Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Logement social wallon : le regard des commissaires spéciaux

L’audit du secteur du logement social wallon avait amené le gouvernement à dépêcher dans les sociétés de logement de service public (SLSP) pas moins dequinze commissaires spéciaux pour reprendre la gestion en main. Aujourd’hui, ils livrent leurs constats.

16-02-2007 Alter Échos n° 223

L’audit du secteur du logement social wallon avait amené le gouvernement à dépêcher dans les sociétés de logement de service public (SLSP) pas moins dequinze commissaires spéciaux pour reprendre la gestion en main. Aujourd’hui, ils livrent leurs constats.

Ce 7 février, dans le cadre d’une conférence de presse, le ministre wallon du Logement, André Antoine1, accueillait sept des quinze commissaires spéciaux dugouvernement dans le logement social.

Crise et redéploiement

En guise de mise en bouche, le ministre a rappelé la situation du secteur. Il a ainsi énuméré les divers constats qui s’étaient dégagés de lacartographie du secteur (malaise financier, problèmes de gouvernance, nécessité de rappeler les droits et les devoirs des locataires, mauvaise gestion des SLSP et manque delogements) et les mesures prises en retour.

Si à la fin 2005, on arrivait à “seulement” moins 1 million d’euros des trésoreries des SLSP au lieu des moins 24 millions d’euros prévus, pour AndréAntoine, cela s’explique par la réaction des sociétés face à la crise du secteur : “Elles ont fait preuve de retenues et diminué le rythme desinvestissements. Elles ont également été mobilisées sur autre chose, tels les audits.” Par ailleurs, des plus-values ont été réaliséessur des ventes de terrain et de logements non prévues au budget. Notons encore que des aides exceptionnelles ont été versées aux sociétés et que la dette desSLSP a été rééchelonnée jusqu’en 2009. Enfin, la Région paye de sa poche les montants prévus pour réajuster les loyers en 2007. Explication duministre : “Les locataires ont bien intégré la crise du secteur. En leur faisant payer le réajustement des loyers, on aurait eu pour réaction : ‘maintenant qu’ons’en est mis plein les poches, c’est normal qu’il ne reste plus rien’.”

Les missions des commissaires spéciaux

La crise a entraîné plusieurs réformes du Code du logement wallon, suivies d’arrêtés d’exécution. Il a fallu aussi cadrer les missions des commissairesspéciaux du gouvernement dans le logement social. Pour rappel, celles-ci consistent à :
• “prendre ou faire prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux carences de gestion”;
• “mettre en place un management efficace adapté à la taille de la société”;
• établir un plan de gestion, sur cinq ans, et y intégrer l’impact des mesures de redéploiement des SLSP sur les recettes locatives, le rééchelonnement de ladette et la réduction des frais de gestion et d’entretien;
• “se substituer, sans préjudice de l’exercice par la Société wallonne du logement de ses pouvoirs de tutelle et de contrôle, aux organes de lasociété (…)”.

Dès le mois de juin 2006, un Comité d’accompagnement a également été mis sur pied, entre autres en vue d’une standardisation des rapports des Commissairesspéciaux. D’autant qu’ils rendent aussi des comptes à l’Inspection des finances et à la Cour des comptes.

Paroles de commissaires

Sept commissaires spéciaux avaient donc été invités par le ministre pour présenter un bilan de leur action. François Thibaut de Maisières, encharge de la Maison liégeoise, a expliqué toutes les difficultés qu’il a eu à faire changer les mentalités : “un budget est un outil de gestion et non unecontrainte”, “on peut prévoir l’entretien, même si certains affirment que c’est imprévisible”, etc. Pour ce commissaire, “il est important de faire vivreau jour le jour la société avec un budget et rappeler qu’un budget n’est pas l’apanage de la direction”.

Les autres Commissaires spéciaux ont évoqué des problèmes de gestion organisationnelle, de gouvernance, de gestion de personnel, d’attributions de logement… Autant deproblèmes pour lesquels il reste du pain sur la planche.

Loyers impayés

Plus d’un commissaire s’est attardé sur le contentieux des loyers impayés2. Pour Bernard Fierens (Notre Maison), “il fallait faire passer l’image que le loyer estlimité à 20 % des revenus des locataires et que si le loyer est faible, il faut exiger la régularité des payements.” Pour ce faire, il convient d’être plusprompt dans les procédures de rappel, réduire les délais d’interventions judiciaires et, parfois, aller jusqu’à l’expulsion. Au Logis Dourois, qui compte 56 %d’impayés, le commissaire Philippe Daras procède de la même logique. Il travaille aussi avec le CPAS en cas de surendettement.

André Bondroit, commissaire pour le Logis Saint-Ghislainois et le Foyer des Hauts Pays Quiévrain-Honnelles, a mis en place trois procédés pour récupérerles impayés. Il a rencontré les syndicats de Mons et leur a fait la proposition suivante : “Seriez-vous d’accord lorsque vous payez les allocations de chômage de verserdirectement le montant du loyer sur le compte de la SLSP moyennant l’accord du chômeur?” Les syndicats ont marqué leur accord et “ça marche”. Il a fait lamême proposition au CPAS de Saint-Ghislain : “Lorsqu’ils m’ont répondu que le revenu d’intégration sociale était incessible, je leur ai expliqué que le butétait de leur éviter d’avoir à gérer les expulsions que je risquais de devoir ordonner”. Ainsi, avec l’accord du bénéficiaire du RIS et du CPAS, lemontant du loyer est versé directement sur le compte de la SLSP. Enfin, partant du constat que la SLSP paye la télédistribution pour les locataires – ce qui permetd’obtenir une réduction auprès du fournisseur – et la répercute dans le montant du loyer, André Bondroit a demandé au télédistributeur qu’en casde retard de payement la télédistribution soit coupée, moyennant avertissement.

Conclusion en contrepoint

On le voit, le redressement financier du secteur est un travail de longue haleine. Tout le monde est rappelé à ses devoirs, tout le monde doit y contribuer : tant lessociétés de logement que les locataires sociaux. La situation reste néanmoins critique pour les uns et les autres.
Concernant la problématique des impayés, David Praile, de Solidarités nouvelles3, admet “qu’il faut effectivement mener un vrai travail dès que leproblème de non-payement se pose et pas quand il y a eu accumulation. Il faut des mesures fermes, mais il faut aussi un accompagnement social en amont. Et cet accompagnement ne doit pas selimiter à récupérer les loyers. Si les commissaires apportent un regard neuf sur la question, cela reste toutefois un regard de gestionnaire.”

1. Cabinet d’André Antoine, rue d’Harscamp, 22 à 5000 Namur –
tél. : 081 25 38 11.
2. Signalons que l’ULB avait réalisé une étude sur cette problématique en 2003 : « Le non-paiement et les retards de loyers. Analyse compréhensive descomportements dans le secteur public du logement à Charleroi ». Voir Alter Echos n° 168, « Loyers impayés dans les logements sociaux : les causesréelles« .
3. Solidarités nouvelles, rue Léopold, 36 à 6000 Charleroi –
tél. : 071 30 36 70.

Baudouin Massart

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)