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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Paul Furlan : « Il ne faut pas déshumaniser le politique »

Dans la foulée du numéro spécial « Communes », le ministre wallon en charge des pouvoirs locaux, Paul Furlan, répond à nos questions sur les enjeux sociaux et participatifs au niveau communal.

08-06-2012 Alter Échos n° 340

Dans la foulée du numéro spécial « Communes », le ministre wallon des Pouvoirs locaux et de la Ville1 répond à nos questions sur les enjeux sociaux et participatifs au niveau communal.

Alter Echos : Pour commencer par une question un peu iconoclaste, quel est le rôle social des communes à part pallier les politiques fédérales qui se détricotent et être la courroie de transmission de toutes les politiques régionales (PCS, etc.) ? Que fait la Région pour que les communes puissent réinjecter du lien social et de la solidarité de proximité ?

Paul Furlan (PS) : Par leur lien de proximité, les communes ont un rôle social essentiel à jouer et elles l’assument. Le budget qui est consacré au social dans l’ensemble des communes wallonnes est directement soumis aux choix politiques que les exécutifs communaux prennent. De tout temps, les communes se sont intéressées à la cohésion sociale. Historiquement, elles sont à la base de la cohésion sociale. Les caisses locales sont le système précurseur de la Sécurité sociale. Les communes ont un rôle de laboratoire. Ce ne sont pas simplement des exécutants des politiques sociales. C’est une bonne chose que des politiques sociales d’autres pouvoirs soient appliquées au niveau des communes, car les problèmes sont différents, qu’il s’agisse d’une ville ou d’un village, d’une commune riche ou pauvre. Mais je ne suis pas le seul ministre qui intervient… La commune a un rôle moteur pour créer des outils sociaux et en coordonne d’autres. Le monde associatif a apporté des choses. La commune agit en concertation.

AE : En ce qui concerne le social toujours, est-ce que des communes font cavalier seul ? Quid des communes qui ne jouent pas le jeu ? Faut-il les sanctionner – comme il est prévu de le faire pour celles qui ne créent pas de logement social – ou doit-on juste accepter que le pouvoir d’ingérence régional soit limité par rapport à l’autonomie communale ?

PF : L’autonomie communale est un élément essentiel et il est important de pouvoir respecter ce principe. Mais force est de constater que certaines communes confondent autonomie communale et égoïsme communal. Des moyens existent qui permettent à la Région de sanctionner les communes qui ne jouent pas le jeu. Les communes qui n’ont pas 10 % de logements sociaux percevront moins de moyens de la part du Fonds des communes. La décision a été prise à force d’être confrontés à des communes qui ne voulaient pas contribuer à la solidarité et donc, attiraient les revenus plus élevés et rejetaient les plus pauvres ailleurs. On pourrait dire la même chose en termes de développement économique : certaines communes créent des zonings pour entreprises et contribuent à la hausse de l’emploi tout en créant des insatisfactions (réflexe Nimby), tandis que d’autres communes s’y refusent. C’est au gouvernement de rétablir l’équilibre et de faire respecter l’intérêt général qui n’est pas la somme des intérêts particuliers.

AE : Le social et la participation sont-ils fort présents dans les enjeux préélectoraux (programmes, négociations, etc.) ? Ou ce sont d’autres questions qui occupent le devant de la scène (sécurité, aménagement, etc.) ?

PF : Le social et la participation citoyenne sont effectivement plus que jamais au cœur du débat politique en vue des élections communales et provinciales du 14 octobre prochain. Exercer un mandat au niveau local est passionnant car c’est être en contact direct avec le citoyen, c’est l’endroit où les résultats de l’action politique sont les plus directement visibles et c’est surtout là où très concrètement nous pouvons améliorer le quotidien de tous les habitants.

AE : Est-ce que les communes doivent sortir de leur territoire pour mener certains projets infrarégionaux ? Comment la province ou la Région prennent-elles le relais ?

PF : De façon spontanée, naturelle, les communes sortent de leurs limites administratives pour mener des projets en s’associant à d’autres communes sur un territoire pertinent, dans un souci de synergie et d’efficacité, à l’échelle d’un bassin de vie par exemple. Les exemples en sont de plus en plus nombreux : voyez Wallonie Picarde, Cœur du Hainaut, la Communauté urbaine du Centre, Prospect 15, Pays de Famenne ou bien encore la Coordination provinciale de Liège des Pouvoirs locaux. Ces projets se mènent à une échelle supracommunale pour mieux rencontrer les besoins des citoyens, en décloisonnant les politiques sectorielles, en créant des espaces de coordination des enjeux dépassant les limites communales. Il va de soi que la Région et la Province sont des interlocuteurs et des partenaires dans la mise en œuvre de ces démarches. Pour faire face aux demandes d’usagers qui sont spécifiques au territoire, il n’est pas rare non plus que des CPAS s’associent pour tenter d’y apporter les meilleures solutions.

AE : Est-ce que tous les programmes associatifs et/ou labels (Amnesty, Communes équitables, Ca passe par ma commune, Handicity, Ville en transition) sont des ressources pour avancer, ou des contraintes en plus ? Comment faire pour qu’il s’agisse plutôt de ressources ? Vous avez l’impression que ces associations connaissent le mode de fonctionnement particulier des communes, ou bien reste-t-on encore fort dans un modèle de confrontation ?

PF : Cela évolue dans le temps et dans l’espace. Les deux modes de fonctionnement existent. Cela dépend aussi des communes, si elles sont à l’écoute. Il y a 262 communes en Wallonie et donc, 262 cas particuliers. L’associatif local peut avoir plus ou moins d’influence. En général, il est écouté.

AE : Dans le même esprit, en ce qui concerne la promotion de la participation des citoyens aux décisions communales (budgets participatifs, conseils communaux des jeunes, conseils consultatifs des aînés) : comment fait-on pour que ce soient de réelles ressources pour les décideurs locaux, et pas des « trucs » en plus, des gadgets ? Est-ce que la participation est réelle ?

PF : A partir du moment où des communes se lancent dans des projets participatifs, cela nécessite du temps et des moyens, surtout humains. Ces démarches doivent faire l’objet d’une volonté politique forte, d’un encadrement au sein de l’administration communale, et constituer une réelle plus-value et une aide à la prise de décision. Ce ne sont certainement pas des gadgets, de là à dire que la participation est réelle, je répondrais que cela dépend : c’est au cas par cas qu’il faut se poser la question. Le décret concernant la participation citoyenne prévoit plusieurs mesures pour l’encadrer (voir [i]Alter Echos[/i] n° 337-338 du 15 mai 2012 : « [url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=337&l=1&d=i&art_id=22378]Une démocratie plus participative[/url] »). Aujourd’hui, le citoyen ne se contente plus d’aller exprimer son opinion tous les six ans. Il veut participer de plus en plus à la prise décision. Mais le taux de fréquentation des projets participatifs reste faible. Cela pose la question de comment l’élu organise le contact avec le citoyen. Jusqu’où va l’action d’écouter et de répondre aux besoins des citoyens et où commence ce que l’on va considérer comme du clientélisme ? Les permanences citoyennes ont un rôle pédagogique, car elles permettent de sensibiliser les administrations à l’écoute. Mais est-ce du clientélisme ou de l’écoute ? La frontière est ténue. La réponse dépend d’une morale personnelle.

1. Cabinet du ministre des Pouvoirs locaux, de la Ville et du Tourisme :
– adresse : rue Moulin de Meuse, 4 à 5000 Beez
– tél.: 081 23 47 11
– site: http://www.furlan.wallonie.be

Baudouin Massart

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