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Regard critique · Justice sociale

Journée du refus de la misère : le relogement cause d’éclatement familial ?

Ce 17 octobre, pour marquer la Journée mondiale du refus de la misère, LST (Luttes solidarités travail)1 avait rassemblé des familles et des personnes parmiles plus pauvres. Cette année, les témoignages concernaient la politique wallonne du logement, laquelle a parfois des impacts dramatiques pour la structure familiale.

02-11-2006 Alter Échos n° 218

Ce 17 octobre, pour marquer la Journée mondiale du refus de la misère, LST (Luttes solidarités travail)1 avait rassemblé des familles et des personnes parmiles plus pauvres. Cette année, les témoignages concernaient la politique wallonne du logement, laquelle a parfois des impacts dramatiques pour la structure familiale.

Trente à quarante personnes étaient rassemblées dans les locaux namurois de LST. Outre les journalistes, de nombreux militants et des familles étaient présents.À partir de témoignages, des interpellations ont été lancées et un débat a été initié sur la réforme récente du Code dulogement wallon. La grande question du jour est : « En quoi ce code du logement est-il un outil qui agit réellement sur les causes des difficultés éprouvées par denombreuses personnes et familles qui vivent dans des conditions de logement précaire, voire même à la rue, pour accéder à un logement décent? »

Se reloger : avec ou sans famille?

À travers les différents témoignages, une constante se dégage : les familles qui doivent quitter un logement insalubre éprouvent toutes les peines du mondeà se reloger. Pire, le plus souvent, les services sociaux proposent de placer les enfants en institution pour faciliter le relogement des parents.
Lors de son expulsion d’un logement à Assesse, en 1992, Didier raconte: au CPAS « ils me disent de ne pas m’inquiéter, que je ne serai pas à la porte, et que pour lesenfants, ils pouvaient les placer en pension le temps que je retrouve quelque chose. » Pendant 55 jours, lui et sa femme vivront dans l’angoisse de voir placer leurs enfants par le serviced’aide à la jeunesse. Nathalie et son mari, qui devront quitter le camping Jules César (Andenne), entendront deux policiers leur annoncer « qu’il y aurait une enquêtesociale pour les enfants. » Pour une autre famille vivant dans un parc résidentiel à Somme-Leuze, le service d’aide à la jeunesse (SAJ) a mis en place « unaccompagnement avec des moments de contrôle par l’institution et la présence régulière d’une aide familiale. »
Norbert explique que privé de revenus réguliers à la suite d’un accident, il ne sait plus faire face aux frais médicaux et aux échéances de payement de samaison. Il doit vendre. « On n’avait nulle part où aller et il a même été question de placer mes enfants si on ne trouvait rien. Notre famille auraitété séparée : les enfants placés, ma femme en institution et moi… à la rue. »

Quel dialogue Logement-Aide à la jeunesse?

Les SAJ et les acteurs du logement (CPAS et autres) dialoguent-ils entre eux pour un relogement ? Préservent-ils l’unité familiale ? Selon un témoin, lorsqu’un travailleursocial de SAJ donne un coup de main pour reloger une famille, les propriétaires privés bloquent. C’est donc un cercle vicieux. Un militant abonde dans ce sens. « C’est le »paradoxe du frigo », explique-t-il. Le matin, le frigo doit être vide lorsque passe l’assistant social du CPAS, car il faut montrer qu’on a besoin de l’aide financière.L’après-midi, le frigo doit être plein pour le SAJ, sinon il va penser que les enfants sont mal nourris et qu’il vaut mieux les placer. Il y a une véritable incohérenceentre les interventions des différents services au niveau social. »

Vers une privatisation du logement?

Pour LST, les politiques actuelles du logement jouent sur la fiscalité, mais « c’est pour les propriétaires, que prévoit-on pour les pauvres? ». L’État nejoue plus son rôle de régulateur sur le marché du logement. LST dénonce le glissement d’un patrimoine public vers un patrimoine privé au travers du recours de plusen plus fréquent, entre autres, aux agences immobilières sociales – qui prennent en gestion des logements privés. LST constate également l’ouverture des logementssociaux à des personnes ayant des revenus plus élevés et s’inquiète de la place de plus en plus réduite laissée aux pauvres.
L’association fustige aussi le glissement « sournois » qui consiste à « cacher les causes économiques qui rendent les logements inaccessibles (loyers tropélevés et revenus trop faibles) en rendant le locataire responsable de son mal » et à lui imposer « un accompagnement social personnalisé » pour l’aiderà surmonter son « incapacité de gestion ».

1. LST, rue Pépin, 27 à 5000 Namur – tél. : 081 22 15 12 – courriel : namur@mouvement-lst.org.

Baudouin Massart

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