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Regard critique · Justice sociale

Social

Les Restos du cœur font de vieux os

De plus en plus de jeunes en décrochage et de personnes âgées fréquentent les Restos du cœur.

07-03-2011 Alter Échos n° 311

Les Restos du cœur font le point après 25 ans d’existence. Leurs missions ont évolué. Leur public également. De plus en plus de jeunes en décrochage et depersonnes âgées fréquentent leur table.

Il y a des bougies qu’on éviterait bien de souffler… Ce 24 février, les Restos du cœur célébraient leurs 25 ans d’existence en organisant un colloque sur lelieu même de leur naissance : à l’ULB. Mais « l’utopie ce serait de pouvoir se passer des Restos du cœur », soulignait Roberto Gallante, directeur duResto de Namur.

L’aventure des Restos du cœur en Belgique a commencé en 1986, quand cinq étudiants de Solvay décident de répondre à l’appel de Coluche diffusé surles ondes d’Europe 1. « On ne savait absolument pas comment s’y prendre et dans quoi on s’engageait. On a demandé de l’aide à nos profs, actifs au sein de différentesentreprises. Il y avait des sacs de riz partout dans le couloir de l’auditoire Janson », se souvient Daniel, qui 25 ans après, semble encore tout étonné dusuccès de l’opération. Après trois mois de fonctionnement, l’opération permettait de distribuer 6 000 repas par jour ! « A l’époque, il n’y avaitpas d’Afsca, pas de contrôle pour l’accès à la profession de cuisinier, pas de concurrence entre les ONG. Aujourd’hui, on n’aurait jamais pu monter une telleopération. »

Les Restos du cœur comptent à présent 15 entités (11 en Wallonie, 2 à Bruxelles et 2 en Flandre), fonctionnant chacune selon des caractéristiques qui luisont propres. Si leur mission principale reste d’offrir un repas chaud aux plus démunis, leur mission a évolué au fil des années pour offrir des servicessupplémentaires : aide sociale, juridique, administrative, soins médicaux, espace bibliothèque, coiffure… Avec l’embauche d’art. 60, ils participent à laréinsertion professionnelle. Des partenariats sont créés avec les associations locales, les écoles de devoirs, les maisons médicales. Bref, loin de ne faire que del’alimentaire pur et dur, de la charité façon vieille école, les Restos du cœur sont de plus en plus une porte d’entrée dans un processus d’intégration ausens large.

Plus jeune ou plus âgé

Dans les années 80, la création des Restos du cœur mettait en avant la misère cachée de la société. « A l’époque, personne nevoulait admettre qu’on pouvait manquer de quoi manger dans nos populations aussi », se souvient Daniel. Deux décennies plus tard, les Restos du cœur continuent d’être« un lieu de visibilisation des invisibles », remarque Laurence Noël, chercheuse au Groupe de recherche sur l’action publique (Grap)1 et auteure del’étude « 25 ans de Restos du cœur en Belgique : enjeux actuels et perspectives ». « De plus en plus de familles, de sans-papiers, de travailleurprécaires fréquentent les Restos. On observe aussi une complexification des situations traversées par les personnes qui viennent et une augmentation des problèmespsychologiques », note la chercheuse.

« Les jeunes en décrochage et les personnes âgées sont les deux catégories qui sont de plus en plus présentes, s’inquiète pour sa part Yvonnel’Hoest, présidente de la Fédération des Restos du cœur2. En ce qui concerne les seniors cette augmentation tourne autour de 10 à 15 % paran ». Plusieurs Restos (dont Mons, Namur, Liège et Saint-Gilles) ont d’ailleurs mis en place des activités pour ce public.

Marie-Thérèse Casman, responsable du service Panel Démographie familiale à l’ULG, souligne à quel point les aînés sont vulnérables faceà la précarité. Et de citer quelques chiffres éloquents : 10 % des plus de 70 ans disent n’avoir personne à qui se confier. En termes de mobilité,25 % ne disposent d’aucun service (poste, boulangerie, banque, médecin..) accessible à pied de chez eux. Les plus de 65 ans connaissent un taux de risque de pauvreté de21,6 %, contre 10,6 % chez les 25-49 ans.

« La pauvreté s’accompagne d’un sentiment de honte, l’impression de ne pas avoir sa place dans la société », déplore Marie-ThérèseCasman. Dans ce contexte, poursuit la sociologue, « les Restos du cœur jouent un rôle important en recréant du lien, en leur donnant le sentiment d’appartenir àun groupe. Il y a un attachement qui se crée entre les usagers et les bénévoles ».

1. Groupe de recherche sur l’action publique (Grap) :
– adresse : avenue Franklin Roosevelt, 50 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 650 49 78
– site : www.ulb.ac.be/soco/grap
2. Fédération Restos du cœur :
– adresse : rue Vinave, 4 à 4030 Liège
– tél. : 04 247 15 71
– courriel : federation@restosducoeur.be
– site : www.restosducoeur.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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