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Regard critique · Justice sociale

L’économie sociale wallonne assurée d’investissements

La disparition au Fédéral du Fonds de l’économie sociale et durable sera en bonne partie compensée par le gouvernement wallon. Mais elle provoque des tensions sur lemarché de l’offre de crédits au secteur.

11-09-2009 Alter Échos n° 280

En décembre 2008, le Fonds de l’économie sociale et durable fermait ses portes. Le nouveau gouvernement wallon devrait assurer le maintien des « missionsdéléguées » à la Sowecsom. La fin des droits de tirage provoque néanmoins un rétrécissement de l’offre de crédits.

Extrait de la déclaration de politique régionale (DPR) wallonne : « Le gouvernement [wallon] négociera le maintien au niveau régional des moyensanciennement dévolus à l’économie sociale par le Fédéral (Fesd) et maintiendra l’élargissement du champ d’action de la Sowecsom telqu’il a été permis par ces moyens. »

Ces ambitions sont-elles menacées par les récentes déclarations du vice-premier ministre Steven Vanackere (CD&V) pour qui des dépenses de l’Etatfédéral concernant des compétences régionales devraient désormais être prises en charge par ces dernières ?

Ex-missions déléguées du Fesd garanties en Wallonie

Non, dans la mesure où les moyens du Fédéral alloués à l’économie sociale correspondent toujours à des compétences nonrégionalisées. Non encore si on considère que le gouvernement wallon s’apprête à affecter à la Sowecsom (Société wallonned’économie sociale marchande) une somme pour lui permettre de poursuivre les missions déléguées par feu le Fesd (voir Alter Échos nº 272). Maisà ses frais quand même, le Fesd étant constitué d’une épargne privée, et non d’une allocation de l’État.

La fonte du Fonds

Au moment de sa constitution en juin 2003, le Fesd disposait de 75 millions € apportés par 13 500 obligataires. Son objectif : soutenir dans sa création ou sondéveloppement toute entreprise, société commerciale ou asbl, soucieuse de dégager des plus-values sociales et environnementales en plus de générer un profit.En partenariat avec des acteurs privés (banque éthique, coopératives de crédit, sociétés régionales d’investissement), il a soutenu ledéveloppement d’activités dans des entreprises comme Oxfam – Magasins du monde (commerce équitable), Âge d’or Services (services de proximité) ou encorel’asbl Natuur en Landschapszorg (gestion de la nature). Il s’est aussi avancé sur des terrains auxquels il se prédestinait moins, convaincu par ses partenaires, commepour des maisons médicales par exemple.

En décembre 2008, le Fonds cesse ses activités. La Flandre est prête et un organisme similaire y prend le relais, avec 7 millions de capital de départ. En Wallonie, legouvernement décide de dégager 4,5 millions € pour assurer, en 2009, la poursuite des missions déléguées par le Fesd à la Sowecsom(Société wallonne d’économie sociale marchande). À Bruxelles, à notre connaissance, il n’y a pas eu de réaction notable.

Contacté, le cabinet du secrétaire d’État, Philippe Courard1 (PS), nous confirme la perspective, à terme, de dissolution future du Fonds. Son conseild’administration a été élargi à des représentants des Régions pour gérer les crédits et participations octroyés oudécidés avant décembre 2008. Avant son extinction totale, la gestion du Fesd sera plus que probablement transférée au Fonds de Participation à travers uncontrat de management.

En euros, cela s’est traduit en 2009 par la promesse d’un versement de 4,5 millions par la Région à la Sowecsom. « L’arrêté date du mois de mars; nous avons bon espoir que la somme soit libérée dans les semaines à venir », explique son directeur, Michel Colpé2, qui tâche de faire patienterles quelques entreprises dont les dossiers ont été acceptés.

Et pour 2010 ? « Il y a peu de demandes, le secteur souffre aussi de la crise ; pour le moment, nous travaillons plus à soutenir des entreprises en difficultéqu’à investir. Pour 2009, nous n’avons à ce jour engagé que 400 000 € ! Il serait indécent de demander à la Région, en ces temps de crise,de nous verser 4,5 millions € pour 2010. Que la Région réserve cette somme et nous octroie un droit de tirage par tranches de 1 million, que nous solliciterons en fonction desbesoins », suggère Michel Colpé.

Le cabinet de Jean-Claude Marcourt (PS)3 assure que le paiement aura lieu dans les jours qui viennent. Finalement, le montant de 4,5 millions € servira à des interventionsde la Sowecsom en 2010, quitte à ce qu’une petite partie soit prélevée pour des dossiers acceptés cette année.

Voilà qui sauverait provisoirement les anciennes missions déléguées qu’assumait la Sowecsom pour compte du Fesd et qui permettent de soutenir les investissements dansles entreprises de formation par le travail (EFT), les organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP) et autres entreprises de travail adapté (ETA)4.

Les autres structures que pouvait soutenir le Fesd ne seraient par contre plus éligibles. « Normal, estime Michel Colpé, nous sommes d’abord une filiale de la SRIW(Société régionale wallonne d’investissement [NDLR, destinée à l’économie marchande]). Ces missions déléguées nous ontdéjà permis de nous ouvrir à des acteurs un peu moins « marchands » de l’économie sociale. Mais la réflexion est toujours en cours ; si àl’avenir nous pouvons nous ouvrir à d’autres formes de subsides, pourquoi pas !? »

Vers un financement plus sélectif ?

Certains acteurs déplorent toutefois la disparition du Fesd pour ses critères d’attribution moins sélectifs que ceux pratiqués par la Sowecsom. Ainsi del’obligation de disposer de cinq actionnaires distincts. Un critère qui serait rédhibitoire pour des entreprises qui filialisent afin d’autonomiser une activiténaissante.

D’après Michel Colpé, depuis le lancement de la Sowecsom en 1996, aucun projet n’aurait été rejeté pour non-respect de ce critère. En outre,ses services ne seraient « pas trop regardants » sur son application : ce critère a été établi avant que le législateur ne crée laSociété à finalité sociale (SFS) qui, elle, doit compter trois actionnaires. Plutôt que de tenter de modifier les statuts de la Sowecsom sur ce point –démarche extrêmement lourde vu son statut de parastatal – la direction préfère assumer une certaine souplesse dans son application concrète.

Il n’empê
che, le risque existe de voir le paysage du crédit à l’économie sociale se rétrécir et se standardiser.

D’autant qu’avec le Fesd, c’est aussi un droit de tirage qui disparaît pour les organismes de crédit partenaires, comme Crédal, coopérative decrédit solidaire. « Profitant des fonds du Fesd, nous orientions plus de moyens propres vers le soutien d’investissements dans l’économie sociale non marchandequi, elle, n’entrait pas dans le champ du Fesd, rappelle Isabelle Philippe, coordinatrice crédit chez Crédal5. Mais nous avions aussi réussi à convaincrele Fesd que certaines activités, comme les maisons médicales, par exemple, entraient dans le champ de l’économie sociale marchande. »

Chez Crédal, les demandes d’aide à l’investissement restent soutenues. Pour compenser la disparition du Fesd face à des demandes issues d’activitésà la limite du non-marchand ou orientées développement durable, Crédal « tente de relancer des partenariats bancaires, avec Triodos et Dexia notamment, expliqueIsabelle Philippe. Mais leurs critères de prise de risque sont plus stricts, elles se montrent souvent moins souples et moins volontaristes. »

Bernard Horenbeek, directeur de Crédal, de plaider dans la foulée en faveur du renforcement ou de la création d’outils semblables au Fesd au niveau des Régionswallonne et bruxelloise. « Ce qui est particulièrement intéressant dans ces montages, c’est l’effet multiplicateur de la garantie apportée par les pouvoirspublics. Pour 1 € qu’ils investissent, le secteur de l’économie sociale peut en investir de l’ordre de 4 ou 5 en plus auprès des banquesnotamment. »

Au fédéral, négociations à huis clos

La formulation de la DPR wallonne est ambiguë, car les moyens anciennement dévolus par le Fédéral ne se limitent pas au défunt Fesd.

Outre les ex-missions déléguées par celui-ci, il reste à connaître l’avenir réservé à l’accord de coopération pourl’économie plurielle ainsi que de l’appel à projets économie sociale, doté de 2 millions €. Ici, pour en savoir plus, il faudra attendre les débats surle budget à la Chambre, au mois d’octobre prochain.

1. Philippe Courard, secrétaire d’État à l’Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté :
– adresse : rue Ernest Blérot, 1 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 238 28 11 – 28 39
– courriel : courard@minsoc.fed.be
– site : www.courard.be
2. Michel Colpé, directeur de la Sowecsom :
– adresse : rue Dewez, 49 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 01 31
– site : www.sowecsom.be
3. Jean-Claude Marcourt, vice-président et ministre de l’Economie :
– adresse : rue Kefer, 2 à 5100 Jambes
– tél. : 081 23 41 11
– courriel : jeanclaude.marcourt@gov.wallonie.be
– site : www.jcmarcourt.be
4. Auxquels la Région a ajouté les ateliers de formation par le travail de l’Awiph et les entreprises d’économie sociale reconnues par la Communauté germanophone.
5. Isabelle Philippe, Coordinatrice crédit, Crédal :
– adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 48 33 50
– courriel : credal@credal.be
– site : www.credal.be

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