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Regard critique · Justice sociale

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"Conte et expression artistique en maison d'accueil : support et tremplin"

15-01-2001 Alter Échos n° 89

« Madame Bidule qui raconte des histoires »… c’est ainsi que les enfants de la maison d’accueil l’Églantier à Braine-l’Alleud, appellent Myriam Mallié1. Celle-ci animel’atelier contes et expression artistique (peinture, argile, papier mâché,…) une fois par mois depuis 14 ans. Le conte est un bon moyen d’entrer en contact, dit-elle. Unecomplémentarité indissociable au travail produit par l’équipe de la maison.
Ìacqueline Demeyere, la psychomotricienne de la maison qui accompagne la conteuse, appelle chaque personne par son prénom (nommer redonne à chacun sa place et sonidentité) et pose la question rituelle : « Tu es là. Es-tu prêt à entendre l’histoire ? » À la fin de chaque histoire succède un temps d’échange, pourcelle ou celui qui le souhaite. « Cela me fait penser à l’Églantier. Tu arrives ici, tu es dans le vide total et puis t’as le coup de pouce et tu redémarres. Il a fallu cetteclé » partage Andrée. « Le géant c’est un peu nos rêves, j’imagine que c’est une force en nous qui nous pousse », comprend Marie-Pierre. « Je suis impressionnée par laforce du géant et la fragilité dans la demande de tendresse », retient Jacqueline. « Je sens que cette histoire retrace ma vie, cet homme désespéré de vendre samaison. Nous avons dû nous enfuir à cause de la guerre. J’ai vécu six ans avec mon mari, qui est parti. (…) J’ai un frère qui est né le jour de Noël »,confie Adria, pour la première fois depuis son arrivée à l’Églantier. ÂC’est une histoire violente qui met en scène des choses contrastées de bonheuret de désespoir, de force et de fragilité. C’est une histoire de fin et de commencement, c’est l’histoire de Noël », perçoit Myriam. La force des contes tient desrésonances personnelles toujours profondes. Ils aboutissent à des échanges riches parce qu’ils offrent une multiplicité de facettes. « Mais cela reste difficile de voir lecommencement d’une chose dans la fin de la précédente. Le passage est quelque fois difficile à négocier. Pourtant, toute fin porte son commencement », conclut laconteuse-thérapeute. Un temps d’expression qui donne une suite à l’histoire par l’expression artistique. Ce jour, travail de l’argile. « Ce qui compte, c’est ce qui sort de mes mains,pas de ma tête », intervient l’artiste. Un débriefing entre les deux professionnelles clôture l’atelier. Une manière de voir l’évolution de chaque participant.
Tout est important dans la séance : la manière de s’installer, dont le conte est écouté, dont on prend ou non la parole, les interruptions éventuelles, tout ce quipeut surgir, déranger. Myriam Mallié ne sait jamais à l’avance s’il y aura plus d’enfants ou d’adultes. « C’est toujours une surprise. La présence des adultes aide lesenfants lors du conte ; dans les ateliers d’expression les enfants, plus spontanés, aident les adultes à trouver leur énergie », observe Myriam Mallié. « Je veille àce que chaque atelier soit clos sur lui-même, sans le moindre forcing par rapport à l’émotionnel. L’élaboration d’un travail intérieur ne peut se faire de force. Ilest un apprivoisement long et lent. » D’où la présence d’un membre de l’équipe, qui est en soi un garde-fou, permet de recadrer d’éventuelles demandes affectives et derelayer des thèmes à aborder en d’autres lieux. Plutôt que de se baser sur son inquiétude, Myriam Mallié se repose sur le risque qu’il se passera quelque chose debon. « Se laisser guider par le plaisir et par son émotion est la meilleure garantie. Je ne raconte que ce qui me touche. » Elle reprend les contes de son répertoire dont elle atravaillé les thèmes (la solitude, la séparation, la protection, la maternité, …) et les images. « Lors de chaque partage, j’enrichis ma propre lecture, ce qui estune bonne manière d’avancer dans mon propre travail. » Le conte est un temps d’arrêt que prennent les femmes, que prennent les mamans. Des mamans qui, le soir, racontent à leurtour une histoire pour endormir leurs petits. Cet atelier se base sur l’expression et la création, sur un processus de transformation personnelle possible. Le libre engagement en est unecondition impérative. Et la démarche, pour réussir, doit être soutenue par l’équipe et la direction. « Myriam a toujours manifesté cette proximité avecles personnes hébergées et leurs enfants, dès le premier contact. Elle a une grande sensibilité et qu’elle soit une femme est important parce qu’elle est unmodèle »4 partage Ivan Grégoire, directeur de l’Églantier.
1 Myriam Mallié, asbl Art et Conte, rue des Combattants 84 à 5621 Hanzinne, tél. : 071 50 35 18.

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