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Regard critique · Justice sociale

Précarité énergétique

Précarité énergétique, où en est-on?

Ces lundi et mardi 24 et 25 avril se tenait à Bruxelles la conférence sur la pauvreté énergétique et les moyens d’améliorer l’efficacité énergétique dans les immeubles résidentiels des pays de l’Europe de l’Est, dans ou hors UE. L’occasion de faire le point sur la situation de la Belgique par rapport aux recommandations de l’ONG «Habitat for Humanity International», organisatrice de la conférence.

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Ces lundi et mardi 24 et 25 avril se tenait à Bruxelles la conférence sur la pauvreté énergétique et les moyens d’améliorer l’efficacité énergétique dans les immeubles résidentiels des pays de l’Europe de l’Est, dans ou hors UE. L’occasion de faire le point sur la situation de la Belgique par rapport aux recommandations de l’ONG «Habitat for Humanity International», organisatrice de la conférence.

Ces 24 et 25 avril, la conférence «Reducing Energy Poverty by Energy Efficiency Projects in Residential Buildings: The Case for Eastern Europe», organisée par Habitat for Humanity International (HFHI), une ONG internationale spécialisée dans la création de logements abordables, a pris ses quartiers à Bruxelles dans la Maison des associations internationales. Résultat de plusieurs années de collecte d’informations et d’études, le rapport présenté était l’occasion pour les représentants de différents pays d’Europe de l’Est de présenter les efforts déployés par leurs gouvernements respectifs. Et la première chose à retenir, c’est que la précarité énergétique est une question complexe à définir. «Aujourd’hui, la précarité énergétique n’est ni définie par la Belgique ni par l’Union européenne, explique François Grévisse, coordinateur à la cellule énergie de la Fédération des services sociaux (FDSS), il y a cette règle des 10% (première définition de la précarité énergétique qui dit qu’un ménage est en pauvreté énergétique si plus de 10% de son budget passe dans le chauffage, NDLR), mais c’est un peu vicieux, on est dans l’hypothèse, c’est difficilement vérifiable. On prend souvent l’exemple de la reine d’Angleterre qui est en précarité énergétique avec toutes ses résidences», plaisante-t-il. En Belgique, si la notion n’est pas définie clairement par la loi, on se repose sur deux indices plus pragmatiques mais qui restent aussi difficiles à utiliser pour des diagnostics ciblés. Dans le premier cas, on épingle les gens qui surconsomment par rapport à leur revenu et dans le deuxième les gens qui sous-consomment par rapport à une norme absolue, ce qui pourrait indiquer une privation.

L’exemple slovaque

En Europe, les précurseurs en matière de rénovation de logement sont les Slovaques. Dès les années nonante, la Slovaquie a amorcé un vaste plan de rénovation des immeubles d’habitation dans le pays. Une priorité puisque près de 50% de la population vit dans ce type d’habitation et que la plupart des immeubles sont des constructions en préfabriqué datant des années 70-80. Et si à l’époque ce n’était pas les questions énergétiques et écologiques qui motivaient le projet, les choses ont changé depuis. Aujourd’hui, la Slovaquie dispose d’un système d’aide à la rénovation des plus performants alliant subsides et prêts à taux réduits. Depuis la mise en place de ce programme, on estime que 50% des immeubles d’habitation ont pu être rénovés. La Slovaquie est en outre l’un des rares pays à avoir défini la précarité énergétique dans la loi depuis 2012.

L’événement était donc l’occasion pour HFHI de présenter les résultats de leurs travaux sur la question au travers de plusieurs recommandations politiques. François Grévisse met en parallèle ces recommandations et les actions belges en la matière. Tout d’abord, HFHI plaide pour l’instauration de normes légales à respecter en termes d’efficacité énergétique dans les immeubles d’habitation et pour une meilleure organisation, de la relation entre les propriétaires. De fait, la plupart des immeubles sont partagés entre plusieurs propriétaires, ce qui complique la mise en œuvre de travaux importants. En Belgique, il existe bien entendu des normes légales suite aux demandes de l’UE. «Il existe des normes légales selon les Régions, les performances énergétiques du bâtiment (PEB) mais qui ne sont pas contraignantes sur l’existant», explique François Grévisse. Les normes s’appliquent donc uniquement en cas de rénovation lourde ou de construction.

«Aujourd’hui, la précarité énergétique n’est ni définie par la Belgique ni par l’Union européenne.» François Grévisse, FdSS

Une autre piste avancée dans le domaine social est de créer des aides nationales et locales à la rénovation. Notamment pour réduire la durée de l’amortissement et rendre les investissements plus attractifs pour les propriétaires. Mais il est évident que pour débloquer la situation les mesures doivent aussi toucher le secteur financier. La totalité des frais ne pouvant être couverte par les subsides. Ici, un autre problème se dresse: les gens touchés par la précarité voient souvent leur demande de prêt refusée. Le HFHI plaide dès lors pour que les associations de propriétaires créent un compte commun devant servir de base pour la maintenance de leur bien. Cet argent aurait aussi pour but de rassurer les banques sur la viabilité de remboursement des prêts contractés par les associations de propriétaires pour la rénovation de leurs logis.

Prêts verts ? Anecdotique

À noter que les aides sociales pour lutter contre la pauvreté énergétique sont assez difficiles à mettre en place. D’une part parce que la précarité énergétique n’est pas définie officiellement par l’UE et la plupart des États membres. En Belgique, par exemple il existe un tarif social pour l’électricité ou le gaz accessible selon certains critères. Malheureusement, il ne s’adresse qu’à une partie de la population déjà soutenue par une série d’aides financières et donc reste hors de portée pour certains ménages en difficulté énergétique. Autre exemple, chez nous un système de prêts verts a également été mis en place pour permettre des prêts à la rénovation à taux réduits. «C’est resté assez anecdotique», commente François Grevisse; «ça marche modérément auprès des publics fragilisés qui ne savent pas rembourser les prêts.» D’autre part parce que ses causes sont multifactorielles. Le revenu entre bien évidemment en ligne de compte ainsi que l’état du logement ou la situation familiale mais également le statut de l’habitant. Sur ce dernier point, le coordinateur de la cellule énergie pointe un autre problème de ces incitants financiers dans les grandes villes comme Bruxelles, le split incentive: «À Bruxelles il y a beaucoup de locataires; les propriétaires ne voient pas l’intérêt de rénover puisque ils n’y habitent pas et les locataires non plus parce que le bénéfice final n’est pas pour eux», explique-t-il.

Mais le point d’orgue de ces recommandations reste l’information. Il est essentiel pour HFHI que l’UE et les États informent un maximum les citoyens sur les questions d’efficacité énergétique et sur l’amélioration du bien-être en général. De ce côté, c’est la Macédoine qui remporte la palme puisque les questions d’efficacité énergétique sont incluses dans le programme de toutes les écoles secondaires professionnelles ainsi que dans certains cursus universitaires. En Belgique, des actions ponctuelles sont organisées par diverses associations mais, de nouveau, le manque de définition claire a empêché jusqu’ici des campagnes de grande ampleur de voir le jour. Aujourd’hui, les pouvoirs publics se conscientisent à cette problématique: par exemple, la SLRB et Bruxelles Environnement commencent à développer des outils de compréhension et de sensibilisation. Par ailleurs, HFHI demande aussi aux États de meilleurs échanges d’informations entre eux sur ces questions. Le but serait qu’à terme un recueil de bonnes pratiques à destination des citoyens puisse être élaboré sur la base des expériences menées en Europe.

Si la conférence portait avant tout sur l’Europe de l’Est, le problème touche tout le continent. La Belgique est la 14e population de l’UE à avoir du mal pour se chauffer correctement.

Une vidéo du CVB

Depuis 2011, la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) a entamé une rénovation complète de son parc immobilier pour en améliorer les performances énergétiques. Dans l’optique d’informer les futurs locataires, elle s’est associée avec le Centre vidéo de Bruxelles (CVB) pour développer une vidéo-outil (lire «Une vidéo pour mieux utiliser les logements sociaux basse énergie», 9 mai 2017).

En savoir plus

«La facture d’énergie, cet obscur objet du déplaisir», Alter Échos n° 443, Martine Vandemeulebroucke, 25 avril 2017

Alexandre Decoster

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