Sortir la maladie de l’ombre

Le premier plan national belge de lutte contre l’endométriose va-t-il sortir sous cette législature? Début 2026, des groupes de travail vont commencer à plancher sur la mise en œuvre des recommandations du KCE, le centre fédéral d’expertise des soins de santé. Ce dernier a sorti le 4 avril 2024, deux ans après une résolution adoptée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, un rapport visant à améliorer la prise en charge de l’endométriose en Belgique. Les experts y dressent un état des lieux de l’organisation actuelle des soins liés à l’endométriose dans les hôpitaux belges. Sur la base de ces constats, ils préconisent plusieurs pistes d’amélioration.

Le premier plan national belge de lutte contre l’endométriose va-t-il sortir sous cette législature? Début 2026, des groupes de travail vont commencer à plancher sur la mise en œuvre des recommandations du KCE, le centre fédéral d’expertise des soins de santé.

Ce vaste chantier n’aurait jamais vu le jour sans l’impulsion et la détermination de Laura Lequeu, celle qui a créé en juillet 2020 «Toi Mon Endo», une asbl qui agit pour mieux comprendre et soutenir l’endométriose. La jeune femme, qui vit désormais en Suisse, revient sur son parcours, marqué par sept longues années d’errance médicale, et les raisons qui l’ont menée à créer cette association. «Les douleurs sont apparues durant mes premières règles. On me répétait que c’était normal, que j’étais devenue une femme, j’en étais heureuse, mais j’ai vite changé d’avis.» À 12 ou 13 ans, elle commence à prendre des pilules contraceptives, mais la souffrance persiste. «Cela me provoquait surtout des crises digestives. Or, la règle dans mon collège, c’était ‘pas de toilettes en dehors de la récré’. Je devais tellement me retenir que je m’évanouissais. À cause de ça, je me faisais tout le temps engueuler par les profs.» Des injustices que Laura subira tout au long de sa scolarité. À l’université, les douleurs s’intensifient et apparaissent durant les rapports sexuels, générant des pertes de sang. Inquiète, Laura fait le tour des hôpitaux publics et privés. Après l’avoir examinée, un gynécologue lui prescrit un médicament abortif, et ce alors qu’elle lui stipule ne plus avoir eu de rapport depuis un an. «Quand je suis retournée le voir avec mon père, il a changé son diagnostic. Il m’a dit que je devais avoir un cancer. Mon père l’a envoyé balader. Rien n’allait dans sa prise en charge. Pourtant, c’était l’un des médecins les plus réputés de Bruxelles…» C’est finalement en tapant ses symptômes sur internet que la jeune femme découvre le mot à l’origine de ses maux: endométriose. Pas un seul des 21 praticiens consultés ne l’avait prononcé devant elle. «À sa lecture, j’ai ressenti de la joie, ce qui en dit long sur ce qu’on nous fait subir pour en arriver à être contente.»

L’endométriose est pourtant loin d’être une maladie rare. En Belgique, elle toucherait une à deux femmes sur dix¹. Le diagnostic, lui, survient entre 7 et 12 ans après son apparition. Un retard pouvant conduire à aggraver les symptômes. En tout, Laura a subi quatre opérations, dans différentes cliniques. Elle a eu des complications postopératoires, a dû abandonner ses études lorsque la maladie a atteint son nerf sciatique. Révoltée contre l’incapacité du corps médical à la prendre en charge correctement, Laura a choisi de tourner «sa colère en force motrice». «À ce moment-là, il n’existait pas d’association vers laquelle se tourner pour demander des informations, aucun site internet belge n’en parlait.» Alors pendant un an, en plein confinement, elle construit son asbl, publie des vidéos sur YouTube où elle raconte son vécu. Très vite, les commentaires fusent. «J’ai été émue de voir que, derrière les statistiques, il y a des visages, des histoires, des rêves, des vies.»

L’endométriose est pourtant loin d’être une maladie rare. En Belgique, elle toucherait une à deux femmes sur dix¹. Le diagnostic, lui, survient entre 7 et 12 ans après son apparition. Un retard pouvant conduire à aggraver les symptômes.

En cinq ans, Toi Mon Endo est devenue une véritable référence. En multipliant les interventions dans les médias, les écoles, les entreprises et les collectivités, Laura a largement contribué à lever le voile sur une pathologie longtemps mise sous le tapis. Au-delà d’informer le plus grand nombre, l’asbl, désormais portée par quatre personnes, agit auprès des politiques et des professionnels de santé. Elle propose notamment des formations dans les plannings familiaux. «Les plannings sont la priorité, car beaucoup de diagnostics passent entre les mailles», indique Laura. Celle-ci s’est également entourée de médecins spécialisés, peu nombreux en Belgique, dans le but de «créer une belle synergie et influencer les autres à changer leurs pratiques». Avec Maxime Fastrez, gynécologue et directeur de la clinique de l’endométriose de l’hôpital universitaire de Bruxelles, ils ont décroché l’appel à projets lancé par le KCE en 2022 dans le cadre de son programme de recherche. Laura explique: «On voulait une étude qui serve à établir des critères au sein des cliniques afin d’éviter les ‘charcutages’. Car c’est bien de sensibiliser les jeunes dans les écoles, mais quand ils nous demandent où aller, que leur dire?»

¹L’endométriose concerne aussi les personnes transgenres, non binaires, sans utérus, ne s’identifiant pas comme femmes ou avec le sexe dont ils et elles ont été assignés à la naissance.