements sortiront deterre avec, à la clef, de plantureuses rentrées pour la ville et la région.

Après une enquête publique ayant soulevé peu de débats au niveau du quartier, le projet a passé le cap de la commission de concertation début mars. IEBgrince des dents. Ce projet ne serait ni aussi vert, ni aussi ouvert qu’il le prétend. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de la Région bruxelloise. Si son représentant rendun avis positif, le permis sera accordé. À moins qu’un recours ne soit introduit… IEB n’a pas répondu à la question de savoir si, le cas échéant, il iraitjusque-là.

Tour d’ivoire

Conciergerie VIP, piscine, salle de ciné privée, ces nouveaux logements ne ciblent pas vraiment les habitants de cet ancien quartier industriel. Pas du genre à mâcherses mots, le secrétaire général d’IEB, Mathieu Sonck, compare la tour à une gated community verticale. Ce terme, que l’on pourrait traduire par« communautés clôturées », désigne des quartiers sécurisés pour nantis. Un phénomène américain à l’origine,mais qui tend à se répandre. « La communication d’Atenor, qui met en avant luxe et sécurité, ne laisse aucun doute », juge Mathieu Sonck.

Atenor prend la remarque de haut. « Quand on pose un geste architectural fort, forcément, il y a toujours quelqu’un pour critiquer ! Oui, on réfléchit àla sécurité. Le restaurant et la terrasse panoramique seront ouverts au public, personne n’a envie que les habitants se fassent « visiter ». Mais c’est pas le Fort Knox ! Plus il y aurade monde en rue, moins il y aura d’insécurité. C’est pourquoi on défend la dynamisation du quartier », jure Sandrine Jacobs, chargée de communication dupromoteur immobilier. Quant à la mixité sociale, Atenor entend y parvenir en mélangeant bureaux, commerces et logements. « La mixité fonctionnelleentraînera forcément la mixité sociale », prédit Sandrine Jacobs.

Tour verte ou greenwashing ?

Autre pierre achoppement, le caractère écologique du projet. Panneaux solaires, toiture végétale, utilisation des capacités thermiques du canal… Pour Atenor,on ne pourrait être plus vert. Mais IEB voit rouge. L’étude d’incidence annonce une performance globale de 5 500 MWh/an. « Un chiffre qui ne veut rien dires’il n’est ramené à une consommation au m2.. Si on divise par la surface totale on obtient 68 kWh/m2./an, soit quatre fois plus que le standard passifqui sera imposé à tout nouveau bâtiment à partir de 2015 », critique Mathieu Sonck. Sans parler des 700 places de parking et des vortex, ces ventstourbillonnants qui balayent les pieds des tours.

Mécène de plusieurs projets associatifs, Atenor soigne son image d’entreprise environnementalement et socialement responsable. « Atenor redonne du sens à la ville», peut-on lire sur son site. « C’est du greenwashing. Atenor ne s’intéresse pas à rendre service à la société, mais au profit. Cettesociété n’a aucun intérêt dans le long terme puisqu’elle fait ses bénéfices en faisant de la vente sur plan », s’offusque Mathieu Sonck. ChezAtenor, on réplique aussitôt. « Ce n’est pas vrai pour ce projet-ci. On aurait pu ouvrir la commercialisation il y a un an si on voulait. »

À moyen terme, le projet Premium pose aussi la question des choix politiques en matière d’urbanisme. Inter-environnement craint que ce colosse ne légitime la constructiond’autres tours à Bruxelles. Deux projets de tours sont d’ailleurs à l’étude, Porte de Ninove et place Sainctlette. Défendant l’idée que les tours sont plusécologiques, car plus compactes, les promoteurs immobiliers font du lobbying dans ce sens. « L’argument écologique est fallacieux, les tours sont plus exposées aufroid et au vent, il faut plus d’énergie pour faire monter les liquides en haut », réplique Mathieu Sonck, pour qui l’enjeu est purement financier. Seule certitude dans cedébat, les points de vue ne sont pas prêts à s’accorder.

1. Inter-environnement Bruxelles (IEB) :
– adresse : rue d’Édimbourg, 26 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 893 09 09
– courriel : info@ieb.be
– site : http://www.ieb.be
2. Atenor Group :
– adresse : av. Reine Astrid, 92 à 1310 La Hulpe
– tél. : 02 387 22 99
– site : www.atenor.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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