Des repères dans la maison

Par Sang-Sang Wu – Photographies de Pierre Vanneste 

Un samedi matin d’hiver, à Louvain-la-Neuve. Dans la rue du Grand-Hornu, à hauteur du numéro 21, une camionnette bleu foncé, coffre grand ouvert, se remplit peu à peu. Elle avale sans broncher quelques vieilles chaises, des éléments de meubles désossés, des couvercles de poubelle fissurés. Pour Marjorie, Thomas, Marie et Quentin, les habitants de la Maison du Lac, c’est l’effervescence. Au programme de la journée: gros tri et rangement du débarras où se sont amoncelés divers objets au gré des emménagements successifs.

La Maison du Lac, c’est une maison unifamiliale comme on en trouve beaucoup à Louvain-la-Neuve. Sauf qu’elle fait partie du SLS d’Horizons neufs, une association qui organise en Brabant wallon l’hébergement et les activités de personnes adultes ayant un handicap. Un service de logements supervisés se veut être une alternative aux institutions classiques. «De toi à toit» – c’est son nom – met à disposition trois autres maisons communautaires et un studio individuel au sein de la cité estudiantine.

En ce «samedi communautaire» organisé une fois par mois, la Maison du Lac entreprend de jeter, donner, recycler des choses dont les résidents ne se servent plus. Et comme tout est plus agréable en musique, c’est Thomas qui se charge de la programmation du jour. Il s’improvise DJ et, visiblement, les préférences musicales de ses colocataires ne lui sont pas inconnues puisque toutes et tous se prennent à fredonner doucement les paroles des tubes d’Amel Bent ou de Gilbert Montagné. L’ambiance est à la fête, la bonne humeur gagne peu à peu tous les habitants.

Sur le coup de 11 heures, Marie, la plus discrète de la maisonnée, est missionnée par Carol-Ann, l’éducatrice qui dirige les opérations, pour abreuver tout ce petit monde. À son rythme, elle sort sept verres et les remplit soigneusement d’eau pétillante. Quelques minutes plus tard, les colocs de la Maison du Lac font joyeusement tinter leurs verres. Mais aussitôt le toast porté à l’occasion de cette belle journée qui s’annonce, Quentin, Marjorie, Marie et Thomas se remettent au travail. Il faut avoir fini avant midi, pas question de traîner. Et la musique de retentir à nouveau pour se donner du cœur à l’ouvrage.

Marie observe tout ce remue-ménage d’un coin de l’œil tout en faisant défiler des photos de son papa sur son téléphone. D’ordinaire, elle va lui rendre visite le week-end. L’équipe éducative insiste pour que tous les résidents participent aux samedis communautaires, car ces matinées de formation sont essentielles à leur mise en autonomie au quotidien. On y approfondit l’apprentissage de certaines aptitudes, on prend le temps de consolider des acquis qui, sans entretien régulier, peuvent se perdre au fil du temps.

«Les thématiques choisies pour ces formations peuvent venir de demandes émanant d’eux, car ils ont envie qu’on leur réexplique des choses, explique Carol-Ann. Par exemple, l’utilisation des taques de cuisson, de la machine à laver ou du lave-vaisselle. Il y a des fiches-outils un peu partout dans la maison et sur lesquelles ils peuvent se baser au quotidien, mais il y a encore parfois des erreurs. Récemment, on a fait une formation sur la pharmacie, pour qu’ils puissent apprendre à se désinfecter ou à panser une plaie, si un accident devait arriver. Quelquefois, les thèmes sont choisis par l’équipe éducative elle-même, en partant du constat qu’ils ne savent pas faire certaines choses, tout simplement, car on n’a pas encore eu l’occasion de leur apprendre.»

Mais les samedis communautaires sont aussi et surtout festifs, synonymes de détente: à midi, les habitants de la maison rejoignent leurs amis de la Maison des Musiciens, un autre logement communautaire de l’association. En plus de ces deux colocations, l’asbl Horizons neufs met à disposition la Maison du Verger et Ensemble. Toutes font partie du SLS De toi à toit, créé en 2014 et subsidié par l’Aviq (Agence pour une vie de qualité). Ce SLS regroupe aujourd’hui seize bénéficiaires et quatre éducateurs, ainsi qu’une cheffe de service. Fondée en 1966, l’association néo-louvaniste compte en tout dix implantations et assure l’accompagnement éducatif, social et paramédical de 84 personnes dont 48 en services résidentiels pour adultes (les institutions résidentielles classiques), 16 en SLS et 20 en accueil de jour.

Peu après midi, c’est une grande tablée qui prend place au Café des Halles, situé dans le centre, un établissement bien connu des étudiants. Autour d’un repas convivial, les habitants du Lac et les Musiciens, comme on les appelle, se racontent les aventures de leurs matinées respectives, leurs plans pour le week-end, la manière dont s’est déroulée la semaine et leurs préoccupations du moment. Après un lunch roboratif, tout le monde se réunira à la Maison du Lac pour y faire des crêpes et jouer à des jeux de société.