Collaboration entre services sociaux et administrations

Septembre 2023, hôtel de ville de Namur. «Nous travaillons en étroite collaboration avec le secteur de l’aide sociale. C’est chronophage parfois, mais c’est notre volonté», introduit Thomas Degueldre, coordinateur cimetières. «Quand quelqu’un meurt, c’est la course contre la montre. Si personne ne se signale, on essaye de voir à qui on a affaire en termes de composition familiale, afin de vérifier s’il n’y aurait pas des gens à prévenir.» Après cette phase de recherches, il se peut que l’administration retrouve des proches. «On leur explique que ce n’est pas parce qu’une personne organise les funérailles et gère cette dépense qu’elle accepte la succession et doit donc supporter les éventuelles dettes. Par contre, comme les frais funéraires sont des charges privilégiées, s’il y a une succession, par exemple dans le cas de la vente d’un appartement, l’argent doit servir en priorité à payer cette créance.»

Après cette phase de recherches, il se peut que l’administration retrouve des proches.

Si personne ne souhaite prendre en charge le défunt, Thomas Degueldre assure le relais avec le service de pompes funèbres qui a remporté le marché public de la Ville. «Si des tiers veulent ajouter des choses, mais que ça n’incombe pas à la commune, c’est possible. Quoi qu’il arrive, on fait notre possible pour que les personnes partent avec dignité, et le fait de travailler avec les travailleurs sociaux de première ligne fluidifie les démarches.»

Cimetière de Belgrade, Namur. Au fond, la pelouse ordinaire où sont enterrés les indigents. Un bulldozer et de la terre fraîche retournée comme traces d’une inhumation récente. Deux personnes bras dessus, bras dessous déposent une fleur sur la tombe d’Isabelle, décédée quelques semaines plus tôt d’un arrêt cardiaque. «Elle a été cinq ans à la rue et puis elle en est sortie grâce au programme Housing First. Elle venait tous les samedis nous aider bénévolement, je l’aimais beaucoup. Elle était très connue à Namur», explique Céline Lepan, travailleuse sociale. Face au tas de terre sous lequel repose Isabelle, Dimitri, témoigne: «C’était ma compagne. Elle avait 47 ans, ça ne fait pas longtemps qu’elle a fêté son anniversaire. C’est la première fois que je viens aujourd’hui, avant, c’était trop dur.»

L’entraide communautaire

À quelques mètres de la pelouse où repose Isabelle, des tombes tournées vers la Mecque. «En 2007, un homme de 41 ans qui venait du centre d’accueil Croix-Rouge est décédé. Son corps n’a pas pu être rapatrié en Côte d’Ivoire à cause de la guerre. C’est la communauté qui a pris en charge son enterrement pour lui permettre le repos éternel, il a été le premier de ce carré musulman et a permis son déploiement», expliquent Nasser Ougouti et Najat Rochdi, membres du Conseil consultatif des citoyens musulmans de la Province de Namur. Avant le décès d’Hamed, les corps des défunts namurois de confession musulmane étaient soit rapatriés, soit envoyés au cimetière de Soleilmont. Pour Nasser Ougouti et Najat Rochdi, la question de l’indigence semble impossible à concevoir. «Si on apprend que, parmi les indigents, il y a un musulman, on prend les frais en charge. Ce serait une honte pour nous qu’il en soit autrement!»

En Belgique, la sépulture ordinaire en pleine terre est attribuée gratuitement à chaque personne pour une durée limitée (cinq ans au minimum), indigente ou pas.

En Belgique, la sépulture ordinaire en pleine terre est attribuée gratuitement à chaque personne pour une durée limitée (cinq ans au minimum), indigente ou pas. Après cette période, puisque ces tombes ne sont pas concédées, les restes peuvent être déposés à l’ossuaire. Si on souhaite que la dépouille mortelle reste enterrée pour une période plus longue, une concession funéraire payante est obligatoire. Celle-ci requiert l’achat d’un monument. «Dans notre religion, on ne touche pas aux morts une fois qu’ils ont accédé au repos éternel. Mais ici les défunts sont en sursis, on milite pour le respect des différences cultuelles et culturelles. En attendant, si la personne est sans ressources, on paye pour les concessions, pour les monuments et pour le rachat des concessions. On sauve les corps de l’exhumation et de l’ossuaire», clarifie le duo en marchant entre les tombes fleuries.