«Il arrive qu’il y ait des aventures»

Par Sang-Sang Wu – Photographies de Pierre Vanneste 

Différents outils permettent d’organiser la vie en communauté. Dans tous les logements, de grands tableaux donnent une vue d’ensemble des tâches à accomplir sur une ou plusieurs semaines. On y voit qu’en ce lundi soir, la préparation du souper revient à Quentin qui a opté pour une soupe au potiron et une potée liégeoise à base de pommes de terre, de haricots verts et de lardons. Ses colocataires jouent aux commis de cuisine, sous l’œil amusé de Carol-Ann.

À quelques centaines de mètres de là, toujours dans le quartier des Bruyères, la préparation du souper est déjà bien avancée. Sarah, cheffe cuistote du jour, nous reçoit en tablier. Elle a mitonné un crumble salé au haché et aux légumes cuits à la vapeur. «C’est une recette que j’ai apprise au restaurant Le Pas du jour. Je l’ai bien aimée, alors je l’ai retenue et je la refais aujourd’hui», annonce-t-elle d’emblée. Avec Aude, Baptiste, Harold et Rudy – son compagnon –, la jeune femme habite quant à elle à la maison Ensemble depuis un peu plus d’un an. À part Harold et Rudy, ce sont tous d’anciens habitants de Béthanie – une maison communautaire qui a été reprise par l’asbl Horizons neufs en 2021 – et ont donc l’habitude de vivre ensemble.

Sarah et Rudy, la trentaine, se sont rencontrés à l’école. Cela fait donc déjà un petit temps qu’ils sont en couple. Mais pour le jeune homme, quitter le cocon familial reste un défi. Il a encore souvent besoin d’aller voir ses parents. D’où son absence ce soir. La jeune femme, elle, est plus indépendante. Sans doute que son passage par un logement de transition lui a permis de prendre son envol en douceur et d’atterrir ici plus sereinement. Un logement de transition ressemble à un SLS, mais on ne peut y rester que deux ans au maximum, histoire de mettre les bénéficiaires sur les rails de l’autonomie.

Sur les seize locataires du SLS, deux couples se sont formés. «Il arrive qu’il y ait des aventures, déclare Aurore Bemelmans. La notion de couple est très explicite pour certains. Pour d’autres, c’est juste se tenir la main, et faire un bisou, c’est faire l’amour. Chacun a sa chambre pour l’instant, mais notre positionnement est d’être ouverts à ce qu’ils veulent. On n’émet aucun jugement et on est là pour les accompagner au besoin. Des formations Evras [ndlr: travail d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle] ont été organisées pour permettre aux habitants – en couple ou pas – de poser leurs questions sur le sujet. Nous, on est trop proches d’eux pour parler de ça. Et puis, ces travailleurs spécialisés sont formés pour répondre à toutes les interrogations. Il y a clairement une demande.» Les séances d’information se font en groupe, mais aussi en couple, pour leur permettre de se livrer en profondeur et d’être respectés dans leur intimité.

À la Maison des Musiciens, c’est Félicien et Nicolas (28 et 30 ans) qui sont aujourd’hui amoureux. Il y a des hauts et des bas, comme dans toutes les relations. Mais d’ici peu, une nouvelle dynamique devrait s’installer, dans ce grand logement lumineux, avec l’arrivée d’un ou d’une quatrième nouvelle colocataire, en plus d’Alexis. «On a fait un test d’une nuit, d’une semaine et ensuite de trois mois», explique Nicolas. Chacun des trois candidats – dont les noms sont tenus secrets – ont passé ces phases de test. «On refait le point avec la cheffe de service, les collègues et les résidents, avant de prendre la décision finale, complète Gwendoline, éducatrice. On essaie de voir si ça peut marcher sur le long terme ou pas, et pourquoi. Mais c’est rarement arrivé: en général, l’entente est bonne et ils se plaisent bien ici. Évidemment, on sait aussi qu’avec certaines personnalités, ça ne collera pas.»