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Regard critique · Justice sociale

Santé

L’alimentation des ménages en chiffres

Depuis les années 1960, le monde a vécu une révolution alimentaire sans précédent. Grâce à l’agriculture intensive et à l’industrialisation de la transformation, l’accès à l’alimentation s’est fortement démocratisé.

14-09-2012 Alter Échos n° 344

Depuis les années 1960, le monde a vécu une révolution alimentaire sans précédent. Grâce à l’agriculture intensive et à l’industrialisation de la transformation, l’accès à l’alimentation s’est fortement démocratisé.

En Belgique, la quantité de nourriture achetée par les ménages est constante entre 1970 et 2000 : 735 kilos par an et par personne. Par contre, la proportion du budget des ménages consacrée à l’alimentation a considérablement baissé : de 30 % en 1970, elle est passée à 12 % en 20001.

Quelques couacs dans le concert de louanges

Mais tout le monde ne participe pas à ce concert de louanges. Notre alimentation est désormais trop riche en graisses, en sucre et en sel et favorise le développement de maladies telles que les problèmes cardiovasculaires, l’obésité et le diabète de type 2. L’utilisation des intrants chimiques serait responsable de la mort d’un million de personnes par an2. Les élevages intensifs entraînent de graves dégradations de l’environnement3 et participent au réchauffement du climat. La concentration des animaux les rend vulnérables à de nombreuses maladies et les traitements aux pro-biotiques et antibiotiques4 génèrent une résistance des bactéries aux traitements médicaux.

En outre, cette industrie ne serait pas viable sans l’exploitation d’une main d’œuvre bon marché comme celle des travailleurs immigrés saisonniers dans les champs espagnols, dénoncée par la Fédération Internationale des Droits de l’Homme5. Ni sans les subsides de la Politique Agricole Commune européenne pour soutenir les énormes investissements des paysans. Cette agriculture est également gourmande en énergie fossile : le pétrole constitue la base des intrants chimiques et alimente stockage, transport et réfrigération des produits.  

Enfin, tout ce système ne semble maintenu en vie que grâce aux lobbies et à leur influence souvent douteuse (voir « [i][url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=344&l=1&d=i&art_id=22668] La valse sociale des étiquettes).

Du Slow Food au Hard Discount : le durable est-il soluble dans la grande distribution ?

C’est pour ces raisons que des consommateurs de plus en plus nombreux se tournent notamment vers l’alimentation biologique ou le Slow Food à l’italienne6 : un circuit local qui promeut des produits de saison et de qualité, mais qui préserve aussi les conditions de travail et une juste rémunération des producteurs. Les produits équitables connaissent également une progression remarquable en Belgique depuis quelques années7.

Tout cela n’a pas échappé aux grands acteurs de l’agroalimentaire. Marques nationales et grande distribution ont peu à peu intégré des produits certifiés bio et/ou équitables dans leur offre. Carrefour, Colruyt et même Lidl proposent désormais des produits labellisés, y compris au sein de leurs propres marques (« marques de distributeur »)8.

Pour les défenseurs d’un équilibre Nord-Sud et les écologistes purs et durs, il s’agit ni plus ni moins d’une arnaque. Selon eux, ces produits n’ont de durable que le nom et une certification douteuse : l’industrie favorise les économies d’échelle, les monocultures et les grands établissements agricoles au détriment des petits producteurs, les cultures sont produites hors sol, etc. « La grande distribution propose des produits bio importés de l’autre bout du monde, à l’empreinte écologique catastrophique, cultivés par des ouvriers sous-payés et revendus entre cinq et dix fois leur prix d’achat. »9 L’alimentation durable ne serait donc concevable qu’à condition de revoir « les fondements mêmes de notre société de consommation ».
Se diversifier sans perdre son âme : mission impossible ?

Mais pour le consommateur moyen, et plus encore pour les personnes à faible revenu, le prix de l’alimentation reste le premier critère d’achat : c’est le cas de 45 % des personnes interrogées par le Crioc10. La fraîcheur (16 %) et la qualité (15 %) ne viennent que loin derrière, tandis que l’information sur l’étiquette est négligeable : 1%! Or, les produits biologiques et/ou équitables sont souvent sensiblement plus chers que leurs cousins conventionnels. Et pour toute une frange de la population, ils sont tout simplement inaccessibles.

Alors, pour les travailleurs sociaux proches des populations précarisées, il n’y a pas de doute :  la grande distribution, et même les hard discounters, constituent le seul accès possible de ces personnes à une nourriture durable labellisée. Refuser la grande distribution de ces produits au nom de beaux principes, signifie en exclure la population économiquement la plus faible. A moins de lui proposer des alternatives crédibles : autoproduction, potagers collectifs, produits locaux abordables du fait de leur proximité, etc. (voir la deuxième partie de ce numéro spécial).

Le défi du secteur agroalimentaire consiste maintenant à prouver qu’il est capable d’intégrer des principes durables sans en dénaturer le contenu. Mission impossible ? On peut commencer, comme en France, par des choses aussi simples qu’afficher les lieux de production des primeurs, histoire de soutenir la production locale…

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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