Remettre la patiente au centre

Campé sur les hauteurs de la Cité ardente, au sein de la clinique MontLégia, le Centre liégeois de l’endométriose (CLE) fait figure de pionnier. Entre deux consultations, le chirurgien gynécologue Pierre-Arnaud Godin explique la genèse de cette structure qu’il a créée en 2008. «J’ai été sensibilisé à l’endométriose dès mes études auprès du professeur Jacques Donnez, la sommité belge en la matière. Lors de mes consultations en PMA (procréation médicalement assistée), j’ai constaté que beaucoup de patientes avaient de l’endométriose sans le savoirIl y avait un grand vide médical autour de la maladie. Les personnes étaient mal traitées, par des gynécos faisant ça tout seuls, sans l’aide d’autres spécialistes Ils ont alors commencé à deux, avec un chirurgien abdominal, puis ont agrandi leur équipe au fil des années. Celle-ci se compose aujourd’hui à la fois de spécialistes médicaux (chirurgien thoracique, gastro-entérologue, urologue, etc.) et paramédicaux (kinésithérapeute, nutritionniste, psychologue-sexologue, etc.), et ce afin de «diversifier la prise en charge d’une maladie qui ne se traite pas en un ‘one shot’.»

À Liège, il existe un autre centre dédié à l’endométriose adoptant la même philosophie: le LUCERM. Ce dernier, implanté au cœur de l’hôpital de la Citadelle, a été créé par Michelle Nisolle, autre disciple de Jacques Donnez. Géraldine Brichant, elle, a intégré le service en 2008. «L’endométriose est une maladie gynécologique ayant plusieurs formes et pouvant être associée à d’autres pathologies, comme le côlon irritable», explique la gynécologue-obstétricienne dans son bureau de consultation. La maladie se caractérise par le développement de cellules semblables à l’endomètre, la muqueuse tapissant la paroi interne de l’utérus, en dehors de ce dernier. Ces cellules se fixent alors sur d’autres organes, tels que les ovaires, le rectum ou la vessie, créant différents types de lésions, aux conséquences multiples. D’où l’intérêt d’une approche multidisciplinaire. «S’il y a de l’endométriose près de l’intestin, on aura besoin du gastro-entérologue. Si la patiente a un désir de grossesse et que celle-ci ne se fait pas spontanément, on peut recourir à la PMA (environ 40% des femmes atteintes d’endométriose ont des problèmes d’infertilité, NDLR). L’aide d’un ou d’une psychologue est aussi importante, car la douleur peut créer des mécanismes de défense. Par exemple, elle peut dissuader de sortir avec ses amis ou d’avoir des rapports sexuels avec son ou sa partenaire. Il faut sortir de ces cercles vicieux.»

La maladie se caractérise par le développement de cellules semblables à l’endomètre, la muqueuse tapissant la paroi interne de l’utérus, en dehors de ce dernier. Ces cellules se fixent alors sur d’autres organes, tels que les ovaires, le rectum ou la vessie, créant différents types de lésions, aux conséquences multiples. D’où l’intérêt d’une approche multidisciplinaire.

Il n’existe cependant pas de corrélation entre l’étendue de la maladie et l’intensité des douleurs. Certaines personnes sont par ailleurs asymptomatiques. «L’endométriose est une pathologie très particulière et complexe, qui demande une écoute active. Notre objectif est de bien cibler la prise en charge pour qu’elle soit la plus réaliste et pérenne possible pour la personne», souligne Emilie Horevoerts, l’infirmière coordinatrice du CLE. «C’est la qualité de vie qui prime et nous oriente sur les traitements à mettre en œuvre. Leurs retours nous guident et nous aident à savoir si on est sur la bonne voie ou pas», ajoute Valérie Knapen, gynécologue au CLE.

 

Lorsqu’une patiente vient en consultation, la première étape, essentielle, passe donc par l’échange verbal, à travers une anamnèse visant à caractériser les symptômes, quand il y en a. À partir de là, le diagnostic est parfois déjà établi et un traitement peut être mis en place. Néanmoins, un examen clinique plus poussé est souvent nécessaire afin de détecter ou de cibler les lésions, via une IRM ou une échographie. «Si on ne trouve rien, on peut proposer une laparoscopie exploratrice. La patiente est alors endormie et on fait passer une petite caméra par le nombril. S’il y a de l’endométriose, elle est traitée en même temps», indique Géraldine Brichant. Cette intervention, qui consiste à vaporiser les lésions à l’aide d’un instrument chirurgical, n’est cependant pas sans risques. Les médecins priorisent donc généralement d’autres pistes avant d’en arriver là.

Lorsqu’une patiente vient en consultation, la première étape, essentielle, passe donc par l’échange verbal, à travers une anamnèse visant à caractériser les symptômes, quand il y en a. À partir de là, le diagnostic est parfois déjà établi et un traitement peut être mis en place. Néanmoins, un examen clinique plus poussé est souvent nécessaire afin de détecter ou de cibler les lésions, via une IRM ou une échographie.

«Notre rôle, en tant que médecins, est de prendre le temps d’expliquer la maladie, ce qu’elle induit, insister sur le fait qu’elle est bénigne, revenir sur chaque symptôme, ce que cela provoque, dire pourquoi on donne tel traitement. Et puis, laisser les patientes aux commandes», dévoile Mathieu Luyckx, chef de clinique en gynécologie au BCEE, centre d’expertise bruxellois en endométriose intégrée dans les cliniques universitaires Saint-Luc. Lui aussi est «tombé dans la marmite» dès sa formation en gynécologie auprès du docteur Donnez, qui dirigeait auparavant ce même service. «Le plus difficile, ce sont les patientes avec de longues histoires d’endométriose, confie-t-il. Certaines viennent avec des PowerPoint de tous leurs examens et toutes leurs chirurgies. Et là, on nous demande d’être magiciens.» «Dans notre centre, on voit de plus en plus d’endométrioses ultra-complexes et développées, souvent parce qu’elles ont été laissées évoluer trop longtemps», atteste Pierre-Arnaud Godin. Pour discuter des dossiers compliqués, les équipes du CLE, du LUCERM et du BCEE se réunissent au moins une fois par mois. «On projette nos images de coloscopie, d’IRM, d’échographie. On refait tout le fil et on s’interroge: ‘Valide-t-on une chirurgie, ceci ou cela?’ C’est une décision collégiale», explique Emilie Horevoerts, infirmière coordinatrice du CLE. Ces réunions aident à avoir une meilleure compréhension de la maladie. «Nous sommes parfois démunis. Il est donc intéressant d’avoir l’avis d’autres spécialistes qui verront le problème sous un autre angle. La bonne idée ne vient pas toujours du gynécologue», note le docteur Luyckx.