Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Ce 18 mai, les Facultés universitaires de Saint-Louis ont accueilli le colloque « Expulsions du logement et dignité humaine », organisé à l’initiative du Syndicatdes locataires1 et la Faculté de droit des Facultés universitaires Saint-Louis2. Les interventions et débats ont porté, entre autres, sur la législation existanteet celle à venir : la loi du 30 novembre 1998 dite « d’humanisation des expulsions » qui organise la transmission de l’information au CPAS et prévoit un délaid’un mois entre la signification d’un jugement et l’expulsion; la circulaire ministérielle bruxelloise imposant un « moratoire hivernal » pour l’expulsion d’unlogement social; et la proposition de loi Santkin et consorts qui vise, d’une part, à allonger le délai entre le jugement et l’expulsion à six mois et, d’autrepart, à étendre la clause hivernale au parc du logement privé. Enfin, l’expulsion a été présentée sous différentes facettes : dramehumain pour les personnes expulsées, dernier recours pour des propriétaires qui ont besoin des loyers pour rembourser leurs emprunts hypothécaires, mobilisation coûteusedes pouvoirs publics (enlèvement des biens déposés sur le trottoir, relogement, etc.). Il apparaît donc urgent de mettre sur pied une véritable politique deprévention pour éviter de telles situations.
Isabelle Brandon, juge de paix, illustre cette problématique : « Si la dignité humaine n’a pas de prix, celui du logement en a un. Et il est élevé! En Régionbruxelloise, le prix des appartements à deux chambres dépasse les 20.000 francs à Schaerbeek et les 30.000 francs à Ixelles. Or, un chef de ménage perçoit aumaximum 29.015 francs par mois, s’il est minimexé, et 36.296 francs, s’il est au chômage (chiffres au 1er janvier 2001). » La détresse financière des locatairesou candidats locataires apparaît évidente. « Autre fait révélateur, poursuit l’intervenante, la plupart des jugements pour expulsion sont prononcés pardéfaut. Les locataires savent très bien qu’ils n’ont aucune chance. Ils savent qu’ils doivent payer, mais n’ont pas la possibilité de le faire. »D’un autre point de vue, elle estime qu’ »on ne souligne pas assez la détresse des bailleurs. Certains n’ont que cela pour vivre. Il faut en finir avec le mythe despropriétaires riches. Il existe aussi des ouvriers propriétaires ».
Pour la juge de paix, « les moratoires ou l’allongement de délais servent à retarder l’expulsion, mais dans le fond ce ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois.Si les bailleurs trouvent ces délais trop longs, ils risquent de recourir aux voies de fait plutôt que d’aller chez le juge. Ils mettront les affaires des locataires dehors. Or, lefondement de la justice, c’est d’éviter d’en arriver à des voies de fait. De plus, en cas de nouvelle poussée des loyers, on n’empêchera pas despersonnes de se retrouver à la rue. Si on veut de vraies solutions, il faut associer une pensée économique alternative relative au marché du logement pour changer lapensée juridique. Il faut cesser de croire que le juge va tout arranger. Le problème du droit à un logement décent est un problème qui doit êtreréglé par l’ensemble de la société ».
De son côté, Marcel Mignon, huissier de justice, apprécie la proposition de loi de Santkin et consorts, mais s’interroge sur d’éventuels effets pervers : »L’allongement des délais de un à six mois ne risque-t-il pas d’entraîner une augmentation de la dette des locataires? Les bailleurs vont-ils en venir à desvoies de fait vis-à-vis des locataires? Ne va-t-on pas être confronté à une course à l’expulsion avant et après l’hiver? » Il est aussi surpris dela sous-information des locataires3 : « Ces personnes ignorent tout des démarches à entreprendre au niveau de la première étape de la procédure d’expulsion. Sielles l’étaient mieux, cela permettrait de régler beaucoup plus d’affaires à l’amiable. Par ailleurs, il ne faut pas se contenter de reloger les personnesexpulsées. Il faut aussi prévoir une guidance budgétaire, un plan d’apurement de dettes, un suivi psychologique, voire familial. »
1 Square Albert Ier 32 à 1070 Bruxelles, tél. : 02 524 42 03, e-mail : syndicatdeslocataires@swing.be
2 Bd Botanique 43 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 211 78 44, e-mail : nbernard@fusl.ac.be
3 Ils considèrent toujours les huissiers comme des mandataires des propriétaires, alors que les huissiers sont des auxiliaires de justice.

Baudouin Massart

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