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Regard critique · Justice sociale

Logement

Logement aux Pays-Bas : le temps de tous les paradoxes

La crise du logement sévit aux Pays-Bas : alors que le pays est le deuxième d’Europe en termes d’endettement des ménages, les prix de l’immobilier ne cessent de baisser.

02-03-2012 Alter Échos n° 333

La crise du logement sévit aux Pays-Bas : alors que le pays est le deuxième d’Europe en termes d’endettement des ménages, les prix de l’immobilier ne cessent de baisser. Les jeunes émigrent vers l’Allemagne en quête de travail et de logement moins cher. Tandis que des Belges émigrent en Flandre zélandaise, attirés par les prix néerlandais. Vous avez dit « paradoxe » ?

On ne compte plus les maisons désertées, l’affichette « Te koop » collée sur les fenêtres poussiéreuses. Dans la rue où je réside, j’en dénombre quatre sur moins de 100 mètres. Pourtant, si l’on en croit les chiffres d’Eurostat, les Pays-Bas sont le deuxième pays de la zone Euro en termes d’importance de la dette des ménages. Et c’est la dette hypothécaire qui pèse le plus dans cette situation.

Malgré ce ratio élevé, seuls 57 % des Néerlandais étaient propriétaires de leur habitation en 2009. Une maison sur trois appartient à une entreprise… Toujours selon le CBS, 44 % des ménages sont en fait des personnes vivant seules : difficile dans ce cas de présenter des revenus suffisants.

Pourtant, les banques accordaient des crédits jusqu’à 125 % de la valeur de l’habitation. Avec un système de remboursement initial des intérêts, celui du capital étant reportable à l’échéance. Les Pays-Bas sont également les champions des emprunts à long terme avec une durée minimale de 30 ans…

Des emprunts impossibles à rembourser

Depuis 2008, la tendance générale de l’immobilier est à la baisse, avec une chute de moins de 5 % en 2009.   En janvier 2012, les prix étaient inférieurs de 3,3 % à ceux de janvier 2011… Et la conjoncture économique défavorable ne devrait pas renverser la tendance. Pas plus que les discussions de l’actuel gouvernement sur la diminution des abattements fiscaux1.

Les personnes qui se sont lourdement endettées se retrouvent souvent à présent avec un immeuble qui vaut largement moins que le solde à rembourser. Et quasiment impossible à revendre suite à la crise. Ceux qui y arrivent pourtant doivent souvent continuer à rembourser une partie de leur emprunt. Nombreux sont ceux qui n’y arrivent même plus.

Une émigration à deux vitesses

Face à la crise du logement, les Néerlandais émigrent. Mais il s’agit d’une émigration à deux vitesses pour des raisons sensiblement différentes. Les plus de 50 ans préfèrent prendre leur retraite au soleil, loin des villes surpeuplées du Ranstad : dans le sud de la France (3 369 migrants en 2009) ou en Espagne (3 512 personnes en 2009).

Les jeunes, eux, émigrent en Allemagne, où le marché immobilier est nettement moins cher. Il suffit parfois de déménager à quelques kilomètres pour gagner de 15 à 30 % sur le prix d’une habitation. La fiscalité allemande, plus légère que celles des Pays-Bas, est également un réel incitant à l’immigration. L’Allemagne est aussi le pays d’Europe qui a le mieux résisté à la crise jusqu’ici et il est encore possible d’y trouver du travail, surtout pour les jeunes diplômés.

Des sites allemands spécialisés, entièrement rédigés en néerlandais, tels que http://www.huisinduitsland.com ou http://www.verhuis.de tentent d’attirer le candidat batave en détaillant les avantages du modèle allemand : avis remis par un inspecteur indépendant garantissant un achat sans risque, des taux d’intérêt au ras du plancher, des assurances complètes et bon marché, des « soirées émigration » pour vous préparer à l’intégration locale et même des services de traduction afin de ne pas signer le contrat les yeux fermés.

Cela fonctionne sans doute puisqu’ils étaient 10 402 à s’installer en Allemagne en 2009. Une tendance qui ne fait que s’accentuer depuis 20042.

Pendant ce temps, de plus en plus de Belges s’installent dans la Flandre zélandaise : c’est que les prix de l’immobilier ont tellement grimpé dans le triangle Gand-Bruges-Knokke ces dernières années que la Hollande devient plus abordable. En 2011, ils étaient 600 à acheter une habitation de ce côté de la frontière pour 300 un an plus tôt.

Les agents immobiliers locaux se frottent les mains : depuis quelques mois, ils vendraient plus à des Belges qu’à des Néerlandais. Le prix du logement n’est pas seul en cause : le parc immobilier néerlandais est plus récent et mieux entretenu. De quoi entretenir aussi les paradoxes du logement aux Pays-Bas ?

Marco Bertolini

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