Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

"Azimut, coopérative d'activités sur les starting blocks"

09-04-2001 Alter Échos n° 95

« Si vous ne trouvez pas d’emploi, créez-le ». Cette formule, un tantinet démago, qu’on rabâche à tous les chômeurs en mal de travail, a fait réagir deuxfrançais, Elisabeth Bost et Dominique Giacometti. En plein cœur de Lyon, ils créent une « couveuse d’entreprises ». L’idée : rendre possible le passage du statut dechômeur à celui d’entrepreneur. Humainement, statutairement, juridiquement, commercialement… tout doit être garanti pour ne pas envoyer au casse-pipe ceux qui osent faire lepas. Une nuance toutefois. Si tout est prévu, rien n’est dû. Cap Services1 – c’est le nom de la couveuse – refuse de mettre les entrepreneurs dans un roled’assisté.
L’expérience française va séduire deux jeunes Belges, Jean-François Coutelier et Benoît Smets, familiers des agences-conseils puisque Jean-François Coutelierfut responsable de l‘agence-conseil Aces et Benoît Smets en est l’actuel directeur. Le 15 novembre 1999, ils décident de faire le grand saut et créent, avec le soutiend’Aces, Azimut scrlfs2, une société coopérative d’activités à finalité sociale et la capitalisent avec leurs propres deniers à hauteur de 750.000francs. « L’objectif premier d’Azimut est de lever certains obstacles à la création d’entreprise et de permettre à des chômeurs et autres personnes qui ont un projet del’expérimenter grandeur nature avec une diminution maximum des risques inhérents au démarrage d’une nouvelle activité, explique Jean-François Coutelier,administrateur délégué.
« Jusqu’au boutistes », les deux initiateurs, à présent au nombre de quatre associés, ont fait leur la maxime selon laquelle « le conseil à la création d’entrepriseest davantage crédible lorsqu’il émane d’entrepreneurs ». C’est pourquoi, outre la création de la structure d’accueil, ils se sont partiellement lancés dans ledéveloppement d’une activité propre au sein de leur coopérative. Spécialisé en réseau informatique, Jean-François Coutelier gère « Dam-net »– Développement, administration et maintenance réseau. Benoît Smets, plus familier des outils de gestion, s’est investi quant à lui dans Co-Management Services,axé sur le management de transition ou de crise.
Mais revenons un instant à ce qui a motivé nos deux entrepreneurs : « Pour avoir travaillé dans le secteur de l’économie sociale, remarque Jean-François Coutelier,nous avons constaté que l’obsession vers l’emploi conduit à des effets pervers si on oublie les fondements économiques de l’entreprise. Nous avons égalementété confrontés à la limite des outils de conseil classique pour certains types de projet et à la peur de candidats entrepreneurs qui n’osent pas se lancer. »
Type de public
Le public visé est les entrepreneurs « par volonté »ð(pas les entrepreneurs « génétiques » dont le papa était déjà dans le commerce, etc.) qui ont peude réseau et de financement, souvent sans emploi, ils ont la connaissance d’un savoir-faire, ont fait le tour des structures d’accompagnement.
Les activités de la couveuse couvrent principalement les services et l’artisanat avec quelques limites comme l’accès à la profession exigée avant l’entrée dans lacoopérative, une connaissance du métier, le besoin de peu d’investissement. Les activités que l’assurance ne peut couvrir ou qui offrent au client une assurance ou une garantiedécennale sont d’office écartées.
Fonctionnement
ü la différence d’autres initiatives d’accompagnement à la création d’entreprise, aucun business plan n’est prévu. Pour les initiateurs, il n‘existe pas de bonou de mauvais projets mais des projets qui trouvent des clients et d’autres pas. L’accompagnement est essentiellement dirigé vers la recherche du client. Ici encore, Jean-FrançoisCoutelier rappelle qu’il n’est pas question de faire de l’assistanat, « c’est une relation d’entrepreneur à entrepreneur ».
« Au niveau de la comptabilité, toutes les factures (clients et fournisseurs) passent par la coopérative, précise Jean-François. La facture est établie au nom del’entrepreneur mais le centre de facturation reste la coopérative. Un compte par entrepreneur (compte et bilan) est tiré mensuellement. Pas un franc ne sort s’il n’est d’abordrentré. » Les services de compta, de secrétariat, de téléphone sont en partie financés par le prélèvement de 10% du chiffre d’affaires del’entrepreneur. Quand celui-ci aura pris de l’ampleur, le prélèvement des 10% l’incitera à voler de ses propres ailes. À la sortie de la coopérative, unenégociation avec les banques peut se faire sur la base du chiffre réel et non pas d’hypothèses.
« L’avantage de la coopérative permet une mutualisation des moyens et des services, précise encore le responsable de Dam Net. On offre la possibilité d’ateliers à lademande, il y a également une réunion mensuelle entre entrepreneurs histoire d’échanger ses expériences et qui sait, de créer des partenariats… Aprèsl’année de « couvage », et après avoir gouté et testé une expérience d’entrepreuneuriat collectif, il est aussi possible de rester dans la coopérative. »
Statut
La difficulté d’une telle entreprise réside, on le devine, dans le statut octroyé aux apprentis entrepreneurs : il doit s’agir d’un statut permettant « d’essayer pour voir ». Lerevenu progressif est lié à l’évolution de l’activité avec un maintien de l’allocation de chômage déduite des revenus de l’activité. Ce statut permetune entrée et une sortie rapide avec une possibilité de retour au statut initial en cas d’échec, le plus souvent celui de demandeur d’emploi. Le cadre juridique existedéjà en France : l’entrepreneur y est salarié part-time proportionnellement au revenu dégagé par son activité, il reçoit une allocationcomplémentaire du chômage (maintien du revenu de départ) et il peut rester salarié dans la coopérative. En Belgique, il a fallu créer un cadred’expérimentation pilote renouvelable pour un an. Une lettre ministérielle fédérale émanant de Laurette Onkelinx devrait être signée sous peu, ellepermettra d’octroyer avec le consentement de l’inspection du travail et de l’Onem, une sorte de dérogation au demandeur d’emploi candidat entrepreneur dans la coopératived’activités. Comme en France, l’entrepreneur y sera salarié part-time proportionnellement au revenu dégagé par son activité mais au minimum à 1/3 temps,alors qu’en France, on peut imaginer sans problème un 1/20e temps. La durée du test grandeur nature est limitée à un an. L’agrément des coopérativesd’activités se fait par la ministre.
Financement
La coopérative d’activités devrait démarrer dés signature de la lettre ministérielle. Les financements regroupent la Fondation Roi Baudouin (financement de lapré-étude juridique), le FSE à travers le programme Integra (préparation du projet), la Région wal
lonne à hauteur de 7 millions via le cabinet Kubla3 (miseen place de l’outil, frais de fonctionnement et d’accompagnement, transfert du know-how français) et la Cera Foundation, en principe rejointe sous peu par d’autres partenaires privés.En outre, deux emplois temps plein seront affectés au projet.
Dès à présent, le centre bruxellois d’entreprises Dansaert et APES, agence-conseil luxembourgeoise, se sont montrés intéressés et ont égalementl’intention de créer une coopérative d’activités.
1 CAP Services, rue Duphot 9 à F-69003 Lyon, France, tél. : +33 4 72 84 61 20, site Web : http://www.cooperer.org
2 Azimut, rue Louis Haute 6 à 5020 Vedrin, tél. : 0495/56 69 80, contact : Benoit Smets.
3 Cabinet Kubla, square Arthur Masson 6 à 5000 Namur, tél. : 081 25 38 11, fax : 081 25 39 99.

Agence Alter

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)