Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Les pensionnés au travail ? Une histoire de plafonnement

Pour ou contre un déplafonnement du travail des pensionnés ?

14-07-2009 Alter Échos n° 277

Entre 100 000 et 200 000 pensionnés (sur 2 250 000), selon les sources, seraient actuellement au travail en Belgique. Un système de « plafonnement » des revenusengrangés existe cependant. Satisfaisant pour certains, il est critiqué par d’autres, qui prônent sa suppression pure et simple.

Fin juin, Maria Arena (PS), la ministre fédérale des Pensions, annonçait que l’Office national des pensions avait suspendu 892 allocations, en 2007, parce que lesbénéficiaires dépassaient le plafond autorisé de revenus professionnels cumulables avec la pension. Une annonce qui, si elle n’a pas mis le feu à un dossier quebeaucoup qualifient de « marginal », a néanmoins relancé les discussions à ce sujet alors que la Task Force censée mettre en œuvre etfaire le suivi de la Conférence nationale pour les pensions (dont le but sera d’arriver à « réformer le système des pensions pour le renforcer »),mise en place par la même ministre, est en plein travail.

Pour rappel, le plafonnement des revenus du travail pour les pensionnés concerne les pensions de retraite et les pensions de survie. La pension de retraite est une prestation qu’untravailleur reçoit à un certain âge pour une période de travail antérieure alors que la pension de survie est versée au « conjointsurvivant » en cas de décès de l’autre conjoint qui bénéficiait ou pouvait prétendre à une pension de retraite. À l’heure actuelle, selonque le pensionné soit âgé de moins ou de plus de 65 ans, qu’il ait un enfant à charge ou pas, qu’il ait été indépendant ou salarié et qu’ilcombine ou pas une pension de retraite et une pension de survie, douze plafonds de revenus professionnels sont établis, le plus élevé se montant à 26 075 euros et le moinsélevé à 5 937 euros. Notons également que le Conseil des ministres du 23 mai 2008 a décidé d’augmenter lesdits plafonds de l’activité autoriséeà partir du premier janvier 2008. Une augmentation de 25 % a été effectuée pour les personnes bénéficiant d’une pension de retraite ou de survie et quiont atteint l’âge légal de la retraite (65 ans) et une hausse de 8 % a été réalisée pour les personnes bénéficiant uniquement d’une pensionde survie et qui n’ont pas encore atteint l’âge légal de la pension.

Supprimer les plafonds ?

Malgré cela, certains plaident pour une suppression pure et simple du système de plafonnement. « Nous pensons que les plafonds doivent être supprimés,déclare André Bertouille, vice-président national de la Ligue libérale des pensionnés1. Il faut préserver la liberté de travailler pour lespensionnés. Nous vivons dans un pays où les pensions sont très basses et où il est compliqué, pour les pensionnés, de maintenir le niveau de vie quiétait le leur alors qu’ils étaient encore actifs. Pourquoi dès lors les brider ? De plus, ces revenus seraient imposés, ce qui serait une bonne chose pourl’État. Les limitations actuelles encouragent le travail au noir. » Une position également défendue par l’asbl Seniorflex2 qui a récemment misen ligne une pétition en faveur du déplafonnement sur son site web.

Du côté des syndicats, la réponse à ce type de position est claire. « Nous ne sommes pas favorables à un déplafonnement, affirme Daniel Van Daele,secrétaire fédéral de la FGTB3. Il y aurait en effet quelque chose de cynique à le faire alors qu’avec la crise actuelle, on prévoit 800 000chômeurs et que certains plafonds permettent déjà aux pensionnés de gagner des sommes conséquentes. » Les plafonds les plus élevéspermettent en effet aux pensionnés de gagner jusqu’à environ 1800 euros par mois, en plus de leur pension. « Un salaire dont certains salariés ne bénéficientpas », ajoute Daniel Van Daele, qui enchaîne : « Il faut de plus savoir que ce type de revendication ne concerne pas toutes les catégories de profession.À 65 ans, une truelle et des briques, cela pèse plus lourd qu’un stylo… » En effet, à l’heure actuelle, les demandes pour un déplafonnement viendraientplutôt du côté libéral, que ce soit au niveau des professions ou de la coloration politique.

Pour la CSC4, le discours est à peu près le même que celui de la FGTB. « Le relèvement des plafonds n’est pas une priorité pour nous,déclare Marie-Hélène Ska, secrétaire nationale en charge des pensions. Dans l’état actuel des choses, il n’y a pas d’emploi. Il ne faut donc pas faire revenir lesretraités sur le marché. » Des déclarations auxquelles André Bertouille réplique : « Je ne crois pas qu’on puisse dire que lespensionnés prendraient la place des travailleurs plus jeunes. La société a besoin des compétences des plus âgés. On se plaint beaucoup à l’heureactuelle du manque de formation des jeunes. Dans ce cadre, encourager le tutorat pourrait être une piste… »

Revaloriser les retraites

Dans ce contexte, une autre possibilité serait de revaloriser les pensions. Une position défendue, entre autres, par Luc Jansen, président de la Coordination des associationsde seniors (CAS)5. « Nous sommes partisans d’une revalorisation des pensions. Par contre, nous n’avons jamais été favorables à un déplafonnement,déclare-t-il. Cette mesure profiterait seulement à une élite. Nous tenons d’ailleurs à préciser qu’en réalité, personne n’est obligé de prendresa pension… » En effet, les salariés et les indépendants ne sont pas obligés de prendre leur pension à 65 ans. Ils peuvent continuer à travaillerau-delà. Un cas de figure qui n’est cependant pas vrai pour les fonctionnaires qui, dès leur 65e anniversaire, sont « remerciés pour servicesrendus ».

Néanmoins, Luc Jansen nuance ses propos. « Il existe un aspect spécifique et plus délicat pour lequel nous souhaiterions des adaptations. C’est celui des veuves oudes veufs bénéficiant d’une pension de survie et qui, pour une raison ou une autre, tombent au chômage ou bénéficient d’une indemnité de maladie. Dans ce casbien spécifique, ces personnes peuvent cumuler pension et indemnité de chômage ou de maladie pendant seulement douze mois, avant de devoir opter exclusivement pour l’une d’elles.Nous souhaiterions assouplir cette mesure de même que relever les plafonds pour les personnes cumulant pension de survie et revenus du travail. »

Du côté de l’Union chrétienne des pensionné
s (UCP), Mouvement social des aînés asbl6, par ailleurs membre de la CAS, on propose une alternativesupplémentaire. « Relever les plafonds serait pour nous un mauvais message, affirme Vincent Gengler, secrétaire politique de l’UCP. On donnerait une vision individualiste dela chose. Tout ceci flirte avec la notion d’État social actif… Par contre, nous serions plus favorables à un assouplissement des sanctions, notamment au niveau de laproportionnalité. » Effectivement, à l’heure actuelle, les pensionnés ont « droit » à un dépassement de 14,99 % des montantsautorisés. Chaque pour cent en plus est déduit de la pension. À partir de 15 % de dépassement, le versement de la pension est suspendu pour l’année civileconcernée. Une piste serait donc d’augmenter le pourcentage de dépassement autorisé.

Une décision après la Conférence nationale des pensions ?

Au cabinet de Marie Arena7, on se déclare en tout cas ouvert à une possible suppression des plafonds de revenus pour les pensionnés de plus de 65 ans même sion affirme que « si Madame Arena, dans le cadre de futures discussions, doit choisir entre une revalorisation des pensions et un déplafonnement, elle optera bien entendu pour unerevalorisation. Il faut savoir qu’un déplafonnement coûtera de l’argent, malgré les rentrées que cela pourrait générer en termes d’impôts. »Pour les moins de 65 ans, en revanche, rien ne devrait bouger. Enfin, concernant les pensions de survie, un déplafonnement n’est pas à l’ordre du jour et l’augmentation de lapériode de cumul entre pension de survie et allocations de chômage ou indemnité de maladie est jugée « non souhaitable ». Pour conclure, le cabinetdéclare que les questions de plafonnement seront débattues lors de la Conférence nationale pour les pensions.

1. Ligue libérale des pensionnés :
– adresse : rue de Livourne, 25 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 538 10 48 ou 02 542 86 95
– courriel : ligueliberaledespensionnes@mut400.be
– site : www.ligueliberaledespensionnes.mut400.be
2. Seniorflex :
– adresse : square Vergote, 10a, boîte 10 à 1200 Bruxelles
– courriel : crobert@seniorflex.org
– site : www.seniorflex.org
3. FGTB :
– adresse : rue haute, 26-28 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 549 05 49
– site : www.accg.be
4. CSC :
– adresse : chaussée de Haecht, 579 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 246 31 11
– site : www.csc-en-ligne.be
5. CAS :
– adresse : rue de Livourne, 25 à 1000 Bruxelles
– tél.  02 538 10 48
– courriel :info@cas-asbl.be
– site : www.cas-seniors.be
6. Union chrétienne des pensionnés, mouvement social des aînés :
– adresse : chaussée de Haecht, 579/bte 40 à 1031 Bruxelles
– tél. : 02 246 46 72
– courriel : ucp@mc.be
– site : www.ucp-asbl.be
7. Cabinet de Marie Arena :
– adresse : rue Ernest Blérot, 1 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 238 28 11
– courriel : contact.cabinet@minsoc.fed.be
– site : http://arena.belgium.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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