Des permanences sans tabou

Par Céline Teret – Photographie : Médecins du monde/Céline Teret 

Mardi, 12h. Entre les murs du Lycée provincial Hornu-Colfontaine, la sonnerie retentit. Les portes s’ouvrent, laissant s’échapper des grappes d’élèves dans la cour de récréation. Attirés comme des aimants, la plupart des jeunes se dirigent là où stationne un camping-car blanc bariolé de logos. A deux pas, sous le préau, la petite foule s’amasse autour de deux tables sur lesquelles s’étalent du matériel de sensibilisation. Des jeux, notamment, aux titres évocateurs : « Léa et Tom : en route vers la puberté » ou encore « Anatomia : outil pédagogique sur l’anatomie des organes sexuels et leur fonctionnement ». Des mains se faufilent pour en attraper quelques préservatifs en libre-service et les glisser en poche. Hésitant, les plus jeunes rôdent, déposant un regard lointain et amusé. Les plus âgés, eux, se penchent sur le matériel du jour tout en s’adressant aux animatrices avec beaucoup de familiarité : « On fait quoi aujourd’hui ? » Hormis quelques furtifs lancés de préservatifs, l’ambiance ici est à la participation. Agglutinés aux abords du camping-car, les élèves sont curieux, concentrés, intéressés. Ils et elles tendent l’oreille ou discutent, chuchotent ou rient. Parce qu’aujourd’hui, comme tous les mardi midi pendant une heure et demie, c’est la permanence de l’Adobus dans la cour de l’école. Un moment, un espace, où une équipe professionnelle vient à la rencontre des jeunes pour aborder, sans tabou, des sujets liés à la santé sexuelle, affective et relationnelle.

Veste en jeans parée de pins au drapeau arc-en-ciel, une élève de 3e année explique : « C’est bien, on peut parler avec des gens de plein de sujets. Ça nous apprend des choses, comment éviter les maladies par exemple. A l’école, on en parle peu de tout ça. Enfin… Ça dépend des gens, certains en parlent, d’autres pas. Mais c’est le seul endroit où on a vraiment des infos. » A ses côtés, un ami ajoute : « Et puis moi, je suis gay… Enfin, je crois… » Il rit et poursuit : « Et ça me permet de pouvoir poser des questions sur l’homosexualité. »

Plus loin, un groupe de quatre adolescentes de 5e année partagent également leur enthousiasme : « Ici, on peut communiquer, parler de nos problèmes, en tout confidentialité. On apprend sur les différents moyens de contraception et comment se protéger. L’équipe est super attentive, on nous explique bien les choses. On aime bien venir. » « Et puis ça fait de l’activité dans l’école, enchaîne sa copine. Chaque mardi, à 11h30, on regarde par la fenêtre de la classe pour voir si la camionnette est dans la cour. » Une autre voix s’élève du groupe de copines pour ajouter : « Ils sont ouverts à tout ici. Que tu sois trans ou lesbienne ou autre, ils répondent à tes questions sans problème. »

Gregory est éducateur stagiaire depuis quelques mois dans l’école. Surveillant dans la cour de récréation, il n’est jamais bien loin de l’Adobus et constate : « En tant qu’éducateur, on intervient dans des situations de groupe. Il y a donc parfois une limite sur les questions d’intimité. Et il y a des sujets sur lesquels les jeunes n’ont pas envie qu’on intervienne. Alors, quand on perçoit quelque chose, on redirige les jeunes vers l’Adobus où on sait qu’il y a une prise en charge personnalisée. »

Une équipe multidisciplinaire

Composée de professionnels de la santé et de l’aide à la jeunesse, l’équipe de l’Adobus est multidisciplinaire. Des référentes médicales, des psychologues, des assistantes sociales, des animatrices qui proviennent de différentes structures partenaires du projet : l’ONG Médecins du Monde, le Service Santé de la commune de Colfontaine, le planning familial La Famille Heureuse de Frameries, ainsi que les services d’Action en Milieu Ouvert (AMO) L’Accueil de Frameries et Parler pour le dire de Dour.

Chaque partenaire détache un à deux membres de son personnel lors des permanences hebdomadaires de l’Adobus. Et chaque partenaire vient avec son expertise et ses spécificités. Julie Fontaine, chargée du projet de l’Adobus pour Médecins du Monde, explique : « Nous, on met à disposition notre camping-car, qui sert aussi pour le projet du Medibus Hainaut, un dispositif médical mobile, utilisé par Médecins du Monde pour aller à la rencontre des personnes les plus isolées dans la province. » L’ONG a donc une expertise en matière d’aide médicale mobile, mais aussi en termes de coordination de projet. Le centre de planning familial est un acteur clé en matière de santé y compris sexuelle et reproductive. Quant au Service Santé de la commune, il a une bonne connaissance des réalités de santé et socio-économiques de sa population. « On a aussi fait appel aux AMO pour leur expérience en matière de contact avec les jeunes, de sensibilisation, de techniques d’animation », ajoute Julie Fontaine. D’autres associations locales interviennent ponctuellement en fonction de la demande et des sujets abordés lors des permanences.