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Regard critique · Justice sociale
©Olivia Sautreuil

Après une longue carrière d’assistante sociale au CPAS de Liège, Bernadette Schaeck anime aujourd’hui l’Association de défense des allocataires sociaux. Elle base sa défense des usagers de CPAS sur sa connaissance des lois et pratiques mais aussi sur les rapports d’inspection des CPAS qu’elle épluche avec soin. Un travail de titan qui n’a pas d’équivalent à notre connaissance.

Cet article est issu du hors-série « Politiques sociales, un chaos organisé » qui recense des archives issues des magazines Alter Échos et Ensemble! du Collectif Solidarité contre l’exclusion. Un numéro spécial à télécharger gratuitement

Demander le revenu d’intégration sociale (RIS) est devenu un véritable parcours du combattant. Les CPAS le justifient souvent par des injonctions venues d’en haut en terme de contrôle. Or, le service d’inspection du SPP Intégration sociale appelle au contraire régulièrement les CPAS à plus de mesure… Il constate nombre de refus, retraits, suspensions non justifiés. L’obligation de fournir tous les extraits de compte est maintes fois qualifiée d’irrégulière. Le nombre et le type de documents exigés sont souvent inutiles et pourraient être obtenus autrement qu’en les exigeant aux demandeurs, par exemple via la BCSS (Banque carrefour de la Sécurité sociale). Certains CPAS font preuve d’inventivité, en exigeant par exemple un Certificat de bonnes vie et mœurs, en refusant un droit compte tenu d’une fortune future, ou encore en instaurant une notion de suspicion d’aisance.

D’autres problématiques sont soulevées de manière récurrente par les rapports d’inspection : l’octroi du taux cohabitant aux sans-abris et la prise en compte systématique des revenus des parents et enfants cohabitants (qui entraîne de nombreux refus de RIS).

Voici quelques exemples très illustratifs rien qu’en se limitant aux communes de la première lettre de l’alphabet.

Andenne

Il a été constaté dans les dossiers contrôlés que la prise en compte des ressources des cohabitants ascendants et/ou descendants majeurs au premier degré était (presque) systématique. Or, nous vous rappelons que cette prise en compte est une faculté et non pas une obligation. L’enquête sociale approfondie doit permettre au conseil de déterminer s’il y a vraiment lieu de tenir compte ou de ne pas tenir compte de celles-ci.

Une personne sans-abri bénéficiant du RIS, qui réside temporairement chez un tiers et pour qui un projet individualisé d’intégration sociale a été déterminé a droit au montant de la catégorie « personne isolée ».

L’inspection a pu constater que votre centre exige de la part de demandeurs de produire leurs extraits de comptes bancaires. S’il va de soi que l’examen des ressources du bénéficiaire fait partie de l’enquête sociale et que les copies d’extraits sur lesquels apparaissent les éventuelles ressources mensuelles peuvent être réclamées, ces preuves peuvent aussi être obtenues par d’autres moyens dont les fiches de salaire, le relevé du syndicat, des caisses de paiement ainsi que les flux BCSS. En outre, exiger la production des extraits de compte complets constitue une ingérence dans la vie privée de l’usager qui n’est pas acceptable ; un bénéficiaire du DIS (Droit à l’intégration sociale) n’a pas l’obligation légale de présenter et justifier ses dépenses mensuelles au CPAS. Conditionner l’octroi ou la prolongation du DIS à la production de ces éléments ne serait pas correct ; c’est l’article 3 de la Loi du 26/05/2002 qui énumère les 6 conditions d’octroi du DIS et il ne vous appartient pas d’en ajouter de nouvelles.

Anderlues

Récupération du revenu d’intégration : l’inspectrice a constaté que votre centre récupère un indu sur le revenu d’intégration du mois suivant. Ceci n’est pas légal.

Ans

Le délai pour prendre une décision en matière de DIS est de 30 jours à dater de la demande . Durant ce délai, il incombe à votre service social d’effectuer une enquête sociale complète. Lorsque celle-ci n’a pas pu être effectuée dans les délais impartis à cause d’une absence/mauvaise coopération du demandeur, le conseil peut prendre une décision de refus pour complément d’enquête et revoir éventuellement le dossier lors du prochain conseil. Par contre, il ne peut être accepté qu’une décision de refus soit prise parce que l’assistante sociale n’a pas pu réaliser son enquête sociale pour d’autres motifs comme par exemple des congés pris durant cette période de 30 jours, impossibilité d’effectuer une visite à domicile (VAD) à l’improviste concluante, fiche de paie pas encore transmise par l’employeur, maladie du travailleur social référent, … Dans ces situations, il y a lieu de prendre une décision en fonction des éléments probants disponibles et de revoir le dossier le mois suivant.

Arlon

Dossiers de sanction ONEM : il a été constaté que vous preniez une décision de refus lors d’une demande d’ouverture du DIS suite à une sanction ONEM et ce sur base de la disposition au travail. La jurisprudence accorde le bénéfice du DIS aux personnes qui font l’objet d’une sanction d’exclusion du chômage dans le cadre de l’activation de leur comportement de recherche d’emploi. Si, en matière d’assurance-chômage, le chômeur peut être sanctionné après avoir abandonné un emploi sans motif équitable, cette sanction ne peut pas être automatiquement suivie d’un refus pour le même motif en matière de RIS. Il ne saurait être question d’assurer, par le refus du RIS, l’exécution d’une sanction relative à un autre secteur de la réglementation sociale. Dans la même optique, il convient d’éviter d’imposer une double peine pour le même fait.

(1) Ensemble a consacré à Bernadette Schaeck un portrait qui retrace son parcours militant. A lire en ligne

Agence Alter

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