«Chicon, c’est une école de vie»

Mais une semaine sur Chicon dans l’archipel espagnol, ce n’est pas que le ciel, le soleil et la mer, un air exotique qui attire évidemment plus que la mer du Nord en hiver. Proximité, mal de mer, vie en équipage, promiscuité des cabines, repas collectifs, absence de réseau téléphonique. C’est aussi ça la partition Chicon. Avec ses temps forts, mais aussi des temps morts.

«On doit apprendre à vivre ensemble, à respecter la vie de la collectivité tout en gardant son intimité; c’est pas toujours simple, surtout quand t’es un peu solitaire », raconte Alexandra. « Il y a un tas de règles sur un bateau et tu dois t’y plier parce que tu es dans un équipage. Tu ne peux pas les esquiver. Et le cadre, c’est pas toujours simple. Parfois tu te sens prise pour une enfant alors que t’as déjà ton appartement dans la vie sur terre », confie Anna. «Mais du coup, tu te surpasses, poursuit-elle. J’ai eu des déclics, je ne sais pas vraiment l’expliquer… Et il y a des choses personnelles aussi. » Ça tombe bien, car, selon le dicton de Chicon : «Ce qui se passe à bord reste à bord. »

Écouter le portrait sonore d’Anna

«On n’est pas une école de voile. Chicon, c’est une école de vie», explique Thomas, qui esquisse un lien entre l’expérience de la vie en équipage avec la mise en autonomie. «L’expérience fait sens au niveau de la vie en groupe, de la responsabilité – chacun à une tâche sur un bateau – la confiance en soi, la vie quotidienne avec la cuisine, le nettoyage, les manœuvres, etc. Le bateau est en quelque sorte une expérience d’autonomie collective.»

 

Une école de la débrouille aussi

«C’est une école de la débrouille aussi!, souligne Benjamin. Tu arrives sur un bateau assez démuni, et on apprend progressivement à maîtriser l’outil qui nous permet de nous lancer dans un environnement hostile. » « Il y a dans l’expérience de la mer un mélange d’enchantement et de désenchantement. Une sorte de fascination s’observe avant de s’embarquer dans cette aventure. Puis on arrive sur le bateau, on est malade, on doit nettoyer le bateau, etc. C’est aussi ça la vie en mer », poursuit-il. Plus tout à fait jeunes, pas du tout éducateurs ou professionnels de l’Aide à la jeunesse, Benjamin et Thomas «accueillent les équipages Palan comme tous les gens qui mettent le pied sur le bateau», résume Benjamin pour décrire leur rôle. «Chaque séjour est assez différent. On se présente comme un dispositif au service des acteurs de la jeunesse. On adapte donc notre manière de travailler selon leurs besoins. »

La semaine de navigation est précédée de rencontres à Bruxelles, mais aussi, la plupart du temps, d’une journée de voile en Belgique ou aux Pays-Bas. L’occasion pour les participants de se rencontrer, d’apprendre à mieux se connaître et de mettre, souvent pour la première fois, le pied sur l’eau. «Quand tu navigues, tu portes un regard différent sur toi-même, sur le groupe, sur la société. C’est une passion et des valeurs que tu as envie de partager. Forcément, avec des jeunes, ça a beaucoup de sens. Quand ils viennent sur notre bateau aux Pays-Bas, c’est le début de leur aventure et vu que peu de personnes peuvent embarquer sur Chicon avec eux, c’est un peu notre façon de faire partie du projet », explique Nathan Ubfal, « chiconaute » averti et « amiral » d’une flotte complice et amicale qui partage ses bateaux et donne de son temps aux jeunes lors de ces journées de découverte.

«Si cela peut y ressembler, le Palan n’est pas un ‘séjour de rupture’ (séjour à l’étranger de plusieurs semaines, NDLR), l’une des mesures qui peut être prise par un pouvoir mandant, précise Thomas. Les séjours de rupture sont plus longs que ce que nous proposons. Néanmoins, c’est une case qui existe, assez rare encore en territoire bruxellois, et sur laquelle Chicon Pleine Mer pourrait être opérateur, on y réfléchit…» Qui dit pas de case, dit aussi pas de financement structurel pour les séjours Palan, bricolés avec de multiples sources de financement et beaucoup d’énergie humaine et bénévole.