Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

La « contrôlite », cancer de nos sociétés

A trop contrôler, nos sociétés perdent de leur efficacité.

25-05-2012 Alter Échos n° 339

Le « contrôle » est devenu le maître mot de nos sociétés.
Contrôler les jeunes pour qu’ils ne dérangent pas trop.
Contrôler les sans-abri pour qu’ils ne dérangent pas trop et pour qu’ils soient moins visibles.
Contrôler les chômeurs dès fois qu’ils frauderaient.
Contrôler les travailleurs pour s’assurer qu’ils font bien leur boulot.
Contrôler les entreprises dès fois qu’elles frauderaient.
Contrôler sa consommation d’énergie pour ne pas payer trop, réduire son empreinte carbone et aider l’Europe à atteindre l’objectif 20-20-20.
Contrôler le niveau de pollution pour sensibiliser tout le monde.
Contrôler les producteurs bio pour être sûr qu’ils respectent bien le cadre.
Contrôler la Nature parce que les éléments déchaînés, les tremblements de terre, tout ça, franchement, ça fait désordre.
Contrôler les pouvoirs publics pour éviter tout dysfonctionnement révélateur d’une perte de contrôle des pouvoirs publics.
Contrôler les hommes politiques pour vérifier qu’ils font bien ce qu’ils disent, et qu’ils disent ce qu’ils font.
Contrôler la police pour pouvoir la rappeler à l’ordre si certains de ses membres ne respectent pas la Loi.
Contrôler les contrôleurs, parce que laisser trop de pouvoir aux contrôleurs pourrait s’avérer dangereux.

Il faut toujours contrôler quelqu’un, quelque chose. Le contrôle est bien évidemment utile et nécessaire pour s’assurer que tout ira pour le mieux. Que rien ne viendra entraver la bonne marche des choses ! Or aujourd’hui, le contrôle, ou plutôt sa cellule cancéreuse la « contrôlite », perturbe le bon fonctionnement de nos sociétés. Que celui qui n’a jamais pesté devant des formulaires à remplir, une inscription à l’école, ou pour régler des formalités administratives auprès de son administration communale lève la main !

Nombre d’acteurs du non-marchand remarquent qu’étant donné le nombre d’heures de travail consacrées à la justification des subsides, il serait peut-être opportun de demander un subside… Mais la contrôlite se ne se limite pas à cette boutade. Elle gagne de plus en plus de dispositifs. Et quand le contrôle coûte plus qu’il ne rapporte, il est peut-être temps de s’interroger sur son utilité :
• Comme le montre notre dossier, les compteurs intelligents censés aider le consommateur à réduire sa consommation énergétique ne contribueraient qu’à 1/20e de l’objectif fixé par l’Europe pour 2020. Le gain pour le consommateur sera inférieur à ce qu’il devra débourser pour l’installation de ce compteur.
• Le projet de réforme des sanctions administratives communales estime que les incivilités commises par des mineurs devraient être sanctionnées dès 14 ans, alors que dans le Hainaut, pour ne citer que cette province, seulement 2 % des dossiers traités sont le fait de mineurs.
• Un peu partout en Europe, des amendes ou des peines de prison frappent les SDF qui mendient, cherchent de la nourriture dans les poubelles, ou dorment sur un banc public. Pour une responsable de l’ONU, le coût de la mise en œuvre de ces mesures répressives « l’emporte toujours sur les coûts des réponses aux causes profondes de la pauvreté et de l’exclusion ».
• A travers le plan d’action pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale 2012-2013, l’Etat vise entre autres les bénéficiaires des allocations et aides sociales. En 2011, seules 178 personnes se sont vu retirer ces allocations suite à une fraude. « On ne tue pas une mouche avec un canon », commente Bernard Antoine de la Fédération wallonne des CPAS.

Il ne s’agit que de quelques exemples.

Mais ils démontrent qu’aujourd’hui, le contrôle a perdu tout contrôle. Peut-être est-il temps de s’en inquiéter ? En 2008, du dossier du Courrier international (n° 946-947, 18/12/2008) « Ces civilisations qui disparaissent : La nôtre peut-elle survivre ? », il ressortait que c’était l’extrême complexité des civilisations anciennes qui les avaient détruites.

La contrôlite en fera-t-elle de même avec nos sociétés ?

Baudouin Massart

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