EMA. Éveiller le changement chez les jeunes en conflit avec la loi

EMA. Éveiller le changement chez les jeunes en conflit avec la loi

Petite enfance / Jeunesse

EMA. Éveiller le changement chez les jeunes en conflit avec la loi

Pendant trois, six, neuf mois, parfois douze, ils accompagnent, au sein de leur famille, des jeunes ayant commis des «faits qualifiés infractions» (FQI). Ils, ce sont les accompagnants éducatifs des EMA – pour «équipes mobiles d’accompagnement». Sur mandat d’un juge de la jeunesse, ils s’efforcent d’impulser une dynamique de changement chez ces jeunes, mais aussi d’agir sur leur contexte de vie en mettant quelques gouttes d’huile dans des rouages familiaux souvent grippés.

Marinette Mormont Images : Marine Coutroutsios 18-05-2022
De l’enfermement à l’accompagnement en famille

Honoré Dolmen se réveille tous les jours avec la banane. Est-ce son tempérament qui le porte à voir la vie en rose ou sa bonne étoile qui l’a guidé vers le boulot de ses rêves, toujours est-il qu’il se dit «franchement passionné». Après avoir accompagné pendant huit ans des mineurs en danger ou en conflit avec la loi dans le cadre d’un COE (centre d’orientation éducative, aujourd’hui service d’accompagnement psycho-socio-éducatif [SAPSE]), il change d’emploi pour travailler dans ce qui allait devenir, un an plus tard, l’une des EMA de Bruxelles. «J’ai toujours eu une préférence pour le travail avec les ados en conflit avec la loi. Pour moi ce sont aussi des (ex-)mineurs en danger», résume-t-il. Ici, au sein de l’EMA, il peut aussi travailler «plus en profondeur» – il n’a «que» quatre jeunes à suivre en même temps – et de manière «plus autonome». «On a la possibilité, en fonction de nos aspirations, de nos connaissances et de nos compétences, de mettre sur le terrain ce dont on a envie. Ça m’a vraiment attiré.»

Tout comme Honoré, Julien Roebart, Valéry Dufour et Laura Cornet sont des professionnels résolument engagés. Au sein de l’EMA Bruxelles 1 (la capitale en compte trois) – pour les deux premiers –, de Mons-Tournai – pour les seconds –, ils apportent un suivi intensif à des jeunes à partir de 12 ans ayant commis des «faits qualifiés infractions» (FQI), sur mandat d’un juge de la jeunesse, alors qu’ils sortent tout juste d’une IPPJ ou justement pour leur éviter d’y entrer.

Au quotidien, ces accompagnants éducatifs jonglent avec les déboires et petites victoires de ces jeunes, avec leurs environnements familiaux, certes diversifiés, mais où se sont souvent noués des interactions en souffrance sinon de réels dysfonctionnements, ainsi qu’avec le tribunal de la jeunesse et les conditions qu’il a émises dans le cadre d’«une mesure d’intervention éducative dans son milieu de vie».

Au départ de l’intervention du tribunal, il y a un fait. Un fait «qualifié infraction» (FQI). De nature diverse, ces FQI entraînent des milliers de jeunes dans un face-à-face tendu avec la justice pour mineurs. Rien que pour 2020, on comptait 43.344 jeunes mis en cause dans les 70.000 nouvelles affaires entrées au cours de l’année au ministère public en Belgique (à l’exception du parquet d’Eupen)1. Toujours pour la même année, mais en Fédération Wallonie-Bruxelles cette fois, 1.693 jeunes dits «FQI» ont été pris en charge au moins un jour par les services publics – en gros, une IPPJ ou une EMA –, dont 522 par un service d’équipe mobile en milieu de vie. Un chiffre légèrement inférieur à 2018 et 2019 (années pour lesquelles on comptait entre 600 et 700 suivis), la pandémie ayant probablement entravé le travail des équipes au sein des familles2.

Face à des faits graves ou avec un risque de récidive élevé, l’IPPJ s’est révélée, des années durant, la réponse par excellence. Réaction «forte» vis-à-vis du jeune, «rassurante» pour l’opinion publique, cette institution – en régime ouvert ou fermé – entend protéger la société tout en proposant un axe éducatif visant la réinsertion sociale. Avec une grande limite: une fois la porte de sortie franchie, le jeune réintègre son milieu de vie au risque que le même refrain se répète obstinément, qu’il se joue et se rejoue jusqu’à l’âge de la majorité – et là, c’est une autre affaire.

Pour casser la spirale (souvent) infernale, il fallait donc agir sur ce milieu de vie. En 2002, les API – services d’accompagnement post-institutionnel – sont généralisés avec l’ambition de soutenir le jeune dans sa réinsertion dans la société après un séjour en IPPJ. En 2011, on crée les SAMIO – sections d’accompagnement, de mobilisation intensifs et d’observation –, qui se présentent comme une alternative à l’IPPJ et dont la mission consiste à accompagner le jeune dans l’exécution des mesures prises par le juge de la jeunesse. Quelques années plus tard, en 2019 – le «Code Madrane» est passé par là –, les deux services fusionnent et prennent l’appellation d’EMA, pour équipes mobiles d’accompagnement.

«Je crois réellement en cet outil, témoigne Johan Dessart, coordinateur de l’EMA de Bruxelles 1, qui a été éducateur en IPPJ puis à la SAMIO de Mons. En IPPJ, on était focus sur le jeune et pas sur son environnement extérieur. Dans ma pratique, cela me manquait très fort. Être au plus près du jeune et de son contexte de vie, cela permet de savoir poser un jeune face à qui il est vraiment, face à son identité.»

Sur papier, les objectifs des EMA consistent à amener le jeune à réfléchir au sens et aux impacts de ses faits, l’aider à satisfaire aux exigences fixées par le juge de la jeunesse, favoriser «l’émergence de conduites pro-sociales» ou encore «permettre au jeune d’acquérir une meilleure image de lui-même» en lui apportant du soutien pour «mobiliser ses ressources». Bref, un subtil mélange entre recadrage et émancipation, entre prévention de la récidive et valorisation du jeune dans ses projets de vie.

Dans la pratique, «il n’y a pas vraiment d’objectif de travail, explicite Valéry Dufour, de l’EMA de Mons-Tournai. L’objectif appartient au jeune, à ce qu’il veut faire de sa vie. On part de ce qu’il a envie d’être, comment il entrevoit son futur, et on est là pour le soutenir dans ses démarches». En d’autres termes, le but est que cet ado puisse devenir acteur de sa vie et responsable de ses choix. Et pour cela, pas de chemin tout tracé. «Les réponses, elles sont en eux, pas en nous. En général, ils savent très bien où ils en sont. La transgression est juste un symbole. Nous essayons d’amorcer une réflexion sur ‘comment faire autrement’. Nous sommes une boîte à outils», précise Marc Rombaux, coordinateur de l’EMA de Mons-Tournai.

Le fait ne fait pas le jeune

Si l’on s’en réfère aux données de l’année 2019 concernant les jeunes suivis en EMA, une grosse trentaine de pour cent des FQI commis sont des faits «stupéfiants», 26% des «atteintes aux biens», 12% des «atteintes aux personnes», 9,5% des vols avec violences ou menaces, 7% sont des atteintes sexuelles et moins de 1% des homicides ou des tentatives3. Avec, au sein de ces chiffres, des différences régionales importantes, qui peuvent être attribuées aux politiques des parquets – 46% de faits pour stupéfiants dans l’arrondissement de Luxembourg contre 25,5% à Liège-Verviers par exemple – mais aussi à des phénomènes régionaux. «Le phénomène des bandes urbaines est une ‘spécialité’ de Bruxelles. Il y a aussi ici une délinquance assez localisée, dans le quartier, même si de plus en plus de jeunes vont aussi commettre leurs faits en dehors de la ville», illustrent Johan Dessart et Julien Roebart (EMA Bruxelles 1).

Mais le fait n’est en réalité ni vraiment le point de départ ni vraiment le cœur de l’affaire. Il y a souvent dans ces épisodes quelque chose qui nous fait remonter le cours des vies. Un dossier n’est pas l’autre, mais certains ingrédients reviennent souvent, décrypte Laura Cornet, accompagnante pour l’EMA de Mons-Tournai: «Un dossier de mineur en danger. Une jeune fille placée en institution. Des jeunes qui vivent sans cadre, ‘parentifiés’, livrés à eux-mêmes. Mais il y a des ados issus de tous les milieux.» «Ce sont des ados lambda, insistent de leur côté Valéry Dufour et Marc Rombaux. Des ados, tout simplement.» Des garçons pour la plupart (91%, ce qui correspond à la prédominance de la proportion de garçons concernés par les décisions des parquets et des juges de la jeunesse), majoritairement de 16-17 ans (60% d’entre eux), souvent avec une problématique de décrochage scolaire (complet dans 28% des cas, plus léger dans 20%)4. Certains jeunes proviennent bien de milieux défavorisés – avec, parfois, une concentration de jeunes issus d’un même quartier, voire un frère qui succède à l’autre – mais pour d’autres, ce n’est pas du tout le cas – ici c’est le fils d’un père ambassadeur, là celui d’une mère juge. Et pour beaucoup, l’accompagnement en milieu de vie n’est pas la première mesure prise – dans 73,5% des prises en charge, les jeunes avaient été placés en IPPJ antérieurement.

«Dans le parcours de vie du jeune et de la famille, la délinquance est un moyen», soutient Valéry Dufour. Elle se révèle sinon un moyen d’expression, au moins une manière pour le jeune de montrer qu’il est là, en difficulté. Elle témoigne d’un mal-être qui s’impose à lui, voire d’un système familial défaillant. «Ces jeunes sont parfois tellement mal dans leur vie qu’ils commettent parfois une infraction pour retourner en IPPJ où le cadre est plus sécurisé», analyse Laura Cornet, qui a travaillé pendant un an à l’IPPJ de Braine-le-Château avant de rejoindre la SAMIO de Mons. «Je leur rappelle toujours qu’ils n’ont pas une étiquette de ‘délinquant’ collée sur leur front. Mais c’est vrai qu’il y en a aussi, parmi eux, qui entretiennent cette image et la banalisent. Pour ces derniers, l’IPPJ est un camp de vacances…»

Malgré des situations «chaudes», «coriaces», globalement, ces jeunes sont surtout «en perdition», «en mode survie». «De vrais méchants, il y en a très peu, commente Marc Rombaux. Les gens font quand même rarement les choses par hasard. Et ce qu’ils font n’est pas toujours de leur responsabilité exclusive. On parle d’ailleurs rarement de la délinquance des parents. Finalement, je ne trouve pas que ces jeunes délinquent tant que ça…»

Alors, pour susciter l’étincelle du changement dans ce qui a contribué au dérapage, c’est tout le contexte de vie du jeune qui doit être intégré dans l’accompagnement. Avec, au premier rang des difficultés à démêler: des problématiques de comportement, de scolarité ou d’assuétudes, mais aussi les difficultés des parents à assurer leur rôle parental ou leurs propres problèmes personnels5.

Le triptyque «ados, justice, familles»

Gardienne de la loi, la justice a pour priorité la cessation de l’infraction et sa sanction. Pour un jeune qu’elle ne connaît pas encore, elle peut demander à l’EMA de réaliser une mission «d’investigation et d’observation». Une «enquête» en quelque sorte, d’une durée de trois semaines, dans le milieu de vie du jeune, menée par un psychologue, qui a pour tâche de remettre au magistrat une photographie de la situation: il y analyse les problématiques et risques de récidive, les «facteurs de réceptivité au changement», les ressources du jeune et de sa famille. L’enjeu? Évaluer si une intervention en milieu de vie est envisageable et souhaitable. Pour un jeune déjà connu, deux voies sont possibles: un séjour en IPPJ ou une intervention éducative en milieu de vie, assortie de conditions diverses – allant d’un couvre-feu à l’interdiction de la consommation de produits stupéfiants ou de certaines fréquentations, en passant par une reprise de la scolarité ou l’insertion dans un projet extrascolaire. Des conditions qui forment un cadre, un fil rouge, mais aussi une fameuse contrainte pour le jeune, sa famille et les intervenants éducatifs.

«On réfléchit avec eux à trouver du sens à tout cela. Comment répondre aux demandes du magistrat, amener un dialogue entre le jeune et le magistrat, éventuellement aménager les conditions? Dans certaines familles, cela peut aller très vite. C’est ‘action réaction’. D’autres savent ce qu’elles devraient mettre en place, mais ont besoin de temps. Il y a parfois des bénéfices secondaires à une situation… Parfois le changement se fait deux ans après l’intervention…», explique Marc Rombaux. Une chose est sûre, pour les intervenants des EMA, pas question de jouer aux gendarmes. «Notre rôle est plutôt de les faire réfléchir à comment se sentir en confort avec les attentes de la société, à partir de leurs propres valeurs, leur fonctionnement, ce qui leur a été transmis», clarifie Johan Dessart, qui insiste aussi sur le droit à l’échec dans leur parcours.

Pourquoi en est-on arrivé là? Comment construire un projet constructif? Les réponses à ces questions incombent au jeune, qui sera suivi de manière intensive. Minimum une fois par semaine, parfois trois ou quatre fois, durant trois mois renouvelables trois fois, l’intervenant référent s’entretient avec l’ado, ses parents, ensemble ou séparément.

«Certaines familles ne comprennent pas du tout pourquoi on est là. Ils nous associent uniquement au respect des conditions. Ils nous disent que tout va bien. Il faut se montrer tenace. Parce que si le jeune ne veut rien, ça devient compliqué pour lui. Et aussi pour moi… témoigne Laura Cornet. Dans d’autres cas, on fait vraiment partie des meubles. Parfois on est appelé plusieurs fois tous les jours. On doit donc aussi mettre nos limites.»

Parfois ressentie comme intrusive, cette intégration dans la vie de la famille peut aussi s’ériger en véritable mur soutien d’une maison fissurée. «Je fais partie de la famille», avance Julien Roebart, même s’il précise que cette posture est bien sûr limitée au temps de son intervention. Éducateur spécialisé de formation, travailleur de la SAMIO puis de l’EMA de Bruxelles depuis six ans et demi, il insiste sur l’importance de ce moment d’accroche avec la famille. «Les premiers mots sont importants, le non-verbal aussi», abonde son collègue Honoré Dolmen. Transparence, confiance, adaptation sont les clefs de voûte du travail éducatif de ces intervenants. «Je n’arrive pas dans la famille comme un expert, mais comme une personne qui se situe à la même hauteur que les membres de la famille.»

Pour avancer ensemble vers le changement, il faut démêler les attentes et les besoins, décoder les perceptions, émotions et croyances. Respecter les rythmes de chacun. Tisser un réseau, aussi. S’adapter, toujours. Car les journées se suivent, mais ne se ressemblent pas. La démarche éducative ne se satisfait ni de recettes toutes faites ni d’une durée type – bien que celle-ci soit limitée à 12 mois. La créativité est son maître mot et les intervisions entre collègues permettent, chaque semaine, de faire le point sur ce qui avance ou ce qui cale. Pour faire face aux situations complexes, multifactorielles et réfléchir aux rôles et places de chacun, aller chercher chez ses pairs un avis, une autre clef d’analyse, semble primordial. Les équipes ont d’ailleurs emmagasiné des expertises et expériences variées – les travailleurs sont éducateurs, assistants sociaux, criminologues ou psychologues de formation, avec parfois des formations complémentaires en systémique, thérapie brève ou en «approche d’abus sexuel», ils ont travaillé auparavant dans l’aide à la jeunesse, en maison de jeunes, en toxicomanie ou encore dans l’enseignement.

Et pour ce qui est des résultats, «il n’y a pas de bilan de réussite ou d’échec, assure Johan Dessart. Si on a amené une réflexion de changement dans une famille ou un questionnement identitaire chez le jeune par rapport à sa famille, son quartier, on a été intéressant. Le changement doit venir de la personne, pas de nous ou de la société. On va essayer de ramener du positif».

Portes de sortie

À l’issue d’une mesure d’accompagnement, il faut faire ses au revoir. La séparation doit être préparée et des relais doivent être assurés. Parfois un jeune ou une famille continueront à appeler pour donner quelques nouvelles ou glaner un conseil, mais, tout de même, «c’est une étape, une page qui se tourne», confie Laura Cornet. La rupture peut aussi survenir froidement: un tiers des accompagnements se clôturent par un placement en IPPJ (37,05%) – avec, encore une fois, d’importantes variations selon les régions6. Autre interruption redoutée: celle de la majorité, même si le juge de la jeunesse peut parfois décider la prolongation de l’accompagnement au-delà de 18 ans. «À 17 ans et 10 mois, on n’a plus beaucoup de prise. Or ce sont des jeunes qui ont parfois été maltraités pendant des années… Pour moi, cet âge est la plus grande complexité», relève Valéry Dufour.

Il est aussi des cheminements que l’on devine plus heureux. Un jeune homme pour lequel tout laissait croire qu’il allait se casser la figure, mais qui a continué son suivi dans un centre ambulatoire, fait son deuil de sa vie de famille et appris à vivre seul, et dont la mère a elle aussi entamé une démarche de soin. Un père ancien détenu qui, alors que son fils a été accompagné en EMA, livrait: «Si j’avais eu ça, je n’aurais pas été en prison.»

Alors si les issues restent incertaines et les destinées imprévisibles, tout porte à croire que le traitement de la délinquance a évolué vers un mieux. «Avant, on disait aux jeunes ce qu’ils devaient faire. Cela entraînait de la résistance. Ici, on travaille sur qui ils sont. On va vers du positif», conclut Johan Dessart.

Les EMA, un premier bilan

Les équipes mobiles d’accompagnement (EMA), réparties en huit équipes, couvrent l’ensemble de la Communauté française. Premier bilan de leurs interventions éducatives avec Laetitia De Fays (inspectrice pédagogique des IPPJ), Amandine Morlet et Céline Renard (toutes les deux attachées responsables des EMA), de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Alter Échos: Que peut-on tirer comme enseignement de la fusion des API (Accompagnement post-institutionnel) et des SAMIO qui a abouti à la création des EMA en 2019?

Au niveau éducatif, l’idée était de renforcer la hiérarchie des mesures (le fait de privilégier le maintien de l’enfant en famille par rapport au placement, NDLR). En cela, la nouvelle mission des EMA d’investigation/évaluation est une vraie alternative au placement en IPPJ.

Autres motivations de cette fusion: une meilleure répartition géographique de l’offre et une harmonisation des pratiques, car ces deux services faisaient au fond le même métier. C’est l’occasion de rediscuter les pratiques, les vécus du terrain pour faire évoluer le projet tout en respectant les sensibilités et spécificités de chaque structure. Cette réforme a aussi permis de renforcer leur identité: aujourd’hui tout le monde connaît l’EMA comme alternative au placement.

AÉ: Le continuum IPPJ-EMA s’est-il amélioré?

C’est un autre gros chantier. Il y a beaucoup de ruptures dans les parcours des jeunes – familiales, entre les services – et l’idée est de créer des relais éducatifs plus fluides, des outils communs et de parler le même langage. Des formations ont été mises en place dans les IPPJ, elles vont débuter dans les différentes EMA, puis, dans un second temps, nous organiserons des journées de travail transversales.

AÉ: Des évolutions du dispositif sont-elles prévues?

On envisage le développement de mesures de prise d’autonomie pour des jeunes FQI avant 18 ans. Il s’agira pour les EMA d’accompagner des jeunes qui vont habiter seuls, par exemple parce que leur famille est défaillante. À l’heure actuelle, les EMA n’ont pas les moyens de prendre en charge les coûts de cette autonomie (logement, matériel, etc.). Cela impliquera de nouvelles pratiques, un nouveau réseau à créer, mais aussi de trouver des logements. À terme, des logements seront prévus à Wauthier-Braine et à Bruxelles, mais nous devons aussi mettre en place des partenariats avec les agences immobilières sociales et le parc privé.

AÉ: Comment évaluer l’impact du travail des EMA?

Les EMA ont une obligation de moyens, mais pas de résultats. Des enquêtes réalisées avec les travailleurs font ressortir que ces derniers trouvent du sens à ce qu’ils font. C’est un indicateur important! Les retours des partenaires sont également positifs. Il faut tenir compte aussi du fait que le changement interviendra parfois bien après l’intervention, de même que le fait que le projet éducatif prévoit aussi le droit à l’erreur. La récidive n’est pas forcément un échec dans le parcours du jeune…

AÉ: La récidive, justement, est-elle mesurée à la suite d’un suivi avec une EMA?

Nous récoltons des données sur les jeunes quand ils sont en IPPJ ou en EMA, mais n’avons pas les données des parquets. Une thèse de doctorat qui vient de démarrer à l’Université de Liège nous permettra sans doute d’y voir plus clair. Il est important de dire que la notion même de récidive n’est pas claire. Nous parlons d’ailleurs davantage de désistence ou de désistement que de récidive: il s’agit davantage de réfléchir à un processus de sortie progressive de la délinquance, qui peut être long et pas forcément linéaire.

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)