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""Articuler l'école et l'entreprise" de Bernard Fusulier : l'alternance en perspective"

27-07-2001 Alter Échos n° 102

Le tout récent ouvrage « Articuler l’école et l’entreprise »1 propose un bilan des formations alternées organisées dans notre Communauté.Arrêté au seuil de l’an 2000, ce bilan, que l’auteur B. Fusulier (universités de Louvain et de Mons-Hainaut et FTU) qualifie de  » mitigé « , vient opportunémentéclairer les antécédents des décisions politiques prises récemment en la matière.
Si de multiples discours encouragent l’émergence d’un modèle éducatif basé sur des rapports « étroits et équilibrés » entre école etentreprise et si le nombre d’élèves fréquentant l’enseignement en alternance présente « une croissance certaine quoique singulièrement limitée »,l’évolution de cet enseignement depuis son amorce au début des années 80 a consacré sa  » double marginalité ». A la fois dans la sphère éducativeet dans celle de l’économie. Les jeunes fréquentant les diverses formes d’alternance (et particulièrement les CEFA) se trouvent en effet au bas de lahiérarchie scolaire, ce qui laisse donc « le reste de la logique de formation scolaire grosso modo inchangée ». Mais la marginalité de l’alternance est encore plus nette ausein du système productif (elle se marque par exemple au travers du faible investissement dans la formation continuée) ; elle connaît donc pour cette raison uneinstitutionnalisation (une inscription dans des textes officiels et une mise en pratique) « asymétrique ».
Dégageant les deux logiques idéal-typiques auxquelles peuvent être ramenées les formations en alternance (des CEFA comme du plein exercice), B. Fusulier distingue :
> une logique d’action qualifiante (visant à doter les élèves de compétences techniques élevées)
> une logique socialisatrice favorisant l’intégration de « significations, valeurs et normes de comportement sociaux et plus spécifiquement professionnels »).
La seconde ayant tendance à supplanter la première, selon le chercheur qui se base toutefois sur des données quantitatives très partielles. Cela l’amèneà conclure son évaluation en avançant que « le développement quantitatif des CEFA se présenterait davantage comme un symptôme des difficultés » scolaireset sociales éprouvées face à certains jeunes que comme un changement profond.
Mais une analyse « macroscopique » ne permet pas nécessairement de détecter les situations de terrain, potentiellement porteuses d’innovations et susceptibles de fournir desenseignements pour l’avenir. B . Fusulier s’est donc, dans la seconde partie de son livre, attaché à l’étude détaillée d’uneexpérience atypique : la coopération entre l’Université du travail (l’Institut provincial d’enseignement technique secondaire de Charleroi) et Cockerill Sambre.Qualifiée de « Rolls-Royce », cette coopération nouée depuis 1991 permet, chaque année, à quinze élèves de 7ème professionnelle de recevoir, deuxjours par semaine et en usine, une formation spécifique de techniciens de maintenance, sans être intégrés dans la production. L’alternance de séquencesd’enseignement à l’UT et au sein de l’entreprise est particulière en ce que chacun des deux pôles a opéré un important « travail d’ajustementsorganisationnels » (investissements matériel, humain…). B. Fusulier explique ce travail tant par les intérêts des acteurs (une confrontation plus crédible desélèves à la « réalité », la connexion au projet de modernisation de l’entreprise, l’engagement de diverses personnalités…) que par une symboliquepermettant à l’UT de se référer  » naturellement  » à un compromis « civique-industriel » avec une « entreprise citoyenne », grâce à des rapports de confiancenoués au fil de l’élaboration concrète des échanges.
Plus généralement, c’est d’ailleurs à partir de ces différents plans d’analyse (intérêt, sens et confiance) que l’on comprendpourquoi, sur fond de soupçon entre des univers antagonistes, la logique socialisatrice est généralement privilégiée, contrairement à l’exempledécrit. L’auteur invite finalement à mobiliser le  » paradigme éducatif des écoles industrielles  » et, dans les entreprises, le principe d’ » organisationqualifiante  » pour favoriser une alternance plus axée sur le compétences techniques.
1 Bernard Fusilier, Articuler l’école et l’entreprise, L’Harmattan, Académia-Bruylant, Paris, Louvain-la-Neuve, 2001. (Collection  » Logiques sociales « .)

Donat Carlier

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