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Regard critique · Justice sociale

Le monde d’après

Les humains sont prédisposés à la socialité. Pour preuve : les neurones miroirs et le développement des réseaux sociaux. Jeremy Rifkin prévoitune troisième révolution industrielle basée sur le partage.

25-06-2011 Alter Échos n° 318

Les humains sont prédisposés à la socialité. Pour preuve : les neurones miroirs et le développement des réseaux sociaux. C’est ce qu’affirme JeremyRifkin qui prévoit une troisième révolution industrielle basée sur le partage. Pour le penseur américain, les conditions sont réunies pour un sursautinternational. Encore faut-il que « les gens comprennent qu’une autre histoire est possible. »

D’habitude, les économistes n’aiment pas jouer les prophètes. Pourtant, à force d’ausculter le présent, certains développent des intuitions sur ce que pourraitêtre le monde de demain. C’est le cas de l’Américain Jeremy Rifkin dans son dernier opus : « Une nouvelle conscience pour un monde en crise »1. L’ouvrageque signe le directeur de l’influente Foundation on Economic Trends de Washington pourrait faire date dans notre approche de l’humanité, car Rifkin ne s’y livre pas seulement à unexercice de prospective économique. Non, ce sont plutôt les lignes de force d’un avenir vivable qu’y trace l’auteur de « La Fin du travail ». En partant d’unconstat amer : jamais le monde n’a paru si totalement unifié par le maillage de la mondialisation marchande, et jamais aussi sauvagement déchiré par l’ampleur de la crisefinancière et des déprédations écologiques.

Révoltes arabes, catastrophe climatique et nucléaire au Japon… Sur des terrains géographiques et politiques divers, selon des modes opératoires multiples, lesévénements planétaires d’aujourd’hui provoquent un sentiment de compassion partagé. Mais, malgré tous nos efforts, nous ne sommes pas à lahauteur des défis. Le slogan « Think globally, act locally » reste hélas, selon Rifkin, une exhortation pieuse. En cause ? Nos états de conscience, encoreagencés aux ères précédentes de l’histoire.

Violence, populisme, xénophobie, égoïsme forment le visage amer et agressif d’une époque fébrile et dure à la fois. Pour sa démonstration, Rifkinrecourt à des notions tirées de la thermodynamique, comme l’entropie qui mesure le désordre d’un système et qui, omniprésente, incarne l’imageinversée de l’empathie. Pourtant, avance Rifkin au terme d’une réflexion impressionnante dans l’art de convoquer tous les types de savoir (histoire, philosophie, psychologie,sciences pures), nous serions à la veille d’un tournant historique.

Homo empathicus

L’humanité doit, selon lui, faire face à une tâche redoutable : pour la première fois, il nous faut aller à l’encontre de notre propre histoire en tantqu’espèce, c’est-à-dire créer une nouvelle civilisation plus interdépendante qui consomme moins d’énergie, d’une manière qui permette à l’empathie depoursuivre sa maturation et à la conscience mondiale de s’étendre « jusqu’au moment où nous aurons rempli la Terre de notre compassion plutôt que dedéchets énergétiques ». On craint la lourdeur des bons sentiments et des beaux idéaux conceptuels. Rifkin les évite grâce à sonimpressionnante érudition.

Et de parier sur l’émergence d’une « conscience empathique ». La montée d’une « génération du millénaire » àla sensibilité empathique croissante est sans doute notre meilleur « va-tout ». Elle, qui a grandi sur Internet, a l’habitude d’interagir et d’apprendre dans desréseaux sociaux ouverts où l’information ne se thésaurise pas mais se partage. Une nouvelle jeunesse qui n’est plus si réceptive à l’esprit de compétitionmais recherche l’esprit de coopération pour s’instruire et qui apprécie de s’engager dans des organisations soucieuses d’améliorer la qualité de vie encommunauté. Cette vague est mondiale : des pays arabes à la Chine, on observe désormais, grâce à Internet, une implication active de la jeunesse dans tous lesmouvements citoyens, se réjouit Rifkin. L’émergence de cette empathie tend à balayer le postulat d’origine selon lequel le savoir est le pouvoir pour laisser place à unevision où le savoir devient un moyen d’expression de nos responsabilités communes pour le bien-être collectif.

Reste à faire évoluer notre conception de la nature humaine pour révolutionner notre façon de comprendre et d’organiser nos relations économiques, sociales,professionnelles et environnementales. Et prendre, enfin, nos distances avec le précepte hobbesien qui veut que « l’homme soit un loup pour l’homme ». Pour mieux entrerdans « l’ère de l’humain ».

1. Une nouvelle conscience pour un monde en crise, de Jeremy Rifkin, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise et Paul Chemla, éd. Les liens qui libèrent, 656 p.,29 €.

Rafal Naczyk

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