À ce jour, l’endométriose demeure incurable. Son origine exacte étant toujours inconnue, il n’existe pas de traitement curatif. Les soins prodigués visent donc à pallier les effets de la maladie. En dehors des antalgiques, la parade médicale consiste, le plus souvent, à «induire une aménorrhée, c’est-à-dire à stopper les règles, car ce sont elles le problème», éclaire Mathieu Luyckx. Et ce même en cas d’opération. «Il faut maintenir un traitement médical le plus longtemps possible, même lorsque des lésions ont été retirées. Car c’est une maladie chronique, on ne guérit pas de l’endométriose. Il faut apprendre à vivre avec, en étant accompagnée», insiste Emilie Horevoerts.
Nombre de patientes sont néanmoins réticentes envers les hormonothérapies. C’est notamment le cas de Margot, âgée de 32 ans. Ses douleurs ont commencé avec ses premières règles. «C’était atroce. Si j’avais eu un flingue à côté de moi, j’aurais été tentée de l’utiliser», lâche-t-elle. Quelques années après, soupçonnant avoir de l’endométriose malgré la défiance d’une gynécologue et des examens infructueux, elle prend rendez-vous au Centre liégeois de l’endométriose. Qui, très vite, lui diagnostique la maladie. «Là-bas, j’ai été beaucoup mieux prise en charge. Par contre, quand j’ai demandé à la gynécologue ce que je pouvais faire et qu’elle m’a proposé une pilule contraceptive, je me suis sentie coincée. Cela faisait deux ou trois ans que j’avais arrêté, car je me sentais déprimée et que ça n’allait pas au niveau de ma libido», confie-t-elle.
Margot préférait recourir à d’autres alternatives. Elle s’est procuré un livre sur l’endométriose destiné aux gynécologues afin d’en savoir plus. «J’ai beaucoup appris, dont l’impact des perturbateurs endocriniens et de la pollution, ce qui m’a permis de faire certains aménagements dans ma vie. Par exemple, j’ai adopté un régime anti-inflammatoire.» Des anti-inflammatoires, Margot en ingurgite aussi dès qu’elle sent ses règles arriver, mais, si elle les prend trop tard, «la souffrance s’installe pendant des heures». La jeune femme n’ose pas retourner dans une clinique spécialisée. «J’ai gardé cette peur d’être jugée de ne pas vouloir de traitement hormonal, comme si je ne voulais pas aller mieux. Mais peut-être qu’un jour, la douleur deviendra insurmontable et je n’aurai plus le choix», appréhende-t-elle.
Car la maladie charrie son lot d’incertitudes. Dans leur rapport, les experts du KCE notent que, même «lorsque les patientes sont enfin traitées, elles sont souvent déçues parce que les symptômes ne disparaissent pas (complètement) ou réapparaissent avec le temps».
Prendre des hormones ou courir le risque de développer des lésions: un dilemme auquel Floriane, 35 ans, s’est retrouvée confrontée. De l’autre côté de l’écran, elle raconte que, de ses 16 à 25 ans, elle a pris la pilule, en a eu marre, est passée à l’anneau, puis au stérilet en cuivre. «Plus le temps passait, plus j’avais de douleurs pendant les règles et en dehors.» Elle développe aussi d’autres symptômes, dont une paralysie du côté gauche. Une amie et l’assistante de son médecin généraliste lui suggèrent que cela pourrait être dû à l’endométriose. Sous leurs conseils, elle se tourne vers sa gynécologue, qui lui diagnostique la maladie en 2021. «J’étais au stade 4, le plus avancé.» Un an après, elle subit une laparoscopie au LUCERM. «J’avais dû prendre la pilule trois mois avant l’opération, mais après, j’ai décidé de l’arrêter et de voir ce que je pourrais mettre en place naturellement. Pendant un an, je n’ai plus eu de symptômes. Puis j’ai refait une IRM: l’endométriose était revenue au même stade qu’avant l’opération.» Malgré l’absence de douleurs, Floriane a choisi de se faire réopérer, car entre-temps, le désir d’avoir un enfant est apparu. «Plus l’âge avance, plus la fertilité diminue. Il fallait donc tout nettoyer pour que ce soit ‘accueillant’.» Après quoi, elle a repris la pilule, mais l’a cessée depuis peu, dans l’espoir de tomber enceinte. «Cela génère un certain stress, car l’arrêt de la pilule peut favoriser le retour de l’endométriose. C’est un peu une course contre la montre et en même temps, je ne veux pas me prendre la tête.»
«Ce qui est difficile à vivre quand on a de l’endométriose, c’est de ne pas savoir à quoi s’attendre», concède Mathieu Luyckx. Car la maladie charrie son lot d’incertitudes. Dans leur rapport, les experts du KCE notent que, même «lorsque les patientes sont enfin traitées, elles sont souvent déçues parce que les symptômes ne disparaissent pas (complètement) ou réapparaissent avec le temps». De même, «aucune preuve formelle ne démontre qu’opérer une femme souffrant d’endométriose va améliorer ses problèmes de fertilité», relève le docteur Luyckx. D’autres paramètres doivent dans ce cas être pris en compte, comme la qualité du sperme du conjoint. Mais pour le gynécologue, le pire à faire, c’est de déconseiller tout traitement: «Les femmes qui ont de l’endométriose sont souvent plus tolérantes aux douleurs. Mais si elles les gardent trop longtemps, elles risquent de les garder, même en les traitant. Le corps a une mémoire, avoir mal n’est pas une bonne idée.»