Vestige d’une médecine patriarcale

Déjà à l’Antiquité, les douleurs de règles avaient été constatées par les médecins de l’époque. «Au départ, le mot ‘hystérie’ ne désignait pas une crise de folie, mais de dysménorrhée. Les femmes avaient tellement mal qu’elles se tapaient par terre, relate Pierre-Arnaud Godin, chef de clinique au CLE. Puis avec le temps, en particulier au Moyen Âge, le sens a été dévoyé.» Quant à l’endométriose, elle aurait été décrite pour la première fois, selon les sources, entre le XVIIe et le XIXe siècle. En Belgique, la communauté scientifique s’y intéresse depuis quelques décennies à peine. «Aux cliniques Saint-Luc, nous menons toujours une ou deux études en parallèle sur les médicaments ou les méthodes chirurgicales, avec deux laboratoires qui tournent, l’un en gynécologie et l’autre en immunologie, pour aborder l’endométriose sous tous les aspects», dévoile Mathieu Luyckx, chef de clinique au BCEE.

Les recherches en la matière restent néanmoins lacunaires. Derrière son bureau flambant neuf, aux murs sentant la peinture fraîche et à la vue donnant sur un bâtiment en forme de ruche, la députée bruxelloise Margaux De Ré (Écolo) explique cet état de fait par un autre: «En Europe, notre médecine est fondamentalement patriarcale.» C’est elle qui, en 2022, a porté le plan de sensibilisation à l’endométriose auprès du parlement bruxellois. «Lorsque j’ai présenté mes textes dans le cadre des négociations, on a flambé certaines de mes phrases, dont celles ayant trait aux biais de genre chez les médecins et les gynécos, sous prétexte que ce n’était pas scientifique. Or, ne pas admettre ces biais, c’est occulter une partie du problème», observe-t-elle. Durant ses recherches, la députée a également été frappée par l’obsession des politiciens concernant la fécondité des femmes: «Les quelques arrêtés royaux sur le sujet étaient tous liés à la PMA (procréation médicalement assistée) et à la FIV (fécondation in vitro). Bref, à la lutte contre l’infertilité pouvant être provoquée par l’endométriose. Le traitement des douleurs et l’amélioration de la qualité de vie étaient relégués.» Ce travail lui a d’ailleurs permis de découvrir qu’elle-même souffrait d’adénomyose, une maladie apparentée à l’endométriose.

Quant à l’endométriose, elle aurait été décrite pour la première fois, selon les sources, entre le XVIIe et le XIXe siècle. En Belgique, la communauté scientifique s’y intéresse depuis quelques décennies à peine.

Le plan, finalement voté à l’unanimité, contient huit mesures, dont le financement des associations comme Toi Mon Endo. «Cela nous a un peu aidés, mais le budget octroyé est loin d’être suffisant. Encore aujourd’hui, nous sommes à moins de 100.000 euros de subsides par an», déplore Laura Lequeu. Autre proposition du plan: améliorer le remboursement des soins liés à l’endométriose. La maladie n’étant pas référencée dans les nomenclatures de l’INAMI, il faut parfois «tordre les codes». «Certaines pilules ne sont pas entièrement remboursées. Quant aux opérations, il faut compter sur une bonne assurance hospitalisation», soulève Margaux De Ré. Des freins qui peuvent détourner une partie de la population, en particulier celle étant le plus éloignée des systèmes de soins de santé. «L’endométriose et l’adénomyose sont des maladies pour lesquelles les patientes doivent être hyper-informées et actives dans la gestion de leurs symptômes», renchérit la députée.

De leur côté, les experts du KCE pointent dans leur rapport que «la prise en charge de l’endométriose reste actuellement très fragmentée dans notre pays, les approches et l’expertise varient fortement d’un hôpital à l’autre». Sur les 77 hôpitaux ayant répondu à l’enquête, 30 déclarent avoir créé d’eux-mêmes une clinique de l’endométriose. Ce terme recouvre toutefois des réalités très diverses, précisent les experts. Pour améliorer l’organisation des soins de l’endométriose en Belgique, ils préconisent une prise en charge en trois niveaux. La première ligne, à savoir les médecins généralistes et les gynécologues, doit être mieux formée dans la détection de la maladie, notamment durant leur formation médicale. Ensuite, chaque réseau hospitalier devrait créer des cliniques agréées de l’endométriose et des douleurs pelviennes, dispensant des soins multidisciplinaires adaptés à chaque patiente. Enfin, les experts recommandent de mettre en place un nombre limité de centres de référence spécialisés dans l’expertise chirurgicale de l’endométriose profonde (les cas les plus complexes). Sur ce point, Laura Lequeu soulève un écueil: «Pour que les centres gardent leur certification et donc leur financement, les chirurgiens devront réaliser un certain nombre d’opérations par an, ce qui peut les pousser à en faire sans que cela ne soit vraiment nécessaire.» Afin de veiller au bien-être des patientes et éviter toute dérive, Laura estime que les opérateurs-chirurgiens devraient eux aussi être certifiés. «Soit on fait bien les choses, soit on ne fait rien.» Des mises en garde que la fondatrice de Toi Mon Endo compte bien soumettre lors des prochaines discussions relatives au futur plan stratégique. «Les plaidoyers politiques, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, les changements structurels passent par-là.»